BlacKkKlansman – J’ai infiltré le Ku Klux Klan : Bêtise d’une nation

En berne depuis quelques années avec des films plus ou moins réussis voire même carrément navrants (le remake d’Old Boy en 2013), le cinéma de Spike Lee n’est plus ce qu’il était. Cinéaste bourré d’énergie, Lee erre depuis des années en quête de sujets forts qui pourraient lui permettre de retrouver de la vigueur. C’est chose faite avec BlacKkKlansman – J’ai infiltré le Ku Klux Klan, auréolé du Grand Prix cette année à Cannes et basé sur une histoire vraie improbable.

Taillée pour Spike Lee, l’histoire de BlacKkKlansman est celle de Ron Stallworth, premier policier afro-américain à avoir intégré la police de Colorado Springs en 1978. Ambitieux, Ron décide d’infiltrer la branche locale du Ku Klux Klan, décidé à prouver que cette organisation commet encore des actes criminels en dépit de ce qu’elle clame dans les journaux. Contactant le Klan par téléphone et par courrier en se faisant passer pour un suprématiste blanc, s’entretenant même régulièrement avec David Duke, le grand sorcier du KKK, Ron doit cependant faire face à un problème de taille quand il s’agit d’aller à la rencontre des membres du Klan puisqu’il est Noir ! Son collège Flip Zimmerman devient alors le visage de Ron Stallworth et parvient à remonter assez loin dans la branche locale du Klan en dépit de la méfiance de certains membres. Les deux hommes, unis par la même identité, luttent alors pour empêcher les agissements de cette organisation criminelle.

De ce sujet fort, Spike Lee tire un film rythmé et passionnant. Remonté par les événements récents (l’élection de Trump, les manifestations de Charlottesville en août 2017), Lee fait allégrement des parallèles entre le récit de son film et l’actualité récente de l’Amérique, rappelant au passage l’importance du devoir de mémoire et appelant une fois de plus à la méfiance et à l’indignation face à un racisme qui n’a jamais quitté le pays. Pour cela, le cinéaste utilise ses outils habituels, à savoir un manque de subtilité total associé à un humour corrosif. Le procédé, même s’il a ses limites et nuit parfois un peu à la puissance du film, a le mérite d’être efficace. Les membres du Klan sont dépeints comme des abrutis de rednecks et David Duke (étonnant Topher Grace) clairement présenté comme un bouffon suffisant, source d’irrésistibles moments où Lee dénonce la stupidité effarante des idéaux racistes.

A ces abrutis du Klan, le film oppose Ron Stallworth et Flip Zimmerman. L’un est afro-américain, l’autre est juif, tous deux sont ambitieux, intelligents et ne se définissent pas par leur couleur de peau ou leur religion. Deux personnages passionnants interprétés avec talent par John David Washington (le fils de Denzel Washington avec qui il partage les mêmes intonations de voix) et par Adam Driver, deux valeurs montantes du cinéma américain. Prenant le temps de poser son récit et de s’attarder sur ses personnages, BlacKkKlansman a beaucoup de charme. Mais s’il est largement au-dessus du panier des réalisations récentes de Spike Lee, il n’en demeure pas moins assez sage au regard de l’ensemble de sa filmographie qui a connu beaucoup plus fort et moins classique. Certes, BlacKkKlansman est féroce et assène sa leçon efficacement avec des images de fin glaçantes mais le ton un peu trop caricatural du film finit par nuire à sa puissance, faisant tout de même regretter la force du Spike Lee de la grande époque.

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