Les fauves : Raconte-moi une histoire !

Il est bien difficile de cataloguer le second long métrage de Vincent Mariette. Ce qui, à priori, a tout du compliment, mais s’avère dans le cas présent contre-productif, de par l’absence d’enjeux clairs et solides suffisants pour toucher le spectateur, ou du moins l’interpeller d’une manière ou d’une autre. Le début peut évoquer un certain fantastique suggestif dans la tradition française, du genre Jacques Tourneur. En effet, le récit, prenant place en été dans un camping en Dordogne, évoque la présence d’une panthère qui serait l’auteur de disparitions étranges. Très rapidement, le scénario joue avec la notion de légendes, de celles que l’on créée pour donner du piment à un quotidien morose. Les personnages sont grisés par le danger, conscients que tout ceci ne pourrait être que du fait de l’imagination d’une personne qui aurait fabriqué cette histoire de toute pièce, mais voulant y croire, afin de vivre avec cette idée de mort qui rôde. Ce qui est bien évidemment l’occasion pour les deux scénaristes de broder une sorte de réflexion sur le spleen adolescent, à travers le personnage de Laura, interprété par Lily-Rose Depp, fascinée et attirée par un homme mystérieux qui pourrait bien être dangereux …

Tous ces éléments pourraient donner lieu à un film troublant et mystérieux, flattant autant la rétine par sa forme très soignée que l’esprit, par son ambiguïté que l’on prendrait plaisir à tenter d’appréhender. Seulement, le cinéaste semble ne pas savoir se dépêtrer des possibilités narratives qui lui sont offertes, et se contente d’un banal récit atmosphérique aux séquences supposées planantes, multipliant les plans jolis mais sans aucune autre signification que la conscience de leur propre beauté, n’apportant rien aux personnages et donnant une impression de remplissage à défaut d’une réelle utilité pour densifier le tout. Se complaisant à créer un mystère finalement très artificiel, la résolution de l’intrigue n’apportant finalement aucune surprise par rapport à ce qu’il évoquait dès le départ, le réalisateur, en à peine 1h20, donne vraiment l’impression de n’avoir rien à raconter, à un point tel que l’on se demande vraiment ce qui a bien pu le motiver à se lancer dans pareille entreprise. Qu’il ne parte pas clairement dans un film fantastique, préférant la chronique adolescente, ce n’est pas en soi un problème, même si l’on a comme souvent dans le cinéma français contemporain du genre, une impression un peu désagréable d’un auteur se rêvant au-dessus du genre, comme si le fantastique ou l’épouvante n’étaient pas dignes en soi et devaient forcément s’accompagner de considérations envisagées comme plus nobles. Mais surtout, la direction d’acteurs totalement atone laisse quant à elle fortement perplexe, ces derniers étant uniformément amorphes et donnant l’impression de vouloir se débarrasser au plus vite de leur texte. Cela donne des scènes de dialogues sonnant totalement faux, particulièrement celles entre les jeunes, ou lors des scènes avec le personnage de flic de Camille Cottin, qui semble totalement décalée dans cet univers, et se demander ce qu’elle fait là. Cet état de fait est particulièrement désolant concernant la jeune Lily-Rose Depp, tant son visage fascinant et magnétique nous donne l’impression qu’elle pourrait donner de grandes choses, si tant est que des cinéastes sachent la regarder et la filmer. Son charisme étrange et atypique était un atout, accentué par le trouble causé par sa ressemblance vraiment frappante avec ses parents, réflexion extra-cinématographique mais ayant forcément son importance pour le spectateur qui la regarde tout un film, en ayant l’impression de voir un mix incroyable de Vanessa  Paradis et Johnny Depp.

Mais plus le récit avance, plus l’on a l’impression qu’il patine, et qu’il n’ira nulle part, multipliant les ellipses sur des dialogues ou des situations qui intriguent à défaut de passionner, pour ne déboucher sur rien. Au final, on a bien compris où le cinéaste voulait en venir, et l’on se dit que ce n’était peut-être pas utile d’en faire un film, et de prendre de grands airs pour en arriver là, à ce tout petit film métaphorique, martelant l’importance des histoires pour tout un chacun, dont on peut décider de le prendre de façon littérale, même si le véritable sens semble assez évident. La note d’intention était assez touchante sur le papier, mais la façon d’exposer sa finalité, en ne laissant finalement aucune possibilité au spectateur de naviguer comme il le souhaite dans le film, en lui imposant au forceps son propos comme quoi les histoires les plus extraordinaires nous accompagnent toute une vie, il annihile le potentiel émouvant de son récit, et s’avère si imbu de lui-même, affirmant que les plus belles histoires sont écrites à deux (rappelons que le film est co-écrit par Vincent Mariette et Marie Amachoukeli, ces derniers semblant donc penser que leur scénario pourrait changer la vie des spectateurs), qu’il est compliqué de se sentir impliqué dans un univers si désincarné.

Peut-être allons-nous un peu vite en besogne, mais une chose est certaine, le grand film dont ils rêvaient visiblement n’aura malheureusement pas été au rendez-vous, la faute à un traitement manquant de générosité et de simplicité, là où il aurait fallu assumer une tradition du fantastique, et surtout, profiter de sa courte durée pour livrer un film modeste et un peu moins languissant, ou du moins, plus fluide. Une occasion manquée !

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