La Nonne : Priez pour nous pauvres cinéphiles.

Un univers peut se bâtir sur (presque) rien. L’apparition cauchemardesque d’une Nonne flippante dans l’introduction du deuxième épisode Conjuring, via une peinture hypnotisante, son apparition dans un coin de couloir et dans un final assourdissant. Rien de moins pour consacrer un film entier au personnage, de la même façon que pour la poupée Annabelle qui a déjà eu le droit à deux aventures en soliste.
L’univers de Conjuring repose donc sur du rien, de quoi juste alimenter différentes péripéties et foutre les jetons à un public pas trop regardant. La preuve encore, après le succès des deux longs-métrages Annabelle, voire même de Conjuring 2, avec La Nonne réalisé par Corin Hardy, révélé par Le Sanctuaire en 2015.
Ce que l’on regrette finalement, c’est que ce « The Conjuring Universe » se prenne un peu trop au sérieux, un brin trop « premier degré ». Passons les réussites formelles des deux Conjuring par James Wan, mais le reste nous a laissés un tant soit peu circonspects. C’est donc avec des pincettes que nous avons accueilli La Nonne, en dépit de la réussite mercantile de la part de Warner de nous avoir vendu le produit via des bandes-annonces efficaces, voire aussi flippantes que le produit fini.

Car face au film, et dès les premières minutes, nous savons que l’épreuve va se la jouer à la force du mental pour rester concentré face à tant de facilités. Brumes au sol en plein cœur d’un édifice au cœur de la campagne roumaine où deux nonnes déambulent dans un couloir avec des croix accrochées de partout. Une porte dont seule une étrange clé peut ouvrir pour pénétrer dans une immensité obscure. James Wan (au scénario) nous refait le coup d’Insidious laissant le soin à Corin Hardy de soigner la forme avec le peu à sa disposition. Ce qui ne signifie pas grand-chose à voir la maigreur d’un scénario qui aurait pu être signé par un amateur cinéphile en deuxième d’école de cinéma. James Wan crache insolemment les références faciles allant de la Hammer (merci les Dracula) à Lucio Fulci (vive les tombes et les fantômes zombies) pour accumuler des séquences n’ayant aucun sens narratifs et dramaturgiques. On se fout sincèrement de ce qui se déroule devant nous. Nous somnolons face à cette aventure horrifique où un simili-Père Merrin et une sœur novice débarque en Roumanie en 1952 pour établir les faits suite au suicide d’une nonne. 

La suite est une succession de rencontre avec le diable des plus absurdes façons, le spectateur ayant toujours un coup d’avance sur le duo d’enquêteurs ecclésiastiques. Même le Van Helsing façon Hugh Jackman aurait résolu l’affaire en moins de deux. La Nonne est alors une succession d’explorations vaines des couloirs de la vieille bâtisse (assez flippante avouons-le) et de prises de décisions les plus crétines les unes que les autres. Le film se construit sur une naïveté ne faiblissant jamais en dépit de ce que vivent les protagonistes. Le chasseur de fantômes (tout droit sorti de chez Robert Rodriguez) suit à volonté le même petit fantôme piqué chez Del Toro (L’échine du Diable) pour finalement déboucher sur les mêmes problématiques et la Soeur Élise suit impunément des Nonnes pâles et glaciales avec une bonté révulsante. On se croirait en permanence dans le chemin de croix que fut l’amoncellement des couloirs de la maison du premier Resident Evil sur PlayStation où ouvrir une porte était le déclenchement d’une peur insurmontable. Voilà ce qu’est La Nonne, une promenade amère au cœur d’une bâtisse dont la mise en scène n’arrive jamais à respecter les espaces pour nous permettre le moindre repère. Reste donc une accumulation de kilomètres de couloirs jonchés d’une brume épaisse et de croix qui se retournent (parfois) avant de prendre feu pour faire leurs petits effets. Il faudra compter aussi sur les jump-scares par dizaines, assourdissants et absurdes, servant à régurgiter la seconde d’après le kilo de pop-corn à l’effigie de La Nonne acheté à l’entrée. 

Nous espérions un bon moment de flippe grâce (à cause) aux diverses bandes-annonces diffusées par la Warner depuis quelques mois. Nous nous affalons finalement dans notre fauteuil en attendant que la séance se conclue après cette douche froide sale et méchante d’un cynisme pas si étonnant. La Nonne est un non-film servi par un scénario sans queue ni tête signé James Wan, dont nous ne comprenons point encore cette participation si vilaine, outre son rôle de producteur opportuniste. Derrière la caméra Corin Hardy assure sur la forme, mais ne peut rien face à l’amoncellement de facilités décrété par ce fameux producteur qui a compris le marché et la valeur de son simple nom. Quand l’un part sur Aquaman et le suivant sur le remake de The Crow, le futur proche ressemble à un véritable chemin de croix dans ce monde cruel et opportuniste qu’est le cinéma de divertissement actuel.