Daphné : Une femme sous influence

Le cinéma indépendant a toujours aimé les tranches de vie de personnages un peu à part. Des personnages singuliers à la trajectoire imprévisible, anti-héros comparé aux conventions du récit mais finalement proches de nous. Daphné fait partie de cette catégorie. Jeune trentenaire, elle évolue dans les rues de Londres sans but précis sinon celui de brûler sa jeunesse en multipliant les coups d’un soir. Cynique, elle repousse volontairement ceux qui s’attachent à elle en leur sortant des théories philosophiques lues à l’arraché. Travaillant dans un restaurant sans vraiment être passionnée, elle est seule et affiche une énergie qui ne peut dissimuler longtemps son sentiment de ne pas être vivante. Quand elle assiste un jour à un braquage, sa carapace commence tout de même par se fissurer…

On ne compte plus le nombre de films de ce genre avec ses personnages attachants et complexes, leurs errances et leurs moments de vie. C’en est presque devenu un cliché dans lequel Daphné pourrait tomber. Ces dernières années, les portraits de femmes trentenaires un peu paumées ont pullulé au cinéma. Dès lors, qu’est-ce que le film de Peter Mackie Burns peut bien apporter de neuf ? Rien car il n’en a pas la prétention, mais à la fois tout car les autres films de ce genre n’ont pas Emily Beecham dans le rôle-titre. L’actrice, aperçue dans Ave, César ! ou encore la série Into the Badlands, irradie littéralement l’écran de sa présence frêle et lumineuse. Elle porte Daphné (le film et le personnage) sur ses épaules, elle a d’ailleurs longtemps travaillé le rôle avec Peter Mackie Burns et le scénariste Nico Mensinga. À la base du film, il y eut un court-métrage, Happy Birthday To Me dans lequel elle figurait. Le réalisateur a vu en elle la possibilité d’un personnage, semblable à tant d’autres de cette génération accueillant la trentaine avec doutes et avenir incertain.

Et voilà donc Daphné qui débarque. Beecham embrasse le rôle avec un talent naturel, plein de charme en évitant sans cesse la minauderie pour nous livrer un personnage attachant jusque dans ses moindres défauts. Le récit, ponctué de scènes plutôt courtes, permet de lever le voile sur le personnage en lui promettant une accalmie sans pour autant résoudre tous ses problèmes. Des problèmes qu’elle devra affronter seule tout en acceptant de faire un pas vers les autres. De cette intrigue classique, Peter Mackie Burns parvient à tirer un portrait lumineux et terriblement juste, arrivant sans cesse à renouveler notre intérêt en dépit de l’impression de déjà-vu qui peut régner sur le récit. Impression rapidement balayée par le personnage principal, imprévisible et fantasque, à l’instar de la prestation d’Emily Beecham. Il faut dire que la mise en scène, baignée dans des couleurs douces et automnales, aide aussi à nous faire entrer dans cette bulle singulière, nous faisant partager une tranche de vie à la fois douce et sincère. Ce qui est suffisamment rare pour être apprécié.

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