L’Amour Flou : Rencontre avec Romane Bohringer et Philippe Rebbot.

Nous avons découvert L’Amour Flou de Romane Bohringer et Philippe Rebbot à l’occasion de notre passage à Montélimar pour la 7e édition du festival, De l’écrit à l’écran. Le moment propice pour rencontrer le couple derrière et devant la caméra pour ce qui semble être le phénomène cinéma de la rentrée 2018.

Prix du public à Angoulême et à Montélimar, Standing ovation à chaque projection, c’est l’amour fou pour un Amour Flou ?

Romane Bohringer : Ah pas mal la formule ! (rire) 

Philippe Rebbot : C’est une émotion dingue pour nous de voir des salles pleines, les spectateurs qui se lèvent et nous parlent ensuite pendant de longues minutes pour débattre sur le film, c’est émouvant. C’est dingue l’engouement autour du film dont on pensait qu’il ne serait pas grand-chose. 

RB : On a fini la post-production du film en juillet. Il devait être prêt pour Angoulême. Le film débarque de nulle part, car nous n’avons demandé aucune subvention. Le film a été fait dans notre coin, dans le secret total. Seul Dominique Besnehard a eu la gentillesse de le voir avant le départ à Angoulême. Depuis le film crée l’engouement du public à notre grande surprise, car finalement personne n’attendait le film. On n’a pas fait le film pour le garder pour nous, le but est de le partager. Le thème de la séparation, du divorce est universel aujourd’hui. Nous sommes tous pris dans les mêmes méandres sentimentaux, c’est ce qui nous relie tous. On n’a pas tous les mêmes vies, les mêmes boulots, mais on peut avoir cela en commun, de vivre ces situations complexes des séparations. 

PR : C’est un film très politique finalement. Le film dit de faire votre vie, d’avancer et de profiter. On propose un possible aux gens, car la séparation n’est jamais une finalité, mais juste une épreuve, une étape à passer. Nous sommes dans une époque concrète, les gens ne pensent pas pouvoir avoir leurs propres vies. Et ils le découvrent avec le film, c’est dingue. On ouvre des horizons.

RB : Puis c’est la fierté d’entendre les spectateurs rire aux blagues. On a voulu faire une comédie sentimentale qui soit à la fois notre vérité profonde, mais avec une politesse de la bonne distance, pour éviter de plonger les gens dans notre intimité. 

Le cinéma actuel s’empare du thème de la séparation. Il y a eu beaucoup de films dernièrement avec Jusqu’à la garde ou L’économie du Couple, des films violents pour la plupart. Mais vous proposez un bonheur de cinéma avec ce même thème, quelle a été votre recette ?

PR : On a eu notre période noire, mais on s’aimait trop pour vivre ça. On s’est remis en question pour trouver la bonne distance, dédramatiser notre situation. C’est banal finalement, ça l’est devenu au sein même de notre société. Ce n’est pas si grave.

RB : C’est difficile de trouver l’épicentre du projet aujourd’hui. À partir du moment où on a eu ce projet immobilier avec Philippe, dans notre vraie vie, toute la lourdeur de notre séparation s’est transformée en joie. On ne se séparait plus, mais on déménageait ensemble chacun de son côté, pour le meilleur. On ne dit pas que tout le monde doit faire comme ça, mais pour nous, ce fut la solution pour avancer. 

Justement, comment s’est travaillé le film entre vous deux ? 

RB : Je suis plus pragmatique dans la vie que Philippe. À partir du moment où le projet a démarré, je me sentais en responsabilité de faire avancer le projet avec nos producteurs. On a écrit nos scènes chacun de notre côté, celles qui nous concernaient très intimement et on se confrontait ensuite. Puis il y a eu les scènes qui nous mettaient en scène tous les deux, les scènes de famille.

PR : Elle ne veut pas le dire, car elle est très humble, mais le film doit beaucoup à Romane. C’est vraiment elle qui a fait le film. 

RB : Je profite aujourd’hui de regarder le film avec le public, c’est un vrai bonheur. Philippe n’aurait pu mener le projet tout seul au bout, d’aller aux rendez-vous avec les producteurs, écrire, etc. Tout cela c’est moi. Mais j’éprouve la fierté de réussir, par ma pugnacité à attraper quelque chose de Philippe, totalement merveilleux et singulier, qui fait toute la force du film. D’ailleurs, les deux rôles sont très bien écrits pour cela, car on voit bien nos différences, nos personnalités distinctes. 

Mais on s’aperçoit dans le film que vous (Philippe Rebbot) mettez beaucoup de vous dans vos autres rôles, notamment dans Le Petit Locataire pour ne citer que lui.

PR : Je ne suis pas un grand technicien en tant qu’acteur. On vient généralement me chercher pour ma personnalité, un univers que je semble ouvrir au sein même d’une œuvre.

RB : Beaucoup de réalisateurs viennent chercher la personnalité de Philippe, car il irradie les films. En revanche, je crois en sa capacité à tout jouer. En l’occurrence, il y avait déjà l’amorce dans le film de François Dupeyron (Mon Âme Par Toi Guérie) où il est assez dur. Je mettrais Philippe dans n’importe quel rôle, un western, un flic… Il peut charrier beaucoup de choses différentes. 

Outre Philippe, vous intégrez des guests assez savoureux, notamment Reda Kateb avec Paulo.

PR : Paulo et Reda, c’est un couple inséparable. On a la chance d’avoir de supers amis dans la vie qui ont bien voulu apparaître dans notre film. Dans notre vraie vie à Montreuil, de le croiser tous les jours, c’est un véritable plaisir. 

Et Clémentine Autain ?

PR : (Rire!) Cela s’appelle un fantasme  !

RB : (rire) On a été chercher nos fantasmes pour le film. Même de faire un film, c’est un fantasme. Alors Clémentine, on a été la chercher pour combiner les deux.

PR : J’ai demandé à Romane de la contacter, car j’étais trop timide pour cela. Je n’osais pas tellement je l’aime (rire). Elle est venue avec une gentillesse dingue. Elle s’est impliquée, elle a appris son texte sur le bout des doigts. C’est une chance pour nous d’avoir vu tous ces gens venir nous aider et s’impliquer pour que le film fonctionne de bout en bout. On les remerciera jamais assez.

RB : On a eu beaucoup de participations à titre gracieux. La production est partie sur une intime conviction, il n’y avait pas de scénario, ou très peu. Juste des idées, et cela me donne beaucoup d’espoir, de rencontrer de telles personnalités. 

PR : Dans notre vie, beaucoup plus que dans notre film. On a eu une chance infinie de croiser ces gens, de leur pitcher le film et qu’ils puissent nous suivre dans cette aventure. La productrice y a cru et s’est investie entièrement sur une simple conviction. Il y a une autre façon de faire du cinéma, vraiment.

Propos recueillis à Montélimar, lors du Festival De l’écrit à l’écran.
Remerciements à Amandine Marécalle.

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