Une Pluie sans fin : L’art incompréhensible chinois

Il n’est jamais vraiment simple d’aborder ce type de film venant d’un pays culturellement très éloigné, aussi bien dans les traditions, les moeurs, la sensibilité et le respect à ce qui les entoure. Autant il n’est pas difficile de s’habituer, de comprendre ou de ressentir le cinéma venant d’une autre culture, autant il est déjà moins simple de l’interpréter et d’en saisir tous les aspects. Comme vous l’aurez deviné, Une Pluie sans fin est un film asiatique, et plus précisément chinois. Et de tout le cinéma asiatique, le cinéma chinois est probablement le plus compliqué à cerner car il se rapporte plus régulièrement à tout un tas d’éléments dont nous autres, occidentaux, n’avons absolument aucune idée ou aucune connaissance. Contrairement à un cinéma américain dont nous sommes beaucoup plus habitués, le cinéma chinois est plus profond et plus personnel. Cela se ressent très vite lorsqu’on remarque les choix scénaristique et émotionnels d’aborder l’histoire que traite le film.

Durant les années 90, un ouvrier d’une usine chinoise, à l’esprit d’analyse aiguisé, décide de joindre bénévolement son aide à la police pour retrouver et démasquer un tueur en série qui ne s’attaque qu’aux femmes. La police semble débordée et ne manifeste, à ses yeux, qu’un intérêt limité pour une affaire de cette envergure. Le commissaire ne voulant pas froisser l’homme qui déborde d’énergie et de bonnes intentions, l’accepte sur les lieux, puis dans sa voiture et lui accorde quelques légers privilèges sans pour autant lui dévoiler l’évolution de l’enquête évidemment. C’est lorsque l’ouvrier commence à tenir une piste que les ennuis arrivent.

L’histoire démarre de manière très intéressante en suivant l’évolution de l’enquête du côté d’un ouvrier qui n’a rien à voir avec la police mais qui est très doué pour mener l’enquête. Entreprenant, malin, il sait vite où chercher, accompagné de son acolyte, et c’est assez jouissif de voir une enquête a travers un point de vue différents et surtout un personnage qui semble se donner encore plus que la police. Malheureusement l’histoire se détache très vite de l’enquête elle-même pour s’attarder sur la caractérisation des personnages et développer leur psychologie. À ce moment le film perd totalement son rythme et peine à captiver de nouveau le spectateur. Malgré quelques soubresauts de dynamisme où l’histoire et la narration s’emballent, l’enquête perd progressivement de son intérêt et ne devient qu’une excuse pour le réalisateur d’y introduire sa sensibilité et sa vision des faits. Le film ne devient alors plus l’enquête inspirée de faits réels, mais une sorte d’histoire introspective où le cinéaste cherche à y ajouter son univers.

Le changement d’ambiance est assez radical. Une enquête jusqu’alors crédible et passionnante fourmille désormais de pistes à interpréter et de sous-intrigues très personnelles qui ne correspondent pas avec le ton du film. Il y a une scène en particulier qui marque ce décalage et dont les conséquences tendent à rester mystérieuses jusqu’à la fin, cependant, malgré ce changement de ton opéré, le scénario se remplit progressivement d’incohérences ou d’incompréhension. Rendant d’autant plus difficile l’interprétation que l’on doit avoir des actes du film. Plus l’histoire approche de son terme, plus les éléments deviennent ésotériques voire quasiment mystiques. La fin du film laissant clairement une place non négligeable à l’interprétation, non pas en tant que fin ouverte mais bien en tant qu’intrigue ouverte, remettant en question jusqu’à son origine. La narration donne clairement la sensation que les événements, tout ou partie, ne se sont même pas déroulés comme on nous les as montrés. Comme si tout un pan de l’histoire n’a été qu’une lubie du personnage principal.

