Wine Calling : Rencontre avec l’équipe du film !

C’est au cœur de Paris que nous avons retrouvé le réalisateur du documentaire Wine Calling, Bruno Sauvard, accompagné par Laurence Manya Krief et Jean-François Nicq, deux vignerons découverts au cœur d’un film solaire et pédagogique, dégageant des effluves de libertés et de solidarités. C’est bien évidemment autour d’un bon verre de vin que notre rencontre s’est déroulée sous un soleil estival en ce milieu de mois d’octobre pas comme les autres.

Comment vous est venue l’idée de Wine Calling ?

Bruno Sauvard : J’ai eu dans un premier temps la proposition d’écrire un scénario original. J’ai alors écrit un long-métrage de fiction en ayant connaissance des vins. J’ai gouté les vins, rencontré Stéphane Morin et d’autres vignerons qui étaient dans cette démarche de vins naturels. Quitte à avoir une idée, je vais m’en servir pour permettre la découverte de ces vins par le biais d’un personnage maghrébin. Quand les producteurs ont lu le pitch tout en leur expliquant la démarche et le décorum, ils m’ont proposé de faire un film directement sur eux. Il y avait un challenge en cherchant l’angle et la bonne manière de faire. On s’est dit banco sans argent et sans chaînes de TV. On a tout de même entamé les démarches avec deux refus à la clé. C’est alors que j’ai pris le pari d’être dans l’inconfort, dans l’artisanat, sans qu’il y soit des gens qui nous disent quoi faire sous prétexte de leurs aides financières. On a financé avec le crownfunding puis nous sommes partis avec cela.

Laurence Manya Krief : La liberté a un prix. 

C’est un message que l’on entend de plus en plus, au fur et à mesure des rencontres avec les artistes et réalisateurs, cette rébellion face aux dictats des chaînes de télévision.

BS : Il faut voir les sorties en salles actuellement. On nous impose des films sur-exploités que les spectateurs vont voir, car ils ont envie de se détendre, mais c’est de la merde en barres. Les films restent un mois en haut de l’affiche et c’est des places prises empêchant d’autres sorties. Il y a des réalisateurs et réalisatrices qui attendent, comment veux-tu faire ?! Les producteurs sont déjà sur d’autres projets avec l’argent englouti ailleurs avec des têtes d’affiche, des scénarios pourris, mais ils vont rentrer dans leurs frais. Ils ne s’embêtent pas. Si tu dois faire quelque chose, tu le fais toi-même. Il faut se retrousser les manches, ne pas avoir peur. Mais le système te rattrape notamment sur la diffusion. Wine Calling a le droit à 21 salles en France. C’est pas mal, nous sommes contents. Si le film fonctionne bien, on espère quelques salles en plus. Nous ne sommes pas Black Panther 2, c’est un film qui vivra sur la durée. Mais il y a quelques urgences pour régler nos factures encore en cours. On ne parle pas de gagner de l’argent, juste de pouvoir payer les factures.

Bruno Sauvard, réalisateur de Wine Calling

Comment s’est déroulé la collaboration, l’accueil avec le débarquement de l’équipe de tournage sur les terres ?

BS : Très très froid, car ce sont des sales c*** (rires). Je leur ai imposé le film en leur expliquant qu’il y avait la matière pour, d’expliquer leurs démarches, le procédé et faire connaître le vin nature sans les connaître réellement et sans savoir le déroulement de leur activité. Mais j’avais quelques pistes, quelques indices. Il y avait les vins aussi que je trouvais incroyablement bons. Cette notion de plaisir, elle part de là.

LMK : Il nous a apprivoisés.

BS : Oui, mais c’est un effort. Il ne fallait pas que je me mette en porte à faux quand j’ai su que pour aller dans la cave de Laurence et Jean-François, il ne fallait pas mettre de parfum à fond pour ne pas envahir l’espace d’odeurs perturbantes pour eux et l’examen des vins. Ils ont été séduits par cela, de voir nos efforts d’adaptations.

LMK : Mais à la base, il y avait des convictions communes. Il n’était pas obligé d’adhérer à nos projets à nous, comme nous avec le film. 

Jean-François : Il a eu la chance d’avoir une année entière pour le faire. Une année c’est comme un millésime, on a été assez durs les premiers mois, le cinéma n’est pas notre univers, cela ne nous intéresse pas spécialement. Sur un an, tout le monde s’est adapté, nous étions sceptiques de l’intérêt du projet. Sur deux mois, cela aurait été impossible.

