Psychokinesis : un grand pouvoir et trop peu de responsabilités

Avec Dernier Train pour Busan, Yeon Sang-ho avait réussi à rencontrer un certain succès auprès de la critique et du public. Il faut admettre qu’un film de zombies coréen a tout de suite de quoi appâter le chaland, amateur de l’un ou de l’autre. Alors lorsque le même réalisateur s’attaque aux superhéros et plus particulièrement aux superpouvoirs, les sourcils se lèvent et l’attente se crée. Disponible depuis le 26 avril sur Netflix, Psychokinesis intrigue en se démarquant de la production de masse tout en peinant à aller plus loin que son exercice formel.

On démarre rapidement sur une tragédie familiale où la mère de Shin Roo-mi perd la vie, en voulant défendre sa fille contre les membres d’une entreprise de construction cherchant à la déloger. Sans crier gare, le film passe immédiatement à Shin Seok-hyeon, le père de Roo-mi qui boit une eau infectée par une comète, qui va réveiller en lui des pouvoirs télékinésiques. On expédie donc l’origin story en quelques minutes, avant de passer au cœur de l’action. Shin Seok-hyeon va bien entendu passer par une phase d’initiation, accélérée par les membres de l’entreprise qui désirent toujours virer sa fille et les autres habitants, pour commencer leurs travaux. C’est là que se trouve l’originalité de Psychokinesis, pas question ici de sauver l’univers ou même la Terre, le quartier du coin sera déjà une grande victoire. On reste à hauteur humaine en ce qui concerne les enjeux. À la manière d’un On l’appelle Jeeg Robot, la bénédiction de ces capacités hors normes n’est pas accordée au plus méritant, mais est simplement le fruit du hasard. Sans être un criminel ou un psychopathe en puissance, Shin Seok-hyeon n’est pas parangon de vertu. Père flemmard qui a abandonné sa famille, il s’amuse et se contente de ses petits larcins sur son lieu de travail (le vol de dosettes de café, ce fléau). Ses pouvoirs vont accompagner un changement chez lui, grâce à eux il va avoir les moyens d’évoluer et d’être un père et homme meilleur pour son entourage.

Mais malgré son originalité, Psychokinesis peine à convaincre. Le mélange des tons et des idées se bouscule au milieu de ce récit plus simple qu’il n’en a l’air. Beaucoup de scènes font office de diversion, comme lorsque Shin Seok-hyeon fait le mariole à déplacer des objets lourds en l’air, en tirant des tronches pas possibles. Un côté humoristique trop sporadique pour s’imposer avec pas ou peu de justification. Il en va de même pour une majorité des personnages secondaires, discrets, tirant des gueules de six pieds de long, si bien qu’on se croirait dans un film social français. À l’inverse, la performance de Jeong Yu-mi qui joue la principale antagoniste : la directrice Hong, redonne un sens au mot cabotinage, en surjouant un personnage délicieusement caricatural. Difficile de lier tous ces éléments, dans une histoire qui manque d’emblée d’enjeu. En effet, si Psychokinesis a pour lui l’apanage de la différence, il n’évite pas l’un des pièges numéro un du genre : le personnage est trop puissant pour être réellement ennuyé. Personne ne s’inquiète outre mesure de voir un homme avec de tels pouvoirs, une petite vidéo sur le smartphone et on passe à autre chose. Personne ne semble vouloir s’approprier ses capacités ou en trouver les origines. On élude beaucoup de pistes par facilité (qu’est-il arrivé aux autres personnes qui ont bu l’eau de source contaminée après Shin Seok-hyeon ?). Sans réel opposant, notre héros n’aura plus qu’à se dépasser lui-même pour atteindre son but.

Malgré un mélange qui prend difficilement, il faut tout de même noter cette scène d’action finale qui sait maintenir son rythme avec des passages intéressants (l’apprentissage du vol par Shin Seok-hyeon) : un foutoir jubilatoire, mais qui se fait un peu trop attendre. Le long métrage, nous intrigue avant de retomber comme un soufflé raté. Le plus dérangeant reste le sous-texte : la directrice Hong intime à Sun-huk de « rester à sa place », ce contre quoi il s’élève un temps pour finalement appliquer cette maxime lors de la conclusion. Même une fois le film terminé, on ne sait pas sur quel pied danser, on évite les écueils du genre, comme les pouvoirs qui affectent la santé (et le classique saignement de nez) pour ne rien en faire de plus qu’une petite idée maligne ça et là. Psychokinesis rappelle ces jeux bac à sable qui offraient une grande liberté au joueur en plus de lui faire bénéficier de pouvoirs extraordinaires (inFamous, Prototype…) : amusants au début, pour lasser sur la longueur devant l’absence d’opposition rencontrée. Une curiosité frustrante, victime de son concept. 

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