Irma la douce : Quand Billy Wilder fantasme Paris

Après La Garçonnière, c’est au tour de Irma la douce d’avoir le droit à une sortie en Blu-Ray et DVD chez Rimini Editions. Disponible depuis le 24 avril dernier, Irma la douce dévoile ses charmes et laisse à nouveau entrevoir tout le talent déployé par Billy Wilder à chacun de ses films, même ceux considérés comme  »mineurs ».

Après le succès rencontré par La Garçonnière et ses cinq Oscars en 1960, Billy Wilder avait l’intuition qu’il ne ferait jamais mieux que cette comédie romantique douce-amère, véritable réussite du genre. Cela ne l’a pas empêché de continuer à tourner avec gourmandise, délivrant dès 1961 l’irrésistible comédie Un, deux, trois, charge féroce contre l’Amérique portée par James Cagney. L’échec du film poussa peut-être Wilder à de nouveau faire appel à plusieurs collaborateurs de La Garçonnière pour Irma la douce : Jack Lemmon et Shirley MacLaine en couple vedette, Alexandre Trauner aux décors, Joseph LaShelle à la photographie et bien évidemment l’inséparable complice I.A.L. Diamond aux manettes du scénario avec Wilder. Manque de chance, le succès ne fut pas non plus au rendez-vous (à vrai dire, il ne fut plus jamais vraiment au rendez-vous pour le cinéaste et c’est fort dommage).

Ce n’est pourtant pas faute d’y mettre du sien. Les années passant, Wilder et Diamond voient la censure perdre de sa vigueur. Ni une ni deux, ils adaptent donc une comédie musicale (dont ils suppriment toutes les parties chantées) dans laquelle Nestor Patou, policier parisien fraîchement viré pour zèle (il a fait une descente dans un bordel où se trouvait son patron) se retrouve à devenir le mac d’Irma la douce par amour pour elle ! Trop jaloux pour bien faire son nouveau travail, il décide de se déguiser en un mystérieux client anglais nommé Lord X et payer grassement Irma afin qu’il ne soit plus que son seul client. Mais pour payer Irma, Nestor doit travailler tous les matins aux halles sans l’avouer à Irma qui refuse que son homme soit vu en train de bosser, ça ferait mauvais genre ! S’emberlificotant dans ses mensonges, Nestor ne sait plus que faire si ce n’est éliminer Lord X d’une manière ou d’une autre…

Voilà donc un postulat très wilderien dans lequel on retrouve le goût du cinéaste pour le déguisement, le politiquement incorrect et les sous-entendus salaces finement écrits. Poussant parfois la chose un peu loin, visiblement content de jouer avec la censure, le réalisateur semble parfois se reposer sur ses acquis, n’évitant pas la redite avec certains de ses films (Certains l’aiment chaud, Sabrina) tout en dévoilant avec délectation certains atouts de Shirley MacLaine. Se déroulant dans un Paris totalement fantasmé (avec ses  »poules », ses  »macs » et ses  »flics ») et recréé par Alexandre Trauner, Irma la douce entend délaisser rapidement le réalisme au profit d’une forme de conte fantasque où chaque second rôle tient sa place avec merveille, en particulier Moustache, patron de bistrot à l’expérience multiple (il fut, tour à tour, médecin, avocat ou professeur d’économie !).

Le principal défaut du film vient de sa longueur. 2H23 pour une comédie, c’est beaucoup. Ici, Wilder s’égare un peu dans quelques longueurs dans sa deuxième partie, semblant visiblement ravi de retrouver Jack Lemmon et Shirley MacLaine à qui il offre de nouveau des scènes particulièrement savoureuses, oscillant sans cesse entre la tendresse et le graveleux. C’est là la réussite de Billy Wilder : être toujours sur la corde en provoquant mais sans jamais sombrer dans la vulgarité. Lemmon est une fois de plus totalement brillant, composant là un double rôle qui lui va à ravir, son Nestor s’emmêlant tellement les pinceaux qu’il finit par devenir jaloux de Lord X, son propre personnage ! Shirley MacLaine et ses bas verts ne sont pas en reste, l’actrice dévoilant autant ses charmes que son talent d’actrice dans une partition peu évidente.

S’il est difficile au film de soutenir la comparaison avec les meilleurs films de Billy Wilder, il va sans dire qu’Irma la douce reste un régal. Véritable bijou d’écriture (ah ces dialogues à double sens !) provocateur et cocasse, il se redécouvre ici dans une très belle copie restaurée rendant grâce au Technicolor adopté par le cinéaste. Passer à côté d’un tel film serait vraiment criminel !

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