Jess Franco : Une expérience érotico-périlleuse de cinema

Artus Films défriche quatre nouveaux longs-métrages réalisés par Jess Franco, disponibles dans des éditions combo Blu-ray et/ou DVD depuis le 5 juin dernier. Ses films sont Les Expériences Erotiques de Frankentsein ; La Fille de Dracula Les Démons ; tous produit en 1972 par Robert De Nesle, associé privilégié de l’époque pour Jess Franco. Le quatrième film est Tender Flesh, tout aussi important pour les fans du réalisateur étant l’un de ses derniers films tourné en 16mm en 1997. Ce dernier est simplement disponible en double DVD avec tout un tas de suppléments dont on reviendra plus tard dans le dossier.

Ce qui marque de prime abord face à la découverte de ses quatre trésors de cinéma est l’expérience de cinéma que l’on en tire. Des films difficiles à (re)découvrir, une épreuve parfois, toujours traversés par de sublimes fulgurances. Jess Franco était un réalisateur mercenaire en quête constante d’histoire à tourner et à raconter, même s’il fallait passer par un tournage guérilla, pris par le temps et l’argent. Retour sur quatre propositions de divertissement typique d’un homme, d’un système de production, mais surtout d’une passion sans commune mesure pour un métier et un art.

Les Expériences Érotiques de Frankenstein :

Résumé : Grâce à la transplantation d’un nouveau cerveau, le docteur Frankenstein parvient à insuffler la parole à sa créature. Il envoie cette dernière, assistée par Melissa, mi-femme mi-oiseau, et Morpho, enlever des jolies victimes dont les diverses parties anatomiques serviront à créer son chef-d’œuvre : la femme parfaite.

Le film : On est comme dérouté face à ce film dont l’amateurisme peut révulser certains spectateurs. Le film s’adresse essentiellement aux fans de Jess Franco et aux adorateurs de telles pelloches fauchées de cette bonne époque des années 70. Produit par Robert De Nesle et tourné essentiellement au Portugal dans des décors fabuleux, il faut concéder au film un charme certain et quelques fulgurances folles à l’image de l’arrivée des membres de la secte par la forêt dans un drap blanc. On assiste alors à la rencontre du Docteur Frankenstein, son monstre peint d’une peinture métallique d’un terrible effet, du comte Cagliostro et d’une femme-oiseau lesbienne diablement sexy et vampirique. Les Expériences Érotiques de Frankenstein est un essai flou dont le budget rachitique ne permet pas grand-chose, juste la traversée de quelques éclairs de génie de la part d’un Jess Franco égale à lui-même.

Le Blu-ray : Il faut bien avouer que nos amis d’Artus Films ont réalisé un travail incroyable. La copie HD de la version française des Expériences Érotiques de Frankenstein est sublime, d’une propreté rare, surtout de par l’économie avec laquelle le film fut produit. Qui plus est que l’éditeur propose la version espagnole du film, un montage soft pour la distribution du film en territoire hispanique encore sous le règne de Franco (l’autre, le dictateur). Le film est alors arrangé avec des séquences tournées une année après le tournage initial où l’on découvre une jeune Lina Romay en bohémienne communiquant par la pensée avec Cagliostro. Une séquence qui n’apporte rien au film, juste le fait de camoufler le montage et de garantir une durée moyenne à 1h21.
Le combo DVD/Blu-ray propose en plus deux bonus en compagnie d’Alain Petit, ami et spécialiste de Jess Franco qui revient sur toute la genèse du film et sur Robert De Nesle via un portrait sincère et empli d’une certaine nostalgie touchante.

La Fille de Dracula :

Résumé : Louisa se rend dans le manoir familial où l’attend sa grand-mère, la baronne Karlstein. Celle-ci, mourante, lui dévoile la malédiction qui pèse sur leur famille depuis des générations. En effet, dans la crypte, repose leur ancêtre, Dracula, qui a toujours besoin de sang de jeunes femmes.

