Ophelia : Il y a quelque chose de pourri dans cette nouvelle adaptation…

Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark, certes. Mais quoi de nouveau ? Hamlet a déjà été tant adapté au cinéma qu’il est difficile de déceler dans le texte de Shakespeare quelque chose de nouveau et d’original, jamais fait auparavant. Il faut dire qu’avec leurs versions respectives, Laurence Olivier et Kenneth Branagh ont écrasé la concurrence. Pour raconter cette immense tragédie, on peut opter pour un autre point de vue. C’est ce que le dramaturge Tom Stoppard a fait en réalisant Rosencrantz et Guildenstern sont morts, irrésistible variation sur la pièce de Shakespeare en y plaçant au centre ses deux personnages les plus coupés dans les adaptations. Ophelia, réalisée par Claire McCarthy d’après une nouvelle de Lisa Klein elle-même basée sur l’œuvre de Shakespeare entend placer Ophélie, grande figure tragique, au cœur de l’intrigue.

L’idée n’est pas mauvaise et elle est certainement à la mode. Hamlet à la sauce féminine du côté des sentiments d’Ophélie, pourquoi pas ? La jeune femme, suivante de la reine Gertrude depuis son enfance mais moquée de ses camarades pour ses origines modestes, tombe amoureuse d’Hamlet et réalise que c’est l’oncle de celui-ci qui a tué son frère pour s’emparer du trône. Ophélie, profondément attachée à Hamlet, lui préconise la sagesse et l’amour plutôt que la vengeance et l’orgueil. L’histoire est connue de tous, mais pas totalement puisque Ophelia propose à son héroïne une fin légèrement différente…

Manque de chance, c’est que ce défi de faire d’Ophélie le pivot du film ne fonctionne pas. Il aurait certainement fallu faire preuve de plus d’audace et de malice (comme Stoppard l’avait fait) pour offrir au film un meilleur écrin. D’ailleurs, Ophelia ne ressemble guère à une proposition de cinéma. Avec son ton mièvre, ses acteurs tous complètement mauvais, ses décors en carton-pâte et sa photographie lumineuse bien moche, on a furieusement l’impression de se retrouver devant un téléfilm pour ménagères passant sur M6 l’après-midi. Ophelia, c’est un peu Shakespeare qui rencontre Stephenie Meyer et le mélange est indigeste. Le film n’a nullement l’émotion qu’il ambitionne et se contente de revisiter platement une superbe tragédie en se permettant des ajouts vides de sens lorgnant du côté du conte de fées pour jeunes adolescentes.

C’est d’autant plus dommage que le casting réuni est plutôt savoureux : Daisy Ridley, Naomi Watts et même Clive Owen avec une coupe de cheveux ridicule. Aucun d’entre eux n’a malheureusement l’air de se rendre compte qu’ils sont dans une galère totale, qu’ils ont entre les mains un scénario affligeant et qu’ils ont un air ahuri dès qu’il faut être un minimum sérieux. Sans proposition forte à la mise en scène et au scénario (oui bon Ophélie au centre de l’intrigue c’est bien beau, mais ça ne suffit pas), Ophelia tombe totalement à plat et n’aura que le mérite de faire découvrir Shakespeare aux spectateurs peu exigeants acceptant très rapidement cette bluette fadasse, véritable trahison du matériau original pour le transformer en un produit aseptisé. Shakespeare n’aurait sans doute pas apprécié…

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