Le Portrait de Jennie : L’amour à travers les âges

C’est un combo Jennifer Jones / David O. Selznick / Joseph Cotten que nous a offert Carlotta le 21 mars dernier. En effet l’éditeur, non content de nous offrir une superbe édition de Duel au soleil dans leur fameux coffret ultra-collector, nous a également livré une édition Blu-ray et DVD du moins connu Le portrait de Jennie, réalisé par William Dieterle.

Après la flamboyance de Duel au soleil, David O. Selznick offre à sa muse Jennifer Jones un nouveau rôle de femme qui fait chavirer le destin d’un homme. Ici, il s’agit d’un peintre fauché, Eben Adams (incarné par le toujours solide Joseph Cotten, déjà aux côtés de Jennifer Jones dans Depuis ton départ, Le poids d’un mensonge et Duel au soleil) qui peine à joindre les deux bouts, souffrant d’un manque flagrant d’inspiration. S’interrogeant sur le sens de son existence, Eben croise un jour une jeune fille dans un parc. Celle-ci se nomme Jennie et semble sortie d’un autre temps. Charmé, Eben réalise un croquis de Jennie qu’il arrive à vendre aisément. Dès lors, il devient obsédé par Jennie, attendant chacune de ses apparitions. Or, à chaque fois qu’il la revoit, elle semble avoir mystérieusement grandie, bien trop rapidement par rapport au temps qu’il se passe avant chacune de leurs rencontres. Ne vivant que pour elle et pour réaliser son portrait, Eben finit néanmoins par réaliser que Jennie et lui ne viennent pas de la même époque et que leur rencontre est le fruit du destin et d’une temporalité capricieuse.

L’idée principale du film, sublime, n’est cependant jamais réellement expliquée et Le portrait de Jennie laisse au spectateur le soin d’interpréter la présence de Jennie dans la vie d’Eben : apparition fantastique ou simple imagination du peintre ? Libre à chacun d’y voir ce qu’il veut et ce d’autant plus que William Dieterle a plongé l’ensemble de son film dans une ambiance doucereuse et délicate, proche du rêve. Si surnaturel il y a, il n’est jamais ouvertement démarqué par la mise en scène. Celle-ci, baignée dans un noir et blanc superbement travaillé, laisse sans cesse planer le mystère et ce jusqu’au final où Dieterle laisse éclater des couleurs saturées (le vert surtout) pour augmenter la puissance onirique de son film.

Échec à sa sortie, Le Portrait de Jennie contraint Selznick à vendre son studio, le producteur étant temporairement ruiné. Comme tous les films qu’il a produit, il y a mis son cœur. Il est d’ailleurs difficile de ne pas voir dans celui-ci sa propre histoire en filigrane, celle d’un homme qui tombe sous le charme d’une jeune fille et qui doit attendre qu’elle grandisse pour savourer pleinement cette relation. Le parallèle est d’autant plus troublant que Jennifer Jones déploie une fois de plus toute la puissance de sa sensualité et de son charme tout en offrant un jeu moins outré que dans Duel au soleil. Bien que lent dans son rythme, Le Portrait de Jennie se montre tout à fait fascinant, notamment dans son rapport au temps et à l’inspiration travaillant les artistes. Le casting, complété par une galerie de seconds rôles touchants (Ethel Barrymore, Cecil Kellaway, David Wayne, Lillian Gish), permet de rendre compte de la beauté de ce film au récit universel et dont l’onirisme charme encore aujourd’hui.

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