Détective Dee : le Mystère de la Flamme Fantôme : Combustion spontanée de plaisir

La carrière de Tsui Hark connaît des hauts et des bas qualitatifs, mais Détective Dee : le Mystère de la Flamme Fantôme peut facilement être placé au pinacle de ses œuvres, aux côtés de Il était une fois en Chine ou encore The Blade. Sorti en 2010, le film d’enquête n’a rien perdu de sa superbe aujourd’hui, si ce n’est pour quelques effets spéciaux, qui placent effectivement le curseur quelques années en arrière. Adaptation d’un serial de Robert Van Gulik, reprenant le personnage du Juge Ti (lui-même inspiré de Die Renji figure historique chinoise), le premier film de la saga Détective Dee peut se targuer d’être un blockbuster digne de ce nom (un fait d’arme à lui seul) et même plus que cela.

Grand spectacle, aventure, personnages fouillés, magie, arrière-goût historique, tous ces ingrédients sont réunis et liés avec maîtrise par Tsui Hark, pour nous servir une enquête aussi dépaysante qu’elle est respectueuse des codes du genre. Nous sommes au 7eme siècle, Dee est dépêché par la régente Wu Zetian, pour résoudre de mystérieuses morts (les victimes prennent feu d’un seul coup) qui sévissent sur le chantier d’une statue géante de Bouddha, bâtie à l’occasion du future sacre de cette dernière. Pour l’accompagner dans cette investigation, il devra composer avec Jing Er, la favorite de l’impératrice et Dong Lai, un inspecteur albinos du Temple Suprême. Chacun aura ses méthodes et ses allégeances à respecter, ce qui ne manquera pas d’ajouter un peu plus de fouillis au mystère déjà épais.

Les personnages vont ainsi évoluer et le regard que l’on porte sur eux également, leurs motivations les rendant plus humains et complexes. Le dilemme moral de chacun interroge le spectateur, dès que l’on découvre Wu Zetian, dirigeante froide aussi impitoyable qu’antipathique, mais aussi femme de pouvoir au cœur d’une aristocratie d’hommes (elle restera la seule femme impératrice de Chine) qui n’a pas d’autres choix pour survivre. Il est difficile de prendre un parti clair et tranché et c’est tant mieux ! Le relief apporté aux personnages sur une production de cet acabit est plus que bienvenue, là où d’autres se contenterait des cabrioles des protagonistes, accompagnées d’un trait de personnalité grossier pour une caractérisation express.

Tous les personnages principaux semblent connaître les arts martiaux façon Tigre et Dragon, chacun virevolte, manquant de réellement s’envoler, pare des dizaines d’attaques à la seconde, même si on nous épargne les bullet time façon Matrix du pauvre du deuxième opus. Tout cela pour servir une seule promesse : celle du fun et du spectacle. La mise en scène se concentre sur l’essentiel, elle met en valeur le grandiose des décors, avec ses amples mouvements de caméra, prend le temps d’iconiser ses personnages (si Dee est fréquemment mentionné, il n’apparaît qu’après 30 minutes de film) et s’attarde sur la fluidité de l’action, avec ses courts ralentis. Elle nous permet à la fois d’être au cœur de l’action, tout en prenant le recul nécessaire pour admirer les décors et faire attention aux détails et symboles disséminés ça et là.

Le tout rythmé par une cadence juste, qui laisse les enjeux se poser, s’entrechoquer, pour mieux se résoudre à l’arrivée. Les intrigues s’entremêlent, se superposent et donnent à Detective Dee une partie de sa richesse, qui saura prendre toute sa valeur distractive, face à l’avancée de l’enquête et de la réflexion du spectateur. Moins attendu qu’il n’y paraît, le film déroule son récit sans accroche avec une limpidité qu’on ne voit qu’après coup.On reprend les tropes d’une bonne vieille enquête, on y ajoute des combats improbablement jouissifs, un humour discret mais bienvenu, pour ne pas sombrer dans une prise au sérieux qui s’avèrerait ridicule et on obtient Détective Dee : le Mystère de la flamme fantôme. Une œuvre qui parvient à tirer son unicité de sa proposition formelle classique, qui poussée au bout et teintée de la personnalité de son réalisateur ambitieux, réussit à atteindre un équilibre admirable.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*