Le titre en fait d’ailleurs une référence directe. Une Pluie sans fin se rapporte immédiatement à la pluie présente durant toute la durée du film. Une pluie torrentielle qui accompagne nos personnages chaque fois qu’ils sont dehors et chaque fois qu’ils trouvent un cadavre. Cette pluie provoque le recueillement d’indice difficile, mais l’histoire s’en sert comme d’une justification quelconque, voire incompréhensible. Le film se termine d’ailleurs sur un bandeau de conclusion indiquant que l’année à laquelle l’histoire se passe à été une année sans précédent au niveau météorologique sans que l’on ne comprenne jamais le véritable lien entre le temps et les événements que veulent relater le film. Au même titre que cette pluie diluvienne paraît complètement irréelle, elle semble tout autant enfermer notre héros dans ses travers ou ses démons. Comme si cette pluie était là uniquement pour brouiller son esprit et le faire échouer. À tel point que lorsque l’on revient dans les années 2000 à la fin du film, on se demande sérieusement si le héros n’a pas des souvenirs totalement erronés de son passé ou s’il a vraiment vécu tout ce que l’on a vu précédemment.

À vouloir trop tendre la corde fantastique d’une histoire, le seul effet provoqué est la déception. Le scénario devient totalement fouillis et impossible à cerner, on ne comprend pas où l’histoire veut nous emmener et le spectateur se retrouve perdu devant des intentions qui ne correspondent plus du tout au sujet d’origine, à savoir l’enquête. Une pluie sans fin devient non plus une histoire d’enquête menée par un ouvrier, mais bien une introspection du réalisateur, une excuse pour dépeindre son personnage principale et les relations qu’il entretient avec son entourage, et accessoirement le faire mûrir au sein d’une société chinoise profondément ancrée dans ses valeurs. À cause de son côté conservateur, le cinéma chinois apparaît comme plus rédhibitoire que le reste du cinéma asiatique. On sent une grande maîtrise technique des plans, des cadres, de la photographie en général, cela ne fait aucun doute. Le tout provoque cependant un énorme problème de rythme et de narration, rendant le film lourd, difficile à suivre et parfois légèrement désagréable. C’est fouillis et prévisible par moment, pour faire simple c’est très maladroit sur ce que le long métrage essaie vraiment de raconter.

2 Commentaires

  1. Tu es déçu parce que tu attendais un film policier, mais je pense que ce n’est pas l’objet principal du film c’est un prétexte. Selon moi, c’est un film qui traite de l’ambition et de la façon dont on peut rêver sa vie quand on est un ouvrier chinois hors metropole. Le personnage principal, avec ses clopes et son blouson, se rêve enquêteur et cherche une certaine reconnaissance sociale. Il veut aussi se prouver à lui même qu’il en est capable. Enthousiaste la première partie du film, le changement de ton fait écho à l’effritement de son imaginaire de reussite, jusqu’àjusqu’à son effondrement complet. En fond, on a 10 ans de la société chinoise, de 97 à 2008, années de croissance economique et de promesses de la part du parti, mais les retombés tardent à venir pour le « petit peuple chinois » ; la pluie continue de tomber dans fin …

  2. Il fallait réfléchir à la neige.

    Le personnage est confiant et sûr de lui. Selon lui, il est le plus intelligent de l’usine. Lors de la remise des prix, une fausse neige arrive, ceci est pour représenter que le personnage pense que son heure de gloire va bientôt arriver, il pourra bientôt être policier. Mais dans l’usine tout le monde est corrompu, tout le monde se fiche de son bonheur artificiel.

    Le personnage cherche donc à ce que la neige arrive, et que donc la  » pluie sans fin  » s’arrête.

    Mais quand la fin du film arrive, la neige arrive enfin, comme le voulait le personnage, mais le bus est bloqué, le personnage est bloqué, il a tout perdu et il ne sait plus où aller.

2 Rétroliens / Pings

  1. Burning : Moins t'en sais, mieux tu te portes -
  2. Maniac Cop : Au nom de la loi, je vous trucide ! -

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