Le Roman de Genji : Balade austère au palais

Après Train de Nuit dans la Voie Lactée, Rimini Editions continue sur sa lancée et édite un autre long métrage de Gisaburo Sugii : Le Roman de Genji. Nous avons à nouveau affaire à une adaptation littéraire, d’une œuvre japonaise fondatrice du XIe siècle, ce coup-ci : Le Dit du Genji de Murasaki Shikibu. Un ouvrage considéré comme le premier roman de l’Histoire de la littérature nipponne et toujours étudié en cours dans l’archipel. Un titre gagné grâce à l’épaisseur psychologique des protagonistes, alors qu’elle n’était, au mieux, qu’un élément secondaire des contes et mythes qui l’ont précédée. À ce sujet, beaucoup de précisions sont apportées sur le roman et sur son impact, au cours d’un bonus d’une bonne vingtaine de minutes présenté par Evelyne Lesigne-Audoly (enseignante et maître de conférence à l’université de Strasbourg, spécialiste de littérature classique japonaise).

Le Roman de Genji mêle intrigues de cour et donc psychologie du personnage, à une certaine poésie mystique que l’on retrouve dans d’autres œuvres de Sugii. Le Genji est le fils de l’Empereur du Japon et d’une courtisane, de ce fait il ne peut pas prétendre au trône, mais cela ne va pas l’empêcher d’enchaîner les conquêtes à la cour, au travers desquelles il découvre la féminité et en apprend plus sur lui-même.

Les personnages et les interactions sont légion ici, tant et si bien qu’un bonus de l’édition nous rappelle qui sont les différents personnages féminins que Genji va croiser et pour la majorité, charmer. Un aspect fidèle à l’œuvre d’origine, puisque le roman ne comptait pas moins de 200 personnages souvent référés par leurs titres de noblesse, qui pouvaient changer au fil du récit. Moins nébuleux que le livre, le déroulement de l’intrigue reste difficile à suivre, les rencontres se superposent, on se questionne sur la continuité temporelle au point de les reléguer au second plan.

Le film nous plonge avant tout dans l’ivresse maladive du Genji pour les femmes : recherche vaine et morbide de sa défunte mère dans l’autre, l’obsession du héros donne lieu à des discussions sur l’oreiller, entre métaphysique et délires d’un malade, parfois sous la forme d’échanges de wakas (poèmes japonais). Peu bavard le reste du temps, le film s’attache à donner de l’importance à ses bruits, à sa bande sonore (entre instruments traditionnels et vrombissements rauques) pour poser son ambiance. Lent dans son déroulement (en partie à cause de sa mise en scène avec ses travellings étendus), statique de par ses personnages cérémonieux et son unique décor : le château, perdu sur un fond uni et opaque, qui nourrit les plans lorsque l’action reste en hors champ ; tous les éléments sont réunis pour que le Genji soit livré à lui-même, dans ce palais hors du temps et de l’espace.

Son impression d’abandon le tiraille intérieurement, alors que se resserrent sur lui les griffes de l’ennui. Ces mêmes griffes qui peuvent érafler le spectateur dans la foulée avec son rythme âpre qui ne manquera pas de diviser. Les instants de poésie, notamment la séquence finale, se font rares et ne constituent que de brèves escales devant ce désert aride.

Difficile à apprécier dès la première vision, Le Roman de Genji recèle néanmoins un soin indéniable apporté à sa confection. Les dessins des décors (dont le style se retrouvait déjà dans Train de Nuit dans la Voie Lactée), tout comme le chara design qui rappelle de loin les estampes japonaises, sont le témoin d’une œuvre travaillée, plus riche qu’elle n’en a l’air, pour qui passe outre sa lente rudesse et sait apprécier le style particulier de Sugii.

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