The Deuce – saison 2 : Porno et féminisme !

C’était l’une des séries les plus attendues de l’année dernière. Après une première saison formidable, The Deuce est revenue à la charge cette année avec une deuxième saison de neuf épisodes encore plus vibrante. Peu à peu, la série délaisse les sordides trottoirs de la prostitution pour aller vers les plateaux de tournage des films pornos, vers les peep-shows, vers les salons de ‘’massage’’ et vers les clubs branchés. L’occasion pour David Simon et George Pelecanos de continuer à sonder une époque mais aussi de prendre le pouls de l’Amérique d’une façon plus générale.

La saison débute en 1977. Gorge Profonde a fait un tabac dans les salles, le disco est à la mode mais The Deuce est toujours le même quartier, visé par la mairie de New York qui entend le nettoyer. Chris Alston est monté en grade et regarde cette initiative de la mairie d’un œil désabusé. Vincent et Abby vivent ensemble et tiennent leurs établissements avec succès même si Vincent vit mal le fait de toucher de l’argent de la mafia et de la prostitution. Paul envisage d’ouvrir son propre club. Certains n’ont pas changé comme Frankie, toujours endetté ou C.C., toujours aussi odieux, voire plus depuis le succès croissant de Lori dans le porno. Alors que Darlene a repris ses études et que Larry Brown se verrait bien acteur porno, les macs ont de plus en plus de mal à tenir la rue, ennuyé par des associations voulant améliorer le quotidien des prostituées. Et il y a Candy, enfin Eileen, la toujours aussi merveilleuse Eileen, bien décidée à réaliser son propre long-métrage…

Toujours autant de personnages dans la série, vous l’aurez compris. Et toujours une aussi belle fluidité du récit, jamais lourdingue, enchaînant les scènes, passant d’un personnage à l’autre avec un rythme soutenu maniant joliment le sens de l’ellipse et de l’efficacité. Contrairement à une série comme Better Call Saul qui trouve sa force dans l’étirement de ses séquences, The Deuce les enchaîne pour mieux insuffler la vie dans son récit. Souvent courtes, elles permettent d’aller à l’essentiel en peu de temps, montrant comment les choses bougent pour les personnages. Car la série va vite. Prévue en trois saisons seulement, elle compte quasiment couvrir dix ans de l’histoire d’un pays, d’une ville et d’un quartier. Pas le temps de lambiner et aucun risque de s’ennuyer.

Certes, certaines ficelles mises en place par les scénaristes sont un moins subtiles que par le passé. La disparition de certains personnages a parfois des allures de scènes expédiées et psychologiquement un peu faciles. Qu’importe, The Deuce a mille autres qualités. La plus forte et la plus osée est de conjuguer porno et féminisme. C’était déjà palpable dans une première saison laissant la part belle aux femmes mais cette seconde saison enfonce le clou : les femmes sont les véritables héroïnes de la série. Plus le récit avance et plus les hommes s’effacent. Les macs ont fait leur temps, soit ils doivent s’adapter soit ils disparaissent. Ce sont les femmes qui tiennent la baraque. Vincent le reconnaît lui-même, Abby lui est supérieure intellectuellement, il ne peut rivaliser avec elle sur différents plans. Même Harvey, en dépit de ses plaintes incessantes, doit plier le dos devant l’ambition d’Eileen et se contraindre au régime que sa petite amie lui impose.

Tout n’est pas complètement rose, évidemment et la mort et la violence sont toujours au tournant. Les hommes usent encore de leur violence et de leur pouvoir d’humiliation comme ils peuvent (à l’instar de cet immonde producteur demandant une fellation à Eileen si elle veut que son film soit produit) mais rien ne semble arrêter la marche des femmes. A ce titre, la série vaut le détour uniquement pour la trajectoire de Candy/Eileen. Interprétée par une fabuleuse Maggie Gyllenhaal (mais attention, tout le casting est à saluer), Eileen est une femme ambitieuse qui refuse d’être enfermée dans une case et qui veut imposer sa façon de faire. En dépit des coups qu’elle peut se prendre, elle garde toujours la tête haute. Une femme incroyable comme on en aimerait en voir plus souvent en fiction.

Non contente de se revendiquer féministe jusque dans son équipe technique (cette deuxième saison contient sept épisodes réalisés par des femmes), The Deuce n’en fait pas son seul cheval de bataille. Le racisme, l’inégalité salariale entre hommes et femmes, entre blancs et noirs, le droit des homosexuels, la série ratisse large en visant toujours juste. Car en faisant le portrait de The Deuce en 1977, c’est bien le pouls de l’Amérique que prend la série. Une Amérique qui n’a pas vraiment changé en quarante ans, toujours prompte aux inégalités, à la violence, à l’injustice et au manque d’ouverture d’esprit. Mariant féminisme et modernité, The Deuce n’a jamais été aussi forte, parvenant à faire de son contexte pourtant très ancré, un bel exemple d’intemporalité.  

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