BS : Je le savais dès le départ. Ce n’est pas faute d’avoir prévenu mon équipe technique. Elle ne comprenait pas ce que l’on tournait. Il fallait être patient pour s’apprivoiser et poser les bonnes questions au bon moment.

Question essentielle pour nos lecteurs avant de voir le film, qu’est-ce que le vin nature ?

LMK : Un vin fait avec du jus de raisin , et rien d’autre… (rire)

JFN : C’est la définition Larousse. La philosophie est de faire du vin le plus proche du terroir. Comme il est dit dans le film, on nous a rejeté les appellations, car nous ne sommes plus dans les critères. On ne fait pas du vin bio. Le vin nature ne correspond pas aux attentes ni aux conventions de ceux qui dirigent tout cela. On ne peut pas être plus prêt du processus avec que du raisin qui fermente. 

LMK : On n’utilise aucun produit pour masquer le produit ou le rendre plus beau. Notre vin est du vin. On reflète au plus près le terroir travaillé. Si tu te réfères au LINAO (institut qui gère les appellations), il considère que nos vins sont si différents par rapport à ce qui se produit sur les autres terroirs de la région, qu’il nous refuse systématiquement. Nous ne sommes pas typiques de l’appellation, alors que c’est totalement contradictoire. Il parle de typicités chimiques.
C’est surtout par ignorance, car ils ne savent pas, notamment la clientèle. Elle ne sait pas que les vins sont remplis de produits chimiques. C’est presque une surprise. 

JFN : Il n’y a pas plus noble que le vin en France, à l’image du pain. C’est chasse gardée, mais il est dépendant de la chimie. 

Plus qu’un documentaire sur le vin, le film est la rencontre avec des vignerons, le portrait de femmes et d’hommes qui se battent pour un savoir, une passion. Vous en êtes rendus compte sur place, à leurs contacts ?

BS : Au départ, j’avais une idée préconçue qui était fausse, un côté anar, un peu punk dans le sens étymologiste. J’avais l’idée d’une vie assez ébouriffée, et pas du tout !
Ils ont tous un point commun, c’est cette capacité d’échanger avec leurs voisins, leurs copains, leurs partenaires, d’être dans l’entraide, dans l’écoute de manière complètement naturelle, mais sans communautarisme. Chacun reste chez soi. Ils ont tous des domaines, du travail, des vins à vendre, mais il n’y a pas de concurrences, de déloyauté. 

Et le film se conclut sur une certaine harmonie entre tous, avec les enfants pour un pique-nique sur le bord de la rivière.

BS : Cette séquence est le reflet d’un rendez-vous qui existe régulièrement entre eux. On a organisé ce rendez-vous pour le film, car ils se connaissent, s’entraide, etc. donc c’était bien pour le film et de conclure par cela. Il n’y a aucune comédie, tout le monde était fatigué, mais au bout de deux minutes, il y a eu l’étincelle, l’harmonie s’est emparée du moment et c’était magique. Le naturel revient au galop, et je n’ai juste eu à me servir et cueillir cette sincérité. 

Comment êtes-vous arrivé dans le Roussillon et avoir réussi à trouver cet endroit incroyablement beau ?

BS : Je suis un Gabach d’origine en habitant Narbonne. Je suis une tête plate comme ils disent là-bas. J’ai quitté Paris il y a 16ans pour m’installer dans un petit village de vignerons, complètement à l’opposé de nos amis (rire). J’ai ensuite travaillé avec un musicien pour un clip qui m’a fait découvrir les vins de vignerons du Roussillon. Donc quand l’idée du film est arrivée, j’ai tout de suite pensé à eux. Qui plus est que cela avait l’avantage de se tourner en France et de ne pas être loin de chez moi. Je maîtrisais l’environnement à savoir s’il allait pleuvoir ou pas le lendemain grâce au Canigou. Tu connais la région et tu travailles avec des gens du coin, par exemple, le chef op` est de mon village et l’ingé son est de Toulouse. C’est cohérent avec le film. 

Wine Calling est sous appellation « Film à picole » ? 

(Rires !!)

BS : Attention, le film est un film « Pin’art & essai ». Le terme ne vient pas de moi, mais d’un spectateur lors d’une projection qui nous a lancé cela lors d’un débat. 

LMK : On aime beaucoup le terme de pinard, que nous utilisons aussi beaucoup. Cela remet les choses à leurs places, nous ne faisons que du vin. Cela désacralise la valeur même du vin. On garde les pieds sur terre, nous n’avons pas de châteaux ni d’appellations, donc ce n’est que de l’éclate.

 

Propos recueillis par Mathieu Le berre à Paris le lundi 15 octobre.
Remerciements à Claire Viroulaud.

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