Mary Poppins : Quelle jolie promenade avec Mary

Vue sur le ciel, une silhouette se dessine au loin, assise sur un nuage, on se rapproche et Mary Poppins (Julie Andrews) se repoudre le nez comme si de rien n’était. Un medley gai et énergique accompagne la scène, donnant immédiatement le ton. Puis, en descendant à hauteur d’homme, nous suivons Bert (Dick Van Dyke), joyeux homme-orchestre, ramoneur et homme à tout faire de la rue, qui nous guide jusque chez la famille Banks, chez qui tout se déroulera. Mary Poppins, aidé par un peu de magie semble-t-il, récupère l’offre d’emploi des enfants : Jane et Michael Banks, que leur père avait jeté à la cheminée. Après une discussion où la rhétorique aussi simple qu’affutée de Mary laisse le patriarche pantois, celle-ci se met immédiatement au travail. Les enfants, vendus comme des petites terreurs, vont découvrir un monde plein de magie et laisser libre cours à leur imagination, accompagnés par cette nounou hors du commun.

Ode à l’imaginaire et à l’innocence des enfants, ainsi qu’à leur épanouissement face à un modèle adulte strict (incarné par le père, mais aussi par les institutions comme la banque), les différentes activités proposées par Mary Poppins sont autant de prétextes à s’amuser, danser et surtout chanter. Entre une chambre qui se range en quelques claquements de doigts (quel enfant n’a pas essayé de le faire après avoir vu le film ?) ou la visite d’un tableau qui laisse la place à un mélange entre animation et prise de vue réelle, tout est une raison valable pour pousser la chansonnette. Les multiples chansons de Mary Poppins, accompagnent les personnages, les caractérisent, mais surtout, s’inscrivent dans le rythme global du film, avec peu ou pas d’accrocs. Elles ne se livrent pas à nous d’un seul bloc, comme des saynètes dissociables du reste de l’intrigue. La fluidité est le mot d’ordre ici : le chant, quand il marque parfois une pause pour laisser place à quelques lignes de dialogue, sait garder un rythme pour lequel la reprise de la cadence est des plus naturelles. Les instrumentales accompagnent, comme souvent dans une comédie musicale, les mouvements des personnages, leurs démarches ou leurs mimiques. On visite des lieux cachés, on découvre une galerie de joyeux lurons aussi fleurie qu’absurde (un capitaine de la marine qui tire au canon sur les toits de Londres, des pingouins de dessins animés qui font office de serveurs ou encore des ramoneurs à la sauce Broadway…), mais toujours enchanteresse.

Mais au milieu de tous ces joyeux drilles, c’est avec le personnage de Georges Banks (David Tomlinson) que le procédé musical trouve toute sa quintessence. Archétype du père autoritaire qui n’a que trop peu de temps pour s’occuper de ses mouflets, il fait sa première entrée avec une chanson au rythme strict, ponctué par des trompettes de fanfares, qui vante ses qualités de londonien maniéré, au quotidien réglé comme du papier à musique. Chanson qui le suivra le long de l’œuvre, avant que la logique de Mary Poppins, et plus tard la discussion avec Bert, ne la fasse habilement flancher vers des tonalités plus mélancoliques. Jamais pourtant, il n’est présenté comme un tyran, plusieurs fois, on est encouragés à comprendre sa situation, à considérer la perspective de l’autre (« il ne voit pas plus loin que le bout de son nez »). C’est avec bienveillance que la transformation s’opère chez Banks, qui prend possession du dernier acte et évince doucement la nounou des projecteurs. L’émerveillement des enfants, l’épanouissement de leur innocence, ne sont donc pas ici de simples prétextes à une bête exposition de sympathiques scènes, mais plutôt un lent et habile déclencheur du changement chez le père. Tout se résout autour de lui, jusqu’à ce final optimiste, certes facile, mais toujours cohérent avec l’ensemble.

Aussi intelligent qu’innocent dans sa morale, servi par un charme courtois et désuet, Mary Poppins n’a pas volé sa place au panthéon de la nostalgie avec sa candeur cotonneuse d’une autre époque. Et Disney l’a bien compris, dans sa folle entreprise de réadapter, remaker et donner suite à tout ce qu’il a produit. Malheureusement, nous verrons dans la critique de sa suite que les plus valeureuses leçons, même données avec la plus grande pédagogie du monde par les ainés, tombent malheureusement parfois dans l’oubli.

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