Opération Beyrouth : Beyrouth, nid d’espions.

Découvert en 2005 avec The Machinist, long-métrage perturbant vu la performance cadavérique de Christian Bale en insomniaque impliqué dans un accident de travail, Brad Anderson se révèle comme un metteur en scène prometteur, tout du moins intéressant, et à suivre. Puis la carrière du réalisateur américain déçoit se fourvoyant dans des productions sans âmes, du travail à la commande dont on espère peu de choses.

Beaucoup de travail à la télévision, Brad Anderson a réalisé le pilote de la série Titans (série sur les Teens Titans de DC Comics) à venir en 2018, mais on a pu le voir opérer sur Fringe, Alcatraz ou Boardwalk Empire. S’il avait surpris avec un certain sens du rythme dans le très bon The Call avec Halle Berry en 2013, Brad Anderson nous avait laissé de marbre devant Hysteria avec Kate Beckinsale pour une libre adaptation de la nouvelle Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume d’Edgar Allan Poe.

Revoici donc ce cher Brad avec Opération Beyrouth en salles le 30 mai 2018 en France. On ne peut lui retirer cette faculté de passer d’un genre à un autre, de pouvoir facilement s’adapter en fonction du travail demandé. Que ce soit en série TV ou au cinéma, Brad Anderson s’efface derrière la commande, souvent pour le bien du produit. Car finalement, à bien regarder la filmographie du bonhomme, il y a peu de déchets formels. C’est donc avec Opération Beyrouth que Brad Anderson repasse par la case cinéma avec un scénario signé Tony Gilroy à qui l’ont doit Michael Clayton avec Georges Clooney ou trois scénarios des aventures de Jason Bourne. Dans Opération Beyrouth, nous partons dans les années 80 au cœur d’un Beyrouth sous le contrôle de plusieurs forces antagonistes : les USA, Israël, l’OLP (Organisation pour la libération de la Palestine), sans oublier les Chrétiens Libanais, les musulmans et les Druzes, tous se partageant la capitale libanaise.

Dix ans après avoir perdu sa femme dans une attaque terroriste, Mason Skiles doit revenir sur place pour négocier la libération d’un ancien collègue et ami proche enlevé par un groupuscule inconnu.

Si la situation géo-politique n’est pas nouvelle, loin d’être originale dans la peinture dressée par Tony Gilroy (en roue libre), le film intéresse en mettant en parallèle le chaos apocalyptique d’une ville prise au cœur d’un conflit d’intérêts international et celui d’un homme qui ne se remet pas de la perte de sa femme dix ans auparavant. Mark Skiles est devenu un entremetteur dans les conflits d’entreprises. Après avoir été diplomate à Beyrouth dans les années 70, il est celui entre syndicats et entreprises américaines commençant à sous-payer ses employés avant de délocaliser. Skiles est un alcoolique, un homme en perdition se retrouvant bien malgré lui à Beyrouth. La ville de toute une vie qui le ramène à des douleurs intérieures pour résoudre des conflits et les intérêts du monde.

S’il faut chercher aux creux des personnages, tous formidablement écrits, la trame principale sera ficelée avec facilité, voire nonchalance par Tony Gilroy. Il faut bien avouer que l’on voit tout venir avec un certain temps d’avance, le film jouant avec d’énormes ficelles sa dramaturgie pompeuse. Il faut alors compter sur Brad Anderson pour amener un certain enthousiasme, un savoir-faire à l’image de The Call (histoire simple d’un enlèvement d’une jeune fille qui réussit à prendre contact avec le centre d’appels de la police et qui sera aidée par une opératrice interprétée par Halle Berry pour se sortir d’affaire). Dans Opération Beyrouth, la négociation et la libération de l’agent vont être menés tambour battant par un Brad Anderson enchaînant échanges tendus avec le groupe terroriste, courses poursuites et filatures. On se rend compte rapidement que nous sommes happés dans ce thriller bouillant où Beyrouth prend une place prépondérante.

Beyrouth, capital du Liban, perdu au cœur des manigances des grandes puissances internationales. Les USA, Israël, etc. y cherchent désespérément la réponse de leurs gloires, de leurs toutes-puissances aux grés de la population. Le décor est apocalyptique, formidablement reconstitué pour installer au mieux le spectateur au cœur du conflit. Beyrouth sera le tableau dramatique des opérations, le symbole d’un monde en mutation, la reconstruction d’un homme alcoolisé de douleur. Via Beyrouth, la ville de son cœur, Skiles prend conscience de l’état du monde. La mort de sa femme ne fut que le premier acte d’un monde s’écroulant sous le poids des puissances politiques dont il s’évertuait à modérer les conséquences des décisions prises de Washington. Beyrouth va être la guérison de Skiles, sa prise de conscience, son ouverture au monde. Dans le costume de Mark Skiles, Jon Hamm est parfait, comme une évidence. Depuis l’arrêt de Mad Men, l’acteur prend petit à petit sa place dans le milieu hollywoodien. Avec cette classe à l’ancienne, rappelant les Cary Grant ou Sean Connery, il distille à ses rôles, notamment à Mark Skiles, une allure folle. En dépit des poches sous les yeux (rappelant François Fillon, paix à son âme), Jon Hamm incarne brillamment un homme en colère, en perdition se noyant dans l’alcool pour oublier sa vie passée, la douleur qui en découle et ce monde environnant. C’est tout cela rassemblé qui va le ramener à la vie, cette position fragile et dangereuse au cœur d’un Beyrouth cataclysmique où ses démons vont le malmener pour mieux le faire réagir.

On retrouve bizarrement dans Opération Beyrouth les mêmes ingrédients ayant fait le sel des grands films d’espionnages des années 50 et 60. Un nid d’espions au cœur d’une ville en conflit. Auparavant Berlin, ici Beyrouth pour un thriller haletant porté par l’œil avisé d’un Brad Anderson aux petits oignons et la classe dingue de Jon Hamm. On peut qualifier Opération Beyrouth de réussite, mais on préféra le caractériser comme un divertissement de haute volée.

1 Commentaire

  1. Bonne nouvelle pour ce réal alors. A découvrir l’original Happy Accidents, véritable bijou du cinéma indépendant avant The Machinist, qui a été complètement oublié car sorti le 11 septembre 2001

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