The Mumbai Murders : La gangrène d’une nation.

Nous avions fait la connaissance d’Anurag Kashyap en 2013 avec Ugly, récit glaçant sur la disparition d’une petite fille en plein cœur de Bombai. Le réalisateur indien a le talent pour transporter le spectateur au cœur d’une ambiance glauque. En se confrontant à son cinéma, on ne ressort jamais réellement indemne.
C’est une nouvelle fois le cas avec The Mumbai Murders. Le récit d’un tueur en série qui s’oppose à un flic charismatique. En préambule du film s’affiche un message surprenant du réalisateur : l’histoire ne contera pas les faits divers sur Raman Raghav, le fameux serial killer qui a assassiné une quarantaine de personnes à Bombay dans les années 1960.
La première intention d’Anurag Kashyap était de revenir sur la vie et les faits du tueur. Il préfère en retirer un drame sur la vie d’un autre homme. Un pauvre villageois dont le mal s’est emparé de lui, tel un héritage funèbre déclenchant une furie. 

Cet homme est Ramana, un prédateur tuant pour son simple plaisir. Sous différents chapitres s’appuyant sur les personnages du long-métrage, nous allons le suivre, pire, nous allons être dans sa tête. Le film est un véritable cauchemar pour le spectateur, car Anurag Kashyap nous transporte dans ses manies, ses faits et gestes. Au cœur de Bombay, il est comme le tigre chassant une proie de par ses yeux perçants. Le personnage crée le malaise, même face à l’écran, nous ne sommes pas en sécurité.
Nous avions raison de se douter du réalisateur qui ne nous épargne rien une nouvelle fois. Le film est une épreuve, un tour de force nous mettant dans le corps d’un tueur implacable et imprévisible. Nawazuddin Siddiqui l’incarne avec conviction, l’acteur s’effaçant derrière le monstre. Un monstre créant le chaos, l’apocalypse notamment chez sa sœur, une séquence éprouvante et forte, où la monstruosité et l’imprévisibilité de l’homme prennent toutes leurs mesures.
Le spectateur est mis à mal par ce personnage de Ramana, on sent le danger, la terreur que le personnage peut déclencher. Nous avions rarement vu cela au cinéma, plus depuis Henry – Portrait d’un Serial Killer ou Le Silence des Agneaux avec Hannibal Lecter. Ramana est de ce calibre, un monstre, le pire que l’humain ait pu créer.

Face à lui, Raghavan est un jeune policier orgueilleux et colérique. Il enchaîne les conquêtes en parallèle des lignes de coke. C’est un drogué qui mène ses enquêtes de façon hallucinatoire. Quand il est confronté aux meurtres sauvages de Ramana, il se fait un devoir de l’arrêter. Commence alors un face-à-face entre deux monstres. L’un le sait et l’assume, l’autre grandit en lui une bête à force de frustration envers un père fort et castrateur. Le jeune inspecteur est un fils de, un de ses enfants n’ayant jamais eu la parole devant l’autorité paternel, notamment dans cette société indienne complexe.
Une relation chasseur-chassé se créer, l’association entre diables pour mieux se corrompre et se comprendre. Anurag Kashyap nous broie dans l’âme noire humaine. The Mumbai Murders est un voyage au bout de l’enfer, cette instantanée apocalyptique dont on ne ressort point indemne. 

À travers ses deux portraits, le réalisateur montre la plaie béante d’un pays, d’une société indienne sauvage et meurtrie engrainant des salauds de la pire espèce. Cette société pauvre et corrompue nourrit de l’avide bêtise humaine. Anurag Kashyap dresse avec The Mumbai Murders un nouveau portrait obscur de son pays et de son peuple. Par le biais d’une figure dramatique du pays, il dessine l’héritage d’un peuple souffrant des maux historiques d’une société aveugle et meurtrière. Un film acide et dérangeant à l’image des yeux perçants de Ramana, allégorie de la perversité cannibale de l’Inde, qui vous scrute pour mieux bondir et vous asséner des coups meurtriers. The Mumbai Murders est une expérience éprouvante de cinéma.

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