Édito – Semaine 18

Il n’y a plus de frontières entre le cinéma et le jeu-vidéo. Et ce depuis les années 90, quand le cinéma, par faiblesse, a vampirisé l’art nouveau du divertissement pour les enfants, puis aujourd’hui de toutes générations. Le cinéma a cru bon d’adapter des licences de jeu-vidéo pour récolter de l’argent facile avec un concept pré-établie. Des producteurs opportunistes ou des entreprises avides d’une ouverture plus ample sur le divertissement global, exemple fait  de l’Assassin Creed de Justin Kurzel avec Michael Fassbender, long-métrage co-produit par Ubisoft Motion Pictures. On connaît aujourd’hui le flop retentissant du film, réfrénant les envies de saga cinématographique et l’exploitation d’autres jeux créée par l’entreprise. Ainsi, Uncharted reste par chance dans les tiroirs des studios, soutenu par le modeste parcours du nouveau film Tomb Raider avec Alicia Vikander sorti ce printemps.

Pourquoi alors les studios hollywoodiens s’acharnent-ils à vouloir prendre des licences basiques, parfois oubliées, pour produire et créer le divertissement dans les salles de cinéma ? Facilités, assurances… des points beaucoup trop simples pour une explication minime. Que passe-t-il par la tête des dirigeants de la Warner pour produire Rampage ? Un jeu oublié aujourd’hui de la conscience collective, dont il faut allez racler le fond de catalogue du joueur du grenier pour redécouvrir le jeu, à l’époque carton des salles d’arcade. Il faut bien avouer que Donkey Kong lui était bien supérieur. Alors que vient faire Rampage en salles à partir du 2 mai en France ? 

Pour faire un carton bien sûr, car suite à son premier week-end d’exploitation, il casse les scores du box-office US. En deuxième semaine, il perd 41% de fréquentation, mais le succès est là, notamment en Chine avec 100 millions de dollars. Pour un budget de 120 millions de dollars, le film en est, dans son exploitation internationale, à près de 300 millions de dollars. Licence jeu-vidéo + big monkey + Dwayne Johnson = $$$$$$$ 

On est d’accord que Rampage accumule tous les ingrédients forts du cinéma moderne : des grosses bestioles + la nostalgie + divertissement de destruction massive + Dwayne Johnson, forcément le film casse la baraque en plus des buildings de Chicago. Mais le film se détache beaucoup de sa base jeu, loin des licences modernes comme Assassin Creed, Tomb Raider, Mortal Kombat ou Super Mario Bros. Quand les longs-métrages sortent en salles, les jeux tournent sur les consoles et forcément, les fans sont intransigeants. L’opportunisme pique les yeux et le plaisir du jeu n’est jamais retrouvé. On peut citer aussi Hitman ou Resident Evil, exemple flagrant d’une saga cinéma qui a trahi en permanence son matériel de base. 

La volonté de jouer et celle de regarder sont incompatibles. C’est ce désir de se détacher du cinéma qui amène un gamer à profiter des plaisirs de l’interaction avec la console. Un gamer ne cherche pas la passivité de se détendre devant un programme, mais plutôt de découvrir et s’activer pour prendre part à une autre réalité, manette en mains. Être le héros et non soutenir le héros comme au cinéma. Là est le point faible d’un cinéma qui ne créer plus, mais essaie de recréer un univers que le spectateur possède déjà. D’où l’échec d’une telle entreprise surtout quand l’adaptation colle presque trop parfaitement à l’univers de base comme Tomb Raider. Forcément le film va droit dans le mur. 

Le cinéma doit proposer quelque chose de nouveau, un ailleurs propre à sa matière de base, l’imaginaire d’un metteur en scène à nous émerveiller avec ses références, sa culture, son univers, sa passion. Steven Spielberg l’a récemment proposé en réponse à ce nouvel Hollywood opportuniste, voire putassier, avec Ready Player One. Mais d’autres réalisateurs l’ont fait comme Kevin Smith, Brad Bird ou Guillermo Del Toro avec des créations originales, ou au cœur même de sagas pré-existantes (Mission : Impossible ; Blade). Ces hommes prouvent que le cinéma a encore plein de choses à fournir, que l’essence même de cet art est à faire, à créer, à proposer. Alors pourquoi allez chercher ailleurs, quand nous avons tout dans notre tête, cette petite tête remplie à ras bords d’une multitude d’univers prêts à fleurir… James Cameron l’a bien prouvé avec son Avatar.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*