Notre enfant : Combat de femme du désir vers la folie

Le film débute avec un gros plan sur le visage d’une femme. Pourtant, seulement ses yeux et son crâne sont visibles, le reste étant caché par toute l’eau de pluie qui se trouve sur le pare-brise de la voiture dans laquelle elle est. Son regard est vers le bas, et quelques phares de voitures passantes illuminent son visage par intermittence. Tout ceci avant de sortir de la voiture. Dès ces premières secondes, Diego Lerman installe le fil rouge : un cadre qui se concentre sur la femme, et captant la détresse de celle-ci, pour finir par prendre une décision. NOTRE ENFANT est une tragédie intense qui parle des femmes, à travers une seule. C’est ce qu’on appelle aussi une exploration sociale à travers un prisme intime. C’est le meilleur moyen, ici, pour parler d’une femme persécutée par un certain machisme et par l’injustice. Tout au long du film, Barbara Liene incarne assez bien (des soucis de mise en scène, on y reviendra) cette femme en pleine quête existentielle. Parce qu’il lui manque quelque chose d’important dans sa vie, alors elle devra franchir les obstacles dangereux de la répression masculine (aussi bien le père de Marcela, que son mari, ou les policiers, etc…).

Cela entraîne indubitablement un chemin sinueux, où cette protagoniste féminine bascule doucement du désir vers la folie. Cela passe par une performance significative de Barbara Liene, où ses mouvements sont au départ délicats et plein d’espoirs. Alors que, dans un second temps, ses mouvements deviennent plus saccadés et nerveux. Cependant, le plus important réside dans le rythme du récit, où Diego Lerman modifie légèrement le caractère de sa protagoniste afin qu’elle puisse s’affranchir de toutes les contraintes qui l’entourent. Ce passage du désir à la folie n’est pas une négation dans le film, c’est au contraire un message d’amour envers la protagoniste, pour lui donner les moyens d’acquérir une liberté totale. Même si la fin creuse trop loin dans la folie, le film cherche constamment à foncer avec la tête haute.

Parce que NOTRE ENFANT est remplie de cruauté envers sa protagoniste, alors Diego Lerman décide d’instaurer une ambiance assez toxique. Le passage du désir (qui amène le sourire, les regards lumineux de Barbara Liene, …) à la folie (le regard froid et une narration qui ne se concentre plus que sur l’essentiel) est une manière de montrer comment l’intime est brisé, comment il devient petit à petit insignifiant. Ainsi, le cinéaste navigue dans une ambiance lourde où le cadre ne fait que se resserrer sur la protagoniste. Quand le désir et l’espoir se conjuguent, le cadre est ouvert et donne la possibilité d’imaginer un avenir. L’horizon se découvre et fait penser à la chronique d’une famille en devenir. Sauf que la cruauté et la folie rattrape le désir et l’espoir. A partir de ce moment là, le cadre se rapproche de plus en plus de la protagoniste, jusqu’à la coller et l’accompagner pleinement dans son voyage sans retour vers l’obsession.

Dans ses cadres, Diego Lerman arrive à jouer sur le silence. Des pauses souvent étouffantes pour les personnages, synonymes d’impuissance et de fatalité. Ces silences sont la marque de la bienveillance du regard, là où le cinéaste montre complètement son amour et sa tendresse pour sa protagoniste (et, de facto, pour toutes les femmes). Parce qu’il s’agit bien plus qu’un film où une femme essaie d’être mère, il s’agit d’un film où la femme démontre sa force afin de se faire une place aux côtés des hommes. Néanmoins, il y a également le regard lointain porté sur la jeune femme qui perd son enfant (Marcela). Il y a notamment une très belle scène où les deux femmes (Malena, mère adoptive et Marcela, mère biologique) sont devant l’hôpital où la détresse des deux éclate, dans un cadre rapproché avec caméra à l’épaule pour davantage d’impulsivité.

Alors que NOTRE ENFANT semble être sur de bons rails à plusieurs moments, toutes ces intentions sont souvent au ralenti. Que ce soit la folie, l’ambiance toxique ou la cruauté, rien n’est marqué sur la durée. Il y a trop de scènes où chacune de ces intentions ne réussit pas à atteindre la fièvre d’une tragédie sociale. Ceci est causé une forme bien trop propre, bien trop fade. Malgré quelques couleurs vives à plusieurs reprises, la photographie et le peu de mouvements de caméra ne suffisent pas à projeter ni le désir ni la folie de la protagoniste. La photographie du désir et la celle de la folie se confondent, tout comme la mise en scène qui ne fait preuve d’aucune dynamique. Alors que Barbara Liene tient le film sur ses épaules, tout le reste de la mise en scène est bien trop pétrifiée et temporisée. Diego Lerman réalise surtout un film de fond, au dépit d’une forme négligée.

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