Venom : Quand le titre correspond aussi à la qualité

« Venom, (I got that) adrenaline momentum (Venom)
Not knowing with ’em
Never gonna slow up in ’em
Ready to snap any moment-um
Thinking it’s time to go get ’em
They ain’t gonna know what hit ’em »
Tel est le refrain de Venom, musique interprétée par Eminem que l’on a le loisir d’écouter durant le générique de fin. Autant vous dire que cette chanson est probablement le meilleur élément du film, à l’instar des Twenty One Pilots de Suicide Squad. Bien que les paroles ne seront comprises phonétiquement par le public francophone que comme une succession du terme « Venom » (ou quelque chose dans ce ton); on affirme que si l’on traduit les paroles, elles sont à l’opposé de l’effet du film. Finalement on a beau crier au carnage à chaque fois que Disney sort un épisode Marvel, ils n’en restent pas moins les meilleurs sur le marché des films de super héros tout public. Allez, disons les moins mauvais pour calmer les crises d’urticaire des 3 du fond.

Pour ceux qui auraient un peu de mal avec l’actualité, ou qui avaient réussi à oublier le troisième épisode désastreux de Spider-man signé Sam Raimi, oui, Venom est un méchant de la licence Spider-man. Il s’agit pourtant bien ici d’un film centré sur lui et uniquement lui, il n’y a définitivement aucune trace de Spidey pour ceux qui avaient un petit espoir dérisoire, en attendant qu’un fan trouve la frame précise où il était caché en petit en fond éventuellement. En attendant nous sommes face à un Venom qui s’avère être le (super-)héros de ce film. Héros ou antihéros ? Nous y reviendrons. Le film commence par le retour d’une expédition interplanétaire particulièrement risquée de laquelle les voyageurs reviennent avec 4 échantillons d’un organisme vivant extra-terrestre. Au fil de l’aventure nous apprenons évidemment que l’organisme en question, ou un échantillon, se trouve en fait être Venom et qu’il a investi le corps de Eddie Brock. Eddie quant à lui est un journaliste de terrain polémiste. Toujours à la recherche des gros titres, il accuse publiquement la société organisatrice du voyage spatial (Life Foundation) de tuer ouvertement des patients pour des expériences. C’est à la suite de cette accusation publique que tout va se déclencher et que Eddie finira par être habité par Venom.

Pour être tout à fait honnête, faire vivre Venom sans son ennemi de toujours est plutôt une bonne et appréciable idée. S’éloigner du format sur-exploité des super héros pour se centrer sur de vrais supervilain et laver l’affront fait par Suicide Squad, on signe tous les jours. A condition que cela soit bien fait. Évidemment qu’un personnage avec cette tête abominable ne pourra jamais vraiment briller et devenir un défenseur de l’humanité, c’est un symbiote à la base. C’est à dire qu’il a besoin d’un hôte pour survivre, le rendant dépendant d’Eddie Brock, son enveloppe charnelle auto-proclamée, qu’il peut choisir de tuer en quittant son corps. Du fait qu’une forme de compatibilité est nécessaire pour faire vivre durablement l’un et l’autre, cette osmose fonctionne et permet d’équilibrer les forces « bénéfiques » et « maléfiques » sans qu’il y ait besoin d’en rajouter par différentes pirouettes scénaristiques. Allié au côté « dark » du personnage, on pouvait espérer un film sombre, très fort psychologiquement, à la limite du film d’horreur, voire un peu gore. De quoi s’ouvrir à une nouvelle clientèle, comme l’a osé le film Deadpool, avec plus de cynisme cependant. Venom reste méchant et devrait donc être encore plus sarcastique et moins amusant que ne purent l’être n’importe quel super-héros Marvel ou DC au cinéma. En fin de compte, il s’avère que même Logan est plus dramatique et noir que Venom… le pauvre vieux s’est définitivement perdu dans un amas de licences dont personne ne sait que faire…

A l’image de nombreuses supra production actuelles, l’idée de base est très ingénieuse, c’est son développement qui est profondément désastreux. Premièrement, le film n’a pas réussi à avoir son rated-R. Peut-être ne le voulaient-ils pas et cela résulterait d’une profonde idiotie. La volonté de base d’un tel film est justement d’élargir la fanbase et le public, sinon, le film ne sert strictement à rien. Deuxièmement, obtenir une telle classification n’est pas juste d’un point de vue visuel, c’est aussi une question scénaristique. Et là on touche au point essentiel de ce long métrage. On l’avait ressenti avec le personnage du Vautour dans Spider-man Homecoming, plus récemment avec Killmonger dans Black Panther et malheureusement avec tous les protagonistes de Suicide Squad, ou presque, mais à quoi bon s’échiner à mettre en avant des méchants si c’est pour en faire des gentils ? Et quand bien même vous ne voulez pas le voir en tant que méchant, il existe une chose fabuleuse dans la vie qui s’appelle « la nuance ». Il arrive un moment où même les bisounours sont plus creepy que Venom.

