Forgiven : Pardonnez-leur leurs offenses

Cinéaste qui a toujours aimé explorer l’Histoire du monde et de ses conflits en tâchant de tracer une voie humaniste, Roland Joffé semble revenir ici à l’un de ses grands sujets de prédilection avec Forgiven. Inspiré de faits réels, le film revient sur la difficulté qu’a eu l’archevêque Desmond Tutu à présider la Commission de la vérité et de la réconciliation en Afrique du Sud à la fin de l’Apartheid. Un contexte fort, comme Joffé les aime, permettant au cinéaste de recouvrer en partie le souffle qui régnait sur ses premières œuvres.

Pourtant Forgiven ne partait pas vraiment gagnant dans ses premières minutes. Le récit, confrontant Desmond Tutu au criminel raciste croupissant en prison Piet Blomfeld dans le cadre d’une enquête qui pourrait lever le voile sur la mort d’une jeune femme disparue deux ans plus tôt, pose difficilement ses enjeux. On a du mal à vraiment comprendre les difficultés qu’éprouve Tutu à être à la tête d’une commission historique et son premier face à face avec Blomfeld n’est guère convaincant. C’est finalement dans sa durée et en dévoilant tardivement ses cartes et son émotion que Forgiven séduit, s’inscrivant dans l’Histoire violente de l’Afrique du Sud pour mieux bouleverser quand il s’attarde sur l’immense pouvoir du pardon.

Cela dit, même cette émotion très forte, rappelant le Joffé des grands jours, laisse un petit goût amer tant on se dit que le film aurait pu être beaucoup plus réussi. Question mise en scène, Roland Joffé se repose sur ses acquis et ne fait aucune forte proposition. Sa direction d’acteurs se questionne également. Si le trop rare Eric Bana impressionne en campant un criminel dévoilant peu à peu quelques fêlures, la prestation de Forest Whitaker surprend. Assez mal grimé pour mieux ressembler à Desmond Tutu, Whitaker joue sans cesse le personnage sur le même ton, homme bienveillant, souriant et sage (même si l’on sait depuis longtemps que l’humanisme de Tutu a ses limites, ses réflexions antisémites l’ayant prouvé). Un jeu peu nuancé qui nous donne à voir une seule couleur de son personnage quand Bana se montre beaucoup plus intéressant. On est donc ravis en milieu du film de voir plusieurs scènes se concentrer essentiellement sur Piet Blomfeld, permettant d’apporter des nuances à un récit reposant sur quelques facilités.

En dépit de ses évidents défauts, Forgiven n’en déploie moins une certaine ampleur dramatique bienvenue, montrant une partie de la complexité de la situation en Afrique du Sud à la fin de l’Apartheid alors que beaucoup était à faire. On se raccroche alors à ce drame inégal mais néanmoins intéressant pour tâcher de mieux cerner notre humanité et réaliser combien il peut être dur, mais également salutaire, de pardonner. A ce titre, la seule séquence de fin au tribunal mérite qu’on s’y attarde et justifie la vision de ce film ambitieux mais inégal.

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