Le film : Howard Vernon est un Dracula qui ne bouge jamais de son cercueil. Après avoir été Cagliostro dans Les Expériences Érotiques de Frankenstein, il est un Dracula grabataire ayant besoin de sang enfermé dans la cave de la demeure de ses héritiers. La malédiction revient donc à une vague petite-fille qui va s’évertuer à trouver de la viande pour son cher papy, mais aussi pour elle. Car elle a tout autant les dents longues en termes de chairs fraîches cette chère Louisa, incarnée par la sublime Britt Nichols. Héritière de Dracula, vampire et lesbienne, elle va conquérir le cœur et le corps de la tout aussi sublime Anne Libert, elle aussi déjà aperçue en femme-oiseau dans Les Expériences Érotiques de Frankenstein. On retiendra de ce film produit en partie par Robert De Nesle, deux séquences lesbiennes du plus bel effet entre les deux actrices, incroyablement belles.

Le Blu-ray : Une copie propre qui aurait tout de même pu se contenter du DVD. Mais le plaisir de la HD est là dans cette édition Combo accompagnée par un bonus « La Main d’un Assassin » où Jean-François Rauger analyse de façon assez dithyrambique le film, lequel lui trouve un charme certain et une beauté formelle exigeante. Nous n’avons pas forcément vu le même film, mais cela est une autre question.

 

Les Démons :

Résumé : Condamnée au bûcher, une sorcière lance un anathème visant ses persécuteurs : le juge Jeffries, William Renfield et Lady de Winter. Ses filles, prétend-elle, seront l’instrument de sa vengeance. Effrayé par cette menace, Jeffries fait chercher les filles, réfugiées dans le couvent de Blackmoor, où elles sont sur le point de prononcer leurs vœux.

Le film : Les Démons, drôle de titre pour accompagner la sortie d’un film traitant des sorcières mêlées à un chapitre de l’Inquisition sous Charles II. De toute façon, le film de Jess Franco n’effleure que l’immense potentiel à sa cause faute d’un budget restreint en dépit des décors portugais fabuleux et de costumes soignés. Les Démons est le dernier film tourné au Portugal par Franco pour le compte de Robert De Nesle en 1972 après La Fille de Dracula et Les Expériences Érotiques de Frankenstein. Sans nul doute le long-métrage le plus soigné et le plus ambitieux d’une durée extrême de 1h58 où s’enchaînent des séquences saphiques avec des scènes de tortures commanditées par le Juge Jeffries. Le personnage célèbre pour ses assassinats et son aide précieuse aux catholiques face aux protestants, alors que lui-même était de religion protestante. Un vil personnage sombre qui sera rattrapé pour ses pêchés à la chute du règne catholique. Les Démons est un film fantastico-érotique sur fond d’histoire tragique où se côtoient de nouveau les magnifiques Anne Libert et Britt Nichols. Deux magnifiques actrices plantureuses qui révèlent une nouvelle fois leurs plastiques voluptueuses pour le simple plaisir de cinéma qu’est ce diabolique film de Jess Franco.

Le Blu-ray : Copie presque parfaite pour ce Blu-ray où réside quelques pétouilles non nettoyées au niveau du master employé. Un combo DVD/Blu-ray simple agrémenté par l’intervention d’Alain Petit qui revient sur la genèse du film, le cadre de son histoire et les nouveaux acteurs rejoignant la troupe de fidèles de Jess Franco. Une intervention intéressante comme à son habitude où l’on ressortira avec une mine d’informations. 

 

Tender Flesh :

Le résumé : Strip-teaseuse dans une boîte de nuit, Paula se fait remarquer par un étrange couple, certainement riche, et prônant l’amour libre. Il l’invite alors à venir passer quelques jours dans un palace sur une île. Là, au milieu du luxe et des mœurs dépravés des protagonistes, elle va découvrir que ses hôtes sont plutôt portés sur la chasse et la chair humaine.

