Mowgli : Petit d’homme deviendra grand

Cela fait maintenant plusieurs années qu’on l’attendait celui-là ! Entré en production avant que Disney ne balance sa version du Livre de la Jungle en 2016, longtemps repoussé le temps de fignoler la bête, prévu pour une sortie salles puis finalement lâché par Warner plus tôt dans l’année, le Mowgli d’Andy Serkis a finalement été récupéré par Netflix sur lequel il est sorti depuis le 7 décembre dernier. Une nouvelle belle acquisition pour la plate-forme qui semble décidée à récupérer dans son giron des productions audacieuses que certains producteurs ou distributeurs, trop omnibulés par des chiffres sur une courbe, préfèrent abandonner. Pour ce qui est donc son deuxième film en tant que réalisateur (Breathe est sorti plus tôt cette année), Andy Serkis nous dévoile enfin sa vision personnelle du Livre de la Jungle, loin du canon Disney et plus proche de l’œuvre originale de Rudyard Kipling.

L’histoire est grossièrement la même. Alors que les parents de Mowgli sont massacrés dans la jungle par le terrible tigre Shere Khan, Mowgli est recueilli tout bébé par une meute de loups et élevé comme l’un des leurs. Il fait son éducation dans la jungle auprès de Baloo et Bagheera mais se retrouve de plus en plus conscient qu’il est différent de ses frères loups. Alors que Shere Khan, qui voit en lui une aberration, veut le tuer, Mowgli se remet en question et Bagheera se demande s’il ne serait pas mieux à vivre auprès des hommes… Avec Mowgli, Andy Serkis entend replacer le petit homme au centre de l’histoire et s’éloigner du canon Disney que l’on a tous en tête. Le cinéaste livre ainsi une adaptation fidèle du roman, radicalement différente de ce que l’on a pu voir sans édulcorer la violence du récit, parfois très sombre (la mort d’un personnage dévoilée de façon marquante, les affrontements entre Mowgli et Shere Khan).

Surprenant dans sa façon d’aborder cet univers si familier, Andy Serkis se concentre moins sur les personnages secondaires (tous interprétés par un casting incroyable, allant de Christian Bale à Cate Blanchett en passant par Benedict Cumberbatch ou Serkis lui-même) que sur son jeune héros interprété par Rohan Chand. Comme le titre du film l’indique, Mowgli s’attarde sur ce petit homme si singulier, celui qui n’est ni vraiment homme et ni vraiment loup et tient donc une place si singulière dans la jungle. Serkis profite de passer à travers son héros pour montrer que la violence tient sa place des deux côtés de la jungle. Si les lois régissant la jungle des animaux semblent équilibrées, c’est un lieu qui n’en abrite pas moins de terribles dangers et qui peut s’avérer cruel. Et si le village des hommes offre à Mowgli une sorte d’apaisement à première vue, notre héros n’en découvre pas moins que celui qui se présentait comme une sorte de figure paternelle est finalement un être cruel. Cette dualité entre l’harmonie et la violence, présente de chaque côté du tableau (et que Mowgli est contraint d’épouser pour affronter Shere Khan) permet au film d’être tout à fait passionnant et ce en dépit de ses défauts.

 Car oui, Mowgli souffre de quelques scories empêchant une véritable immersion au cœur du récit. C’est d’ailleurs surtout au niveau de la technique que ça pêche. Si les expressions des animaux sont formidables, le rendu technique global est un peu plus brouillon. A de trop nombreuses reprises, le film sent le numérique et le fond vert à plein nez, impression renforcée par le jeu inégal de Rohan Chand dont on sent bien qu’il est parfois perdu. Certaines interactions sonnent fausses là où elles constituent l’un des moteurs du film. Et si l’on ne se plaindra pas sur la radicalité de certains looks des animaux (Baloo et sa gueule cassée, Shere Khan et son visage inquiétant), on pourra reprocher au film de créer un décalage parfois gênant entre Mowgli et l’univers dans lequel il évolue. Une scorie technique qui n’enlève rien à l’audace du propos (que l’on salue totalement) mais qui se révèle évidemment un brin handicapante en dépit de tout le talent et la bonne volonté d’Andy Serkis.

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