Qu’on le veuille ou non, Venom est méchant. Peu importe sa rencontre avec Spider-man, peu importe qu’il ne ressemble pas au Venom des comics et peu importe qu’il soit moins fou, moins violent, plus schizophrène ou qu’importe. Mais il doit impérativement rester un antagoniste, c’est sa raison de vivre artistiquement parlant, sinon on parle de quelqu’un d’autre, ou bien ça devient éventuellement le scénario d’une suite. Mais quelle idée de le rendre littéralement gentil en milieu de film sans autre raison qu’un changement d’avis brut de décoffrage aussi soudain qu’une envie de chier. C’est à la limite de l’insulte envers le spectateur. Sans vouloir réécrire le scénario, le film propose beaucoup de pistes pour maintenir l’équilibre symbiotique entre les deux personnages. Cela permettrait d’être beaucoup plus convaincant quant à la personnalité exacte de Venom et de ses intentions. Les événements à la fin du film étant suffisamment forts pour justement provoquer un changement psychologique au sein de la relation entre eux. Une fin qui, au passage, semble clairement mettre un terme à toutes rumeurs concernant la venue de Spider-man dans cet univers, mais tant que rien n’est clairement officiel…

Venom possède un caractère si extravagant et unique qu’il ne peut décemment pas être catégorisé comme étant du bon ou du mauvais côté. Il est continuellement dans son propre camp avec la malédiction de devoir habiter le corps de quelqu’un d’autre. C’est sur ce point précis qu’il fallait jouer avec ses intentions et certainement pas s’embêter à absolument vouloir le caser dans une case ou dans l’autre. Le problème dans ce cruel manque de décision concernant l’intégrité de Venom se ressent dans les très (trop) nombreuses incohérences et faux raccords. Ne serait-ce que dans les transferts du symbiote de corps en corps ou de la temporalité du film. Ces indices prouvent clairement que les scénaristes souhaitaient simplement que l’histoire prenne une certaine direction sans pour autant réfléchir à comment l’orienter convenablement. On remarque donc des personnalités qui changent du tout au tout pour aucune raison apparente, des changements d’opinions sans crier gare, des personnages se retrouvant à des endroits sans aucune raison, et probablement sans même savoir ce qu’ils y foutent. Bref, c’est un sacré torchon.

Pourtant on peut dire que le design de Venom envoie du lourd et les effets spéciaux sont globalement plutôt corrects, en ce qui concerne les symbiotes du moins. De plus le jeu d’acteur est très convaincant, on en demande pas moins à Tom Hardy évidemment, et on appréciera la plus-value de Michelle Williams, mais c’est surtout Riz Ahmed qui nous intéresse. Vu récemment dans Night Call ou Rogue One et encore plus récemment dans Les Frères Sisters, il joue ici un personnage à contre-emploi de ce qu’il a fait jusqu’à maintenant et avec une certaine justesse. Voilà qui montre que c’est un acteur capable de jouer un monstre parfaitement inhumain et passionné par sa propre inhumanité. Une sorte de malade mental que l’on pourrait sans difficulté comparer aux plus grands PDG de ce monde, à ceci près qu’aucun symbiote ne semble pouvoir les habiter.

Au final on retiendra un essai particulièrement raté encore une fois. La tentative était louable, le résultat plutôt décevant. La photographie et l’esthétique sont plutôt belles, se rapprochant justement des Spider-man de Sam Raimi. L’histoire en revanche est particulièrement catastrophique, remplie d’incohérences et d’invraisemblances. Une profondeur de ton ineffable démontrant un manque de travail, de recherche et d’écriture flagrants. On ne se satisfera donc que de quelques belles images pour des combats presque enfantins. Un nombre de têtes dévorées impressionnant pour pas la moindre misérable goutte de sang à l’écran. Cela s’explique cependant par le cut de nombreuses scènes à en croire le réalisateur et les studios, une version longue sera-t-elle disponible sur support physique ? On l’espère, afin de réévaluer cet épisode. Pour terminer, savourez les acteurs et actrices, ne serait-ce que pour récompenser leur présence.