Le film : Tender Flesh est le deuxième remake déguisé des Chasses du Comte Zaroff réalisé par Ernest B. Schoedsack & Irving Pichel en 1934, après La Comtesse Perverse réalisée par Jess Franco en 1974. Ce dernier est également disponible en DVD chez Artus Films. Clairement, Jess Franco aurait pu se passer de refaire cette nouvelle chasse tant elle pue la crasse d’un vieux metteur en scène en roue libre. Alain Petit lui-même le dit dans un des bonus, certaines séquences n’auraient jamais passé le cap de la salle de montage avec un vrai producteur aux commandes. On pense à la scène de la cuisine ou celle du repas. 20 minutes en trop, glauque et sale ne servant clairement que le mauvais goût d’un film tourné dans un piètre 16mm. 
On se pose clairement la question de : Pourquoi l’existence de ce film ? Pourquoi avoir envie de produire ce film qui n’a au final aucun but ? Celui peut-être de rejoindre les rayonnages de la VHS de l’époque avec une jaquette tapageuse. Aujourd’hui, grâce au travail éditorial pointu de la part d’Artus Films, les collectionneurs peuvent compléter leurs filmothèques dédiées à Jess Franco. Un marché de niche lequel l’éditeur se concentre, car le grand public passera bien volontiers son chemin.

Le DVD : Un double DVD à l’occasion de la sortie de Tender Flesh qui s’accompagne d’une flopée de suppléments d’une importance rare. Une édition riche pour un film montrant rapidement un intérêt limité, voilà ce qui anime la ferveur d’un éditeur passionné par son sujet. Un premier disque avec le film en versions anglaise et espagnole accompagné d’un diaporama. Sur la jaquette, il est mentionné une introduction d’Alain Petit que nous n’avons pas trouvé ou déclenché.

Sur le disque 2 :

  • From Malaga with Love : Making-of de 42 minutes avec des images rares de Jess Franco sur le tournage dirigeant comédiens et s’occupant de la caméra. Une opportunité pour découvrir le réalisateur au travail avec selon, une piste musicale, une piste son isolé et le commentaire d’Alain Petit. Nous avons préféré ce dernier pour la multitude d’anecdotes et les présentations faites de chaque membre de l’équipe et des acteurs engagés sur le film.
  • La Bouchée du Cardinal : Présentation du film par Alain Petit comme à son habitude sur les éditions d’Artus Films qui évite les redites par rapport au making-of, complète même l’immersion créative au cœur du film, appréciable ou non.
  • Working with Jess : Nouveau petit making-of se focalisant sur Jess Franco sur le tournage de Tender Flesh. Un petit module sans commentaire, juste le fait de voir le réalisateur au travail.
  • La Vie est une merde : Chanson chantée par Alain Petit dont nous ne connaissons pas l’histoire, mais qui débouche sur une curieuse anecdote de tournage.
  • Psycho-Lettes : Nos félicitations à Artus Films d’avoir insérer ce court-métrage réalisé par Pedro Temboury en 1996, assistant-réalisateur de Jess Franco sur Tender Flesh et d’autres films ultérieurs. Pedro Temboury était assistant et homme à tout faire sur le tournage, ayant apporté toute son équipe de Psycho-Lettes pour permettre la production de Tender Flesh.
    Psycho-Lettes suit les aventures d’une bande de bikeuses qui coupent le sexe des hommes croisés sur leur route pour ensuite se nourrir de leur sang pour atteindre un certain nirvana. Inventif, génial et bordélique, la grosse pièce de cette édition, bien plus pertinente et fendard comme film, que celui propre à Jess Franco. Une véritable découverte nous faisant regretter la versatilité de la carrière de Pedro Temboury dans le cinéma hispanique.

Ces nouveaux titres venant compléter la collection Jess Franco chez Artus Films se destinent en priorité aux collectionneurs et autres amateurs du cinéma du célèbre réalisateur espagnol. La collection est en effet une niche dont l’éditeur se fait une joie d’étoffer et de proposer de nouveaux titres faisant le bonheur certain d’un public conquis d’avance. Pour le reste des cinéphiles, les films seront des découvertes ahuries, surprenantes, parfois aguichantes. Cette nouvelle fournée est la découverte d’une période du cinéma de Jess Franco, plutôt deux, notamment la collaboration avec Robert De Nesle débutant au début des années 1970. Une troupe de fidèles que l’on retrouve avec un certain plaisir au centre de trois films (les trois nouveaux Blu-ray), notamment les actrices Britt Nichols et Anne Libert, superbes femmes enflammant les cœurs par une plastique et une beauté subjuguantes.
Véritables glouton de pellicules à qui l’on doit prêt de 200 longs-métrages, Jess Franco se (re)découvre une nouvelle fois avec cette salve de titres aguicheurs et périlleux disponible depuis le 5 juin chez Artus Films.

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