The night comes for us : Toujours plus loin, toujours plus fort

Disponible depuis le 19 octobre sur Netflix, nous avions omis de vous parler de The Night comes for Us, oubli réparé aujourd’hui, ce qui était bien la moindre des choses pour les amateurs de films d’action, tant le film en question semble à chaque instant tenter de repousser les limites que l’on pensait avoir déjà franchies avec des films comme les deux The Raid ou Headshot ! Guetté depuis déjà un bon moment, le projet avait fait surface en 2014, sous l’impulsion de Timo Tjahjanto, l’un des réalisateurs derrière le binôme The Mo brothers, qui n’ont de lien de parenté que par leur signature (le deuxième étant Kimo Stamboel) ! Ayant connu des problèmes de production, le projet avait été mis en stand by en attendant de lever les fonds nécessaires, la situation s’étant débloquée avec l’arrivée de la plateforme sus-citée, que plus rien n’arrête en ce moment, lorsqu’il s’agit de projets excitants ! Entre temps, le Timo en question aura donc réalisé avec son compère Headshot, petite bombe de violence qui s’inscrivait directement dans la mouvance du nouveau cinéma d’action Indonésien, lancé par le Gallois Gareth Evans avec le diptyque mentionné plus haut, qui, on ne le répètera jamais assez, aura réellement renouvelé la façon de filmer l’action, en mettant sur le devant de la scène un art martial alors peu connu en dehors de ses frontières, à savoir le pencak silat ! D’une cinégénie incontestable, celui-ci aura naturellement entraîné toute une vague de films d’action ultra-violents qui auront définitivement ringardisé toutes les tentatives venues des Etats Unis, même les plus réussis des films américains ne pouvant rivaliser avec la puissance des œuvres du genre Indonésiennes ! Sauf que là où Gareth Evans faisant preuve d’une virtuosité de mise en scène ayant atteint son apothéose avec le sublime The Raid 2, les Mo Brothers, eux, visent plus une sorte d’efficacité immédiate dont le but premier semble être de poser ses « cojones » sur la table, bander les muscles, et sortir l’artillerie lourde, en ne faisant aucun quartier ! A savoir que leurs films semblent chercher à chaque instant à épuiser le spectateur, voir à le tétaniser, face à un déchaînement de violence tout simplement inédit ! C’était déjà le cas de Headshot, qui allait presque trop loin et laissait le public fracassé, avec les yeux qui saignent et le cerveau compressé ! La viscéralité, voilà ce que visent les cinéastes, et le Timo ne s’est clairement pas calmé lorsqu’il s’est agi de passer seul à la mise en scène ! Face à The night comes for Us, il ne faut pas bien longtemps pour comprendre la note d’intention, à savoir : BIGGER AND LOUDER !

Lors d’un massacre sur une plage, un tueur se prend de compassion pour une fillette qu’il s’apprêtait à exécuter et choisit de l’épargner ! N’ayant d’autre choix que d’exterminer tous ses compères, il se retrouve donc avec à peu près tout ce que Jakarta compte de tueurs frappadingues aux trousses, et à partir de là, seule comptera  sa survie et celle de la fillette ! Et lorsque l’on parle de survie dans un film d’action Indonésien, on peut s’attendre à ce que tous les coups soient permis …

