Le Barbare et la Geisha : Aventure exotique au Japon

Toujours prompt à nous livrer quelques pépites, Rimini Editions a sorti de sa malle aux trésors deux films assez rares de John Huston, Dieu seul le sait et Le Barbare et la Geisha. Disponibles en DVD et Blu-ray depuis le 22 mai dernier, les films se dévoilent dans un nouveau master HD de toute beauté, permettant de redécouvrir comme il le faut ces œuvres particulièrement savoureuses.

Dans le lot, Le Barbare et la Geisha est certainement l’œuvre la plus atypique. Peu connu et peu cité dans la filmographie de John Huston, le film ne manque pourtant pas de qualités. Certes, il est assez mineur si l’on regarde la filmographie du réalisateur mais à s’y pencher de plus près, on découvre une œuvre maîtresse permettant de saisir la personnalité d’Huston, toujours taillé pour une aventure exotique. En effet, avec ce récit se passant au Japon, Huston y voit l’occasion de tourner un film de facture très sérieuse, affirmant dès le début sa farouche volonté de tout tourner au Japon, embauchant alors des techniciens japonais tout en se payant le luxe d’avoir une authenticité certaine à chacun de ses plans à grands renforts d’accessoires et de costumes d’époque foncièrement authentiques.

L’histoire est d’autant plus passionnante qu’elle est vraie : en 1856, alors que le Japon est toujours refermé sur lui-même, Townsend Harris débarque sur l’île conformément à un traité pour en devenir le premier consul américain. Il se heurte très rapidement à l’hostilité des japonais qui n’apprécient guère la présence d’un étranger dans leur pays. Il lui faudra des mois avant de pouvoir rencontrer le Shogun et de nouveaux mois de négociations pour parvenir à faire ouvrir le Japon aux autres. Entre temps, épidémie de choléra, petites manigances et tentatives d’assassinats vont faire leur apparition… Toute cette partie est historique et soigneusement documentée. Mais Huston s’intéresse aussi bien à la complexité des relations diplomatiques entre les États-Unis et le Japon qu’à la relation unissant Townsend Harris à la geisha Okichi. Celle-ci, envoyée par son maître pour espionner le consul, finit par tomber sous son charme et les deux développent une belle relation d’amitié teintée d’amour. Cette relation, bien qu’inspirée par certains dires voulant que le véritable Harris ait véritablement noué un lien avec une geisha de 17 ans, est cependant pure fiction que le cinéaste mélange parfaitement aux faits historiques.

Visiblement ravi de tourner au Japon, John Huston s’en donne à cœur joie et livre des plans splendides, inspiré des estampes japonaises. Le nouveau master du Blu-ray rend d’ailleurs bien compte de la beauté de la mise en scène d’Huston, maniant la couleur et les ombres avec une belle aisance, forte de sa collaboration avec le directeur de la photographie Charles G. Clarke.

Atypique dans la filmographie de John Huston, Le Barbare et la Geisha l’est également dans celle de John Wayne. En effet, l’acteur sort ici de sa zone de confort pour livrer une composition étonnante et touchante dans ses rapports avec Okichi. Certes, le Duke reste fidèle à lui-même avec une dégaine mémorable (rien à voir avec celle du véritable Townsend Harris) et une scène de bagarre mais il est surprenant de le voir dans une tonalité plus sage et plus exotique que d’habitude. Il est également surprenant de constater que ce fut la seule collaboration entre John Huston et John Wayne, les hommes partageant pourtant un certain univers sans pour autant avoir les mêmes convictions politiques, notamment au moment du Maccarthysme.

Véritable moment d’exotisme rempli de charme, Le Barbare et la Geisha se découvre avec intérêt permettant de lever le voile sur une période charnière du Japon. En dépit de quelques faits historiques pas forcément respectés (Sam Jaffe, alors âgé de 67 ans, joue un personnage décédé à l’âge de 28 ans !), le film vaut le détour et témoigne de la capacité incroyable de John Huston de se fondre derrière ses sujets avec une belle aisance.

Un seul bonus de 28 minutes vient compléter l’édition de façon assez complète : Le projet japonais de John Huston où Patrick Brion dévoile quelques anecdotes de tournage en revenant sur l’expérience du film pour le cinéaste. De quoi donner une vision plus globale du film qui se laisse toujours aussi bien regarder, étonnant sans cesse de par ses qualités.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*