13 reasons why : why not ?

À sa sortie en 2017, la première saison de 13 Reasons Why avait profité d’une grande popularité (bonne et mauvaise). Adaptation du roman éponyme, la série nous narre la découverte de 13 cassettes audio par Clay, dont l’auteur n’est autre que son amie Hannah, qui raconte les raisons de son suicide. On le devine assez vite, chaque cassette sera le sujet d’un épisode à part entière. Ces dernières sont adressées à un personnage différent à chaque fois, où Hannah, revient en voix-off, sur la part de responsabilité du destinataire dans le cheminement qui l’a amenée à choisir cette solution radicale.

Addictif par son format (le spectateur étant poussé à vouloir savoir qui a fait quoi), la première saison se binge-watchait sans retenue, c’était même conseillé. Une pause trop prolongée dans le visionnage entraînait facilement une perte d’intérêt pour la série, qui retombait comme un soufflé. La faute notamment à un final que l’on voit vite venir à l’image de la motivation principale d’Hannah. On dévore les épisodes pris par l’instant, aussitôt mangés, aussitôt digérés. Malgré tout, cette première saison réussissait à se tenir fermement sur ses appuis et à mener sa barque à bon port, pour peu que l’on ne fasse pas trop d’escales. Mais alors, que le final semblait boucler quasiment toutes les intrigues, que le roman était adapté en intégralité, que le format narratif des cassettes ne pouvait pas être reproduit sans être redondant, voilà que la saison 2 débarque, provoquant automatiquement un lever de sourcil méfiant. On ne manque pas de se questionner sur l’intérêt d’une quelconque continuité, autre que lucrative. Alors, simple opération commerciale surfant sur le succès de l’an passé ? Ou véritable désir d’aller plus loin dans les thématiques abordées, à l’aune du climat qui règne depuis peu dans l’industrie ?

Verdict : un savant mélange des deux ! Si le concept des cassettes passe à la trappe, on continuera d’aborder les personnages tour à tour, un épisode après l’autre. Ces derniers devront livrer leur témoignage au cours du procès, qui oppose la mère d’Hannah au lycée Liberty, dans lequel sa fille étudiait. On prolonge donc les trajectoires des personnages, dans un exercice d’écriture qui tient du numéro d’équilibriste. S’il est exécuté avec précaution, il reste parfois difficile à avaler compte tenu des événements précédemment exposés. Ainsi, les flashbacks connus sont étoffés par de nouvelles scènes, rajouts de fortune qui peinent parfois à convaincre, là ou d’autres sont plus en adéquation avec le caractère du personnage concerné. Certains vont s’effacer là ou d’autres vont prendre plus d’importance. Difficile alors pour les petits nouveaux de prendre leur place sans faire de l’ombre aux habitués (les fans de Courtney ou Ryan risquent d’être déçus, ceux-ci sont vite expédiés). Il reste néanmoins des ajouts intéressants parmi les nouveaux arrivants : Chloé (nouvelle petite amie de Bryce, quand on sait ce que cela implique…) ou Cyrus le punk, qui va se lier d’amitié avec Tyler et lui offrir une évolution bienvenue. D’autres habitués vont au contraire gagner en relief, en grande partie grâce à leurs interprètes (le témoignage poignant de Kevin Porter ou bien entendu Bryce, toujours convaincant et haïssable au possible). Le noyau dur de la série persiste, tout en essayant de se renouveler.

Avec l’arrivée de ces éléments supplémentaires, viennent aussi de nouvelles intrigues qui se juxtaposent aux anciennes. On se retrouve avec du whodunit à ne plus savoir qu’en faire sur bon nombres de menaces, larcins etc… Ce qui ne manque pas de provoquer chez le spectateur une sorte de fascination morbide, voulant toujours en savoir plus tandis que les personnages se brisent. Tout comme cette complicité retrouvée entre Clay et Hannah, par le biais des visions qu’il a d’elle. Si on est heureux de les revoir ensemble, c’est en subissant un rappel constant de la cruelle réalité. 13 Reasons Why jongle avec ces subterfuges pour alerter le spectateur sur la gravité des thèmes (suicide, viol, harcèlement, l’impunité des fautifs…) et surligner ce que la première saison abordait. On entre plus en profondeur dans la psychologie de certains personnages, on découvre des ambivalences, on se joue de nous, façon ascenseur émotionnel.

On comprend alors que les quelques coquilles d’écriture sont sacrifiées sur l’autel du discours que veut porter la série. Il faut composer avec des thèmes délicats sur lesquels il est facile de déraper, surtout avec les réseaux sociaux qui ont la gâchette facile. En témoigne ce message des acteurs au précédant le début du premier épisode, nous mettant en garde sur le suicide et sur l’aide que l’on peut recevoir (avec un lien vers un site qui deviendra un leitmotiv de fin d’épisode). Au diable la suspension d’incrédulité totale, devant la gravité du sujet. Cela n’empêche pas la mise en scène de s’exprimer efficacement, avec de nombreux surcadrages qui isolent les personnages dans leur solitude nocive, ces flous de second plan qui les évincent ou encore une scène choc et graphique qui restera dans les mémoires (tout comme la scène de suicide d’Hannah).

Sans avoir l’impact de son point de départ, 13 Reasons Why s’en sort avec les honneurs et jongle entre ses composantes, titube de temps à autres, mais ne chute jamais. Parfois entravé par ses partis pris et ses tonalités alarmantes, le show essaie de véhiculer un message positif mais terre-à-terre, compréhensif mais sévère envers les agresseurs et le système qui les laisse agir. On se positionne avant tout du côté des victimes, de leurs psychologies, de leurs réactions, tout en restant réaliste sur les conséquences de ce qu’ils ont subi (déni, drogues, perpétuation de la violence…) Si l’ombre de la première saison plane sur son successeur, à l’image du fantôme d’Hannah, il arrive à s’en démarquer et en dévier pour tendre, espérons-le vers la nouveauté. Bien que son rôle d’objecteur de conscience vis-à-vis d’un système laxiste soit pleinement rempli, on ne peut qu’appréhender à nouveau l’arrivée d’une prochaine saison, devant ce final qui ne laisse cette fois-ci aucun doute à ce sujet (bien que rien ne soit annoncé et que les polémiques font déjà rage). Il est décidément bien difficile de tourner la page à Liberty High.

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