Ce court synopsis peut laisser croire à un critique branleur ne voulant pas se prendre la tête et allant au plus simple. Et pourtant, vous pouvez le croire, cela constitue quasiment le script complet du film, si l’on excepte bien sûr quelques rebondissements et courts moments de dialogues uniquement là pour lier le tout. Car il faut bien comprendre que l’ambition première se situe dans la surenchère ! Surenchère dans la scénographie des scènes de combats, toujours plus invraisemblables, mais surtout en matière de violence graphique, dépassant ici allègrement tout ce que l’on avait pu voir jusqu’à maintenant, en pensant naïvement qu’il était impossible d’aller plus loin. Timo, visiblement très joueur, et surtout très (très) énervé, lance donc assez rapidement : « non les mecs, le plus fou, c’est le mien », en se lançant aveuglément dans des délires grand guignolesques tombant clairement dans le gore le plus outrancier, évoquant carrément les Category III de la grande période du cinéma HK, quand le cinéma se faisait poète, à travers des bandes aussi improbables que sordides, où le seul maître mot était « liberté » ! Mais ici, aucune velléité de transgression ou d’acte politique, juste un énorme défouloir, repoussant à chaque instant ce que l’on vient de voir la scène précédente ! Le problème étant bien entendu le risque de saturation devant un spectacle certes généreux et faisant bien plus que respecter ses promesses, mais assumant à tel point son statut de bisserie dégénérée et sanguinolente, qu’il ne faut surtout pas espérer de pics d’intensité comme dans les films précédemment cités. La violence est si extrême et WTF, qu’il serait franchement déraisonnable de prendre cela au sérieux une seule seconde. Mais Timo a tellement confiance en lui et en sa folie, qu’il nous balance en tant que première grosse scène d’action ce qui constituerait le climax dans n’importe quelle bande d’action sans ambition ! Le résultat étant que passé l’effarement devant le spectacle qui nous est proposé à cet instant (une scène de baston dans une boucherie se finissant … en boucherie), la suspension d’incrédulité déjà bien entamée, il est difficile d’être surpris à chaque instant d’un film durant tout de même 120 minutes, une durée pas très raisonnable pour une œuvre constituée à 95% d’action ! Le cinéaste ne possédant pas, comme dit plus haut, la maestria de Gareth Evans, le montage se fait souvent bancal ! On note ainsi pas mal de fondus au noir laissant clairement penser que le scénario n’avait tellement rien à proposer en dehors de l’action, qu’il était difficile de faire les transitions entre deux bourrinages intensifs ! En bref, pour qui cherche un film viscéral où l’action est porteuse de sens et d’enjeux, il est préférable de passer son chemin. En revanche, si l’on cherche avant tout une bisserie outrancière et gore jusqu’à plus soif, ressuscitant les plus belles heures du cinoche décomplexé des 80’s et 90’s, on a trouvé ici notre nouveau maître spirituel de la poésie cinématographique ! Racolant clairement auprès d’un public peu regardant au-delà d’un spectacle régressif, le film nous propose tout ce que l’on peut attendre de pareil spectacle ! Vous voulez des mutilations, du sang qui gicle par hectolitres, des combats à l’arme blanche (où avec n’importe quelle arme pouvant créer de gros dégâts corporels) se terminant systématiquement en carnage inouï : pas de problème, Timo a pensé à vous ! Vous voulez des combats de filles (avec Julie Estelle, la très stylée Hammer Girl de The Raid 2, c’est encore mieux) ? Vous en aurez aussi, au-delà même des espérances. Par contre, si vous cherchez profondeur psychologique, questionnements existentiels et enjeux Shakespeariens, passez votre chemin ! En même temps, lorsque l’on se lance dans pareil film, il faudrait être à côté de la plaque pour chercher du cinéma d’auteur.

Donc pour qui n’a pas encore tenté l’expérience, soit par doute, soit pour ne pas en avoir entendu parler, tous les éléments dont vous avez besoin pour vous lancer sont à votre disposition, et en cas de rejet, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas à quoi vous attendre ! Ce genre d’action a désormais son film terminal, il va maintenant falloir attendre qu’un virtuose renouvelle le genre avec intelligence … en attendant que Timo s’en empare pour à nouveau le pousser dans ses retranchements ! Le cinéma est ainsi fait, il y a les créateurs de formes, et les suiveurs qui cherchent à repousser les limites établies par les premiers ! Et lorsque c’est fait avec tant de rage, on peut largement s’en contenter, tout en reconnaissant les limites de pareille démarche !

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