Àga : Nature morte.

Àga est un grand film d’aventure. De ceux d’antan sans fioritures, les paysages, la nature et son vide qui naviguent un tout cohérent appelé la vie. Àga suit un couple lakoutes vivant au cœur du Grand Nord. Ils sont les derniers bergers de rennes de la région. On les suit au quotidien dans leur rythme séculaire. Leur vie est cadrée par le fait de (sur)vivre dans une nature sauvage les appelant à l’être tout autant. Ils sont ce dernier peuple éloigné, des survivants.
Rapidement, nous comprenons que leur fille est partie vivre à la ville. Elle a été appelée par la modernité, eux parent qui ne comprennent pas ce principe. Mais cette modernisation les rattrape parfois dans le ciel. Ils sont conscients d’une autre vie, plus matérielle. Mais la leur était l’élevage de rennes. De la chasse de Nanouk le père, Sedna la femme en fait des fourrures pour se protéger du froid. La viande les nourrit aussi. La vie en somme.

Avec Àga, le réalisateur bulgare, Milko Lazarov, projette avec douceur l’état primaire de l’homme. Sa véritable nature à exister sur Terre, tel un élément distinct dans le processus de ce mécanisme, de la même manière que les rennes, les loups, le froid et le bois. On mettra donc longtemps avant de se reconnecter avec la modernité. Son absurdité saute de suite aux yeux, par la parole des hommes, leurs agissements. Àga est une ode envers la nature, sa beauté et la principale notion de la vie. Nous n’aurions jamais dû évoluer de cette manière. C’est ce que l’on ressent intrinsèquement après la projection du film. Le voyage de Nanouk vers sa fille en est la peinture pertinente. La posture de ce père au cœur de trou gangrénant notre Terre pour la futilité des diamants qu’elle recèle. Cette fille qui a abandonné sa véritable nature pour creuser la Terre, pourrir ce que son père entretenait malgré lui. Il lui pardonne en dépit du fait d’avoir été en colère. Ils se regardent et pleurent, car la notion de famille est plus forte. Elle comprend son erreur, cette cassure familiale comme un pont brisé entre la nature et la modernité. La compréhension n’est pas évidente entre ses deux points, mais à voir la mine de diamant en Lakoutie, on comprend mieux la douleur subie par la Terre par notre faute. Nous, anciens chasseurs nourrissant nos familles et se réchauffant avec la peau des bêtes. 

Nous avons atteint un point de non-retour. Àga ne se voit pas comme un film écologique, mais comme la peinture d’une notion perdue par l’homme. Le ciel et la Terre se confondent, car ils ne font qu’un. L’un répond à l’autre, comme l’homme doit répondre à la terre, élément envers lequel il prend racine. Mais cette terre, l’homme la creuse, la spolie, la salit pour mieux servir sa cause. Il en oublie l’essentiel, à l’image de la fille de Nanouk pleurant de la plus pure des façons face à lui. Ce père qui lui rappelle sa véritable nature au creux de ce démiurge subissant les affres égoïstes de sa créature. Àga n’apporte aucune réponse, ce n’est point le but du film. Àga est une sublime peinture de ce que nous avons écrasé avant de creuser notre tombe en atteignant l’enfer de cette Terre mourante. Nous avons tué les derniers hommes sauvages, reste maintenant l’anéantissement des hommes modernes. Une démarche actuellement en cours, avant que la Terre elle-même nous rappelle en son sein.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*