Roar : Ce n’est pas que du cinéma !

Rimini Editions avait déjà édité Roar en DVD simple le 20 octobre 2016. L’éditeur vidéo revient à l’attaque en 2018 avec un combo DVD+Blu-ray avec un livret signé Marc Toullec qui vous apprendra tout ce qu’il y a à savoir sur le film sur une vingtaine de pages. Rimini Editions profite de la version restaurée ressortie plus tôt dans l’année chez Carlotta Films pour cette nouvelle édition de toute beauté. 

Disponible depuis le 6 mars 2018, Roar est un film fascinant. L’intrigue est simple : une femme et ses trois enfants arrivent dans un coin perdu d’Afrique pour retrouver son mari. Celui-ci est un scientifique excentrique qui a entrepris de construire une maison et de vivre en pleine cohabitation avec plus de 150 fauves dans ce qu’il considère comme un havre de paix, un lieu où lions, tigres, panthères et pumas pourraient vivre tranquillement sans se méfier des hommes et leur violence. Bien évidemment, il sera absent quand sa famille arrivera, laissant sa pauvre femme et ses trois enfants à la merci de tous ces fauves…

Roar est un projet fou. Considéré comme  »le film le plus dangereux jamais réalisé », le long-métrage imaginé par Noël Marshall a essuyé une production périlleuse, voire calamiteuse. Budgété à 3 millions de dollars, le film en coûtera finalement 17 millions. Si aujourd’hui, on sait que le film se renflouera à hauteur de 10 millions, le temps aura fait son effet profitant de l’aura sulfureux du film. Roar, c’est 6 ans de tournage, 70 personnes blessées durant les prises de vue, 150 fauves imprévisibles au sein d’un ranch de Californie acheté par Noel Marshall et Tippi Hedren, couple à la ville comme à l’écran, pour les besoins du tournage. Marshall et Hedren sont mariés depuis 1964. Roar sera l’aventure d’une famille tout entière. Melanie Griffith (adolescente à l’époque), fille de Tippi Hedren, fait partie du périple, ainsi que les deux fils de Noel Marshall. Personne autre que les proches ont souhaité suivre le couple dans cette production abracadabrantesque.

Roar est un projet fou, mais fabuleux. Si l’on reste circonspect pendant certaines séquences, on n’en reste pas moins fasciné par l’objet qu’est ce film. Pour mieux comprendre l’intention, il faut remonter en 1969. Tippi Hedren tourne Satan’s Harvest et Mister Kingstreet coup sur coup en Afrique. En parallèle des tournages, l’actrice et son mari visitent le parc national de Gorongosa au Mozambique. Sur place, il découvre une maison à l’architecture portugaise habitée par une trentaine de lions et leurs petits. Une véritable colocation un brin anarchique avec ses félins se prélassant dans les ouvertures des fenêtres, sur le toit ou sous le porche. De cette vision, Noel Marshall signe les premiers jets d’un scénario contant le parcours d’un Zoologiste amoureux des félins. L’histoire au fil des retouches rejoint rapidement le synopsis actuel du film. Une intrigue simple avec des personnages ne faisant que de s’échapper des griffes des prédateurs, il faut bien avouer que les vraies stars du film sont ses derniers. Il fallait d’ailleurs un scénario simple pour espérer arriver à un résultat qui soit un minimum cohérent. Avec autant d’animaux sur le tournage, lions, tigres, panthères noires s’attaquant aux acteurs, ne serait-ce que pour jouer, le film en devient impressionnant de réalisme. Noel Marshall, acteur/réalisateur/producteur, passe une bonne partie du film à suer, à être aux aguets, à avoir ses vêtements déchirés et à saigner suite aux multiples agressions des félins. On se rend vite compte, en tant que spectateur, que Roar fut une expérience complètement dingue. Jan de Bont, alors directeur de la photographie, fut d’ailleurs partiellement scalpé en faisant les prises de vues, écopant de 220 points de suture. Sûrement l’incident le plus célèbre du tournage qui n’épargna ni Tippi Hedren ni Melanie Griffith, cette dernière ayant failli perdre son œil droit après un coup de patte d’une lionne. Résultat : Opération de chirurgie esthétique pour faire disparaître la profonde cicatrise. 

Roar est un projet fou débouchant sur un film furieux. Violent, incroyable, souvent absurde qu’il en devient burlesque. On pense aux séquences avec les tonneaux ou les parties de cache-cache entre les protagonistes et les félins. Un jeu macabre s’installe créant l’urgence et le danger d’un film qui ne sait jamais sa finalité. Il n’y a proprement aucune histoire à suivre. Juste le stupide tableau d’une famille naïve souhaitant vivre au cœur d’une faune sauvage. Une cohabitation assurant le spectacle de façon titanesque. Le long-métrage est pétrifiant d’une certaine beauté de l’instantané, de voir ces dizaines de lions envahir la maison et tout dévaster sur leurs passages. Tout est chance ou ruse pour avoir le moindre matériel exploitable, le scénario devenant poussière au fur et à mesure des cinq années de tournage.

Il est d’ailleurs assez dommageable qu’il ne reste plus rien de cette aventure. Outre le feuillet confectionné par Marc Toullec pour cette édition, nous ne trouvons aucun module venant égayer le film. C’est assez triste en soit, même si l’on peut prendre le film comme un tout : œuvre de cinéma, documentaire, making-of, snuff movie. Roar est entré dans la postérité, comme étant un essai iconoclaste, une œuvre à part, un pari fou et risqué, du cinéma par la force des choses.

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