Silvio et les autres : Grandeur et décadence de l’Italie moderne

Connue mondialement, la figure de Silvio Berlusconi et de son ascension au pouvoir en Italie fascine encore aujourd’hui. Difficile cependant de saisir toute la complexité et tout le parcours de cet homme politique, vendeur hors-pair, menteur éhonté, amateur de femmes, ambitieux. Berlusconi est un personnage grotesque, l’homme d’une époque et d’un pays. Pour scruter le personnage, Paolo Sorrentino décide d’aller à contre-courant et évite le biopic dans sa forme classique. Sorti en deux parties en Italie, Silvio et les autres arrive chez nous dans une seule version, tronquée d’environ cinquante minutes pour arriver à un film d’une durée de 2h30.

Pas forcément gênant, ce montage se fait surtout ressentir dans la première partie du film où Berlusconi est absent. On fait alors la connaissance de divers personnages (dont il faut rapidement retenir les noms et les visages) gravitant autour de Berlusconi, ‘’lui’’ comme ils l’appellent. Il est sur toutes les lèvres, dans les rêves de tous les ambitieux arrivistes, dans les fantasmes de toutes les femmes. S’il n’est plus au pouvoir (le film se déroule entre 2006 et 2010), Berlusconi est toujours l’homme du moment, le plus important du pays, celui sur lequel il faut compter. Pendant près de quarante minutes, le récit le dissimule et se concentre sur Sergio (Riccardo Scamarcio), jeune ambitieux voulant à tout prix attirer l’attention de Berlusconi. Celui-ci se la coule douce dans sa ville en Sardaigne, essaye de reconquérir sa femme mais cède vite aux sirènes de l’ambition et s’apprête à reprendre le pouvoir.

Sorrentino fait le choix de nous épargner la vie politique de son personnage. Il le dit lui-même, son film n’est rien de moins qu’une fiction racontant des événements vraisemblables ou inventés. Silvio et les autres apparaît alors plus comme une variation autour de Berlusconi qu’un vrai récit centré sur lui. Sorrentino se moque de filmer son personnage dans le milieu politique et place l’essentiel de l’action dans la villa en Sardaigne où Berlusconi régit son petit monde (il a même un volcan miniature à sa disposition) et vaque à ses occupations. Plutôt que de composer un portrait complètement cynique, Sorrentino va également chercher de la tendresse. Certes, Berlusconi est un homme féroce écrasant ses ennemis, corrompant tout ce qu’il touche mais c’est également un homme vieillissant face à lui-même, à ses peurs et à ses doutes. Dans une scène marquante du film, une jeune femme lui explique qu’elle ne peut pas coucher avec lui car il a l’haleine de son grand-père. Coup dur pour cet homme qui dit ne jamais se vexer mais qui n’en a pas moins peur de la mort, peur de ne pas laisser sa marque.

Quand il touche au cœur des émotions du personnage, Sorrentino vise juste et ce d’autant plus qu’il est aidé par son fidèle complice Toni Servillo, acteur merveilleux, capable d’embrasser n’importe quel personnage avec un talent fou. Tant qu’il est à l’écran, Servillo fait le show, il est un Berlusconi plus vrai que nature, un charmeur, un roublard à qui rien ne résiste ou presque. L’acteur est formidable et totalement investi. Le vrai problème du film, car problème il y a réside ailleurs. Sorrentino a toujours composé des cadres magnifiques et su, mieux que quiconque à travers La Grande Bellezza, croquer les travers de la société italienne contemporaine.

Dès lors, Silvio et les autres a du mal à ne pas apparaître comme un Grande Bellezza bis où l’on fait la fête dans des villas somptueuses avec des femmes dénuées et voluptueuses sans pour autant combler le vide que l’on ressent. A de trop nombreuses reprises, Sorrentino s’éternise sur ces plans de fêtes, de femmes qui dansent, d’hommes qui les regardent. A de trop nombreuses reprises, Sorrentino verse dans le symbolisme lourdingue (il l’a toujours usé mais avec plus de tact) notamment sur la fin. Le film donne ainsi l’impression de trop souvent se regarder le nombril et de tourner à vide. Il apparaît surtout comme une sorte de régression de la part du cinéaste qui s’était tout de même hissé à des sommets avec le sublime Youth. Inspiré certes mais sans chercher à aller vraiment plus loin, Paolo Sorrentino livre alors une œuvre bancale dont on peut sauver la tendresse et la mélancolie sans pour autant sauver ses 2h30 beaucoup trop longues que même la présence de Toni Servillo ne peut sauver de tous ses défauts…

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  1. El Reino : Jusqu'ici tout va bien... -

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