La Garçonnière : Les Joies du célibat selon Billy Wilder

On ne crachera jamais sur un film de Billy Wilder réédité en vidéo. On s’y penchera toujours avec intérêt, non seulement pour s’assurer de la qualité de l’édition que l’on a entre les mains mais aussi pour redécouvrir ses films que les nombreuses visions n’entachent jamais, bien au contraire ! Sorti en Blu-ray et DVD chez Rimini Editions depuis le 27 février dernier, La Garçonnière se redécouvre donc avec un régal total.

Auréolé de cinq Oscars, La Garçonnière fait partie des films les plus populaires et les plus appréciés de son réalisateur, à ranger aux côtés de Certains l’aiment chaud, Boulevard du Crépuscule et Assurance sur la mort. De notre côté, on lui préfère des Wilder un peu moins connus tels que Le gouffre aux chimères et Embrasse-moi, idiot. Mais il est vrai que La Garçonnière est peut-être le film représentant le mieux le style Wilder, savant mélange de comédie et de drame acerbe.

Il faut dire que le scénario, évidemment concocté avec l’aide de I.A.L. Diamond, est assez osé. C.C. Baxter, modeste employé dans une compagnie d’assurances, prête régulièrement son appartement à ses supérieurs afin qu’ils puissent y emmener leurs maîtresses en toute tranquillité. En échange, Baxter peut gravir les échelons de la société plus rapidement que les autres. Un peu lassé de cette situation quasi-intenable (ses voisins le considèrent comme un chaud lapin sans vertu, l’agenda de ses patrons est difficile à caler), Baxter a bien du mal à digérer le fait que son grand patron, Sheldrake, ose lui emprunter son appartement pour y emmener Fran Kubelik, la femme dont Baxter est amoureux ! S’il supporte la situation tant bien que mal pour avoir sa promotion, Baxter finit par atteindre le point de non-retour quand Fran, éconduite par Sheldrake, essaye de se suicider dans son appartement pendant les fêtes de Noël…

Modèle parfait de comédie romantique subtile et irrésistible, La Garçonnière est un film qui devrait être visionné par tous les auteurs ambitionnant un jour d’écrire une bonne comédie, voire un bon film tout court. La quintessence du style Wilder/Diamond est là, suffisamment subtile pour faire passer bon nombre d’émotions mais suffisamment acerbe pour bien faire passer son message. Il est d’ailleurs amusant de constater que c’est un film mettant en scène un employé de bureau gravissant les échelons de sa société grâce à la libido de ses supérieurs qui a obtenu autant d’Oscars ! Grâce aux décors conçus par Alexandre Trauner (et se résumant essentiellement au nombre deux : l’entreprise où travaille Baxter et son appartement), le film dénonce à la fois la toute-puissance des corporations sur la vie des américains (écrasés au travail et dans leur vie privée) et la lâcheté des hommes mariés, profitant de la moindre occasion pour sauter sur une autre femme en lui promettant de beaux lendemains tout en sachant qu’ils ne toucheront jamais à la grande valeur américaine qu’est la famille.

Dans l’écriture des personnages, Wilder et Diamond se donnent à fond. Sheldrake (incarné par le trop rare Fred MacMurray, le héros d’Assurance sur la mort) est un vrai salaud, un profiteur sans d’autre valeur morale que celle de son argent et de sa libido. Sans délicatesse, il est le parfait opposé de C.C. Baxter, employé maladroit, un peu gauche mais terriblement attachant. Évidemment, c’est Jack Lemmon qui se fond dans le rôle de Baxter avec l’aisance qu’on lui connaît, l’acteur étant d’une finesse incroyable, capable d’embrasser toutes les dimensions de son personnage sans sourciller. On ne soulignera jamais assez l’étendue du talent de cet acteur, parfois moins cité que ses compères quand on parle cinéma alors que son travail est tout simplement remarquable (Wilder disait de lui qu’il y avait du génie dans tout ce qu’il faisait). A ses côtés, Shirley MacLaine se montre tout à fait délicate dans un rôle pas évident à aborder, celle d’une femme malmenée par un homme, incapable de s’en détacher pour autant. Ce trio de personnages, complété par quelques seconds rôles tout à fait irrésistibles, achève de faire de La Garçonnière un vrai régal, se savourant au fur et à mesure des visionnages. Il y a toujours dans le film un détail, une réplique, un regard que l’on n’avait pas remarqué auparavant et qui vient étoffer une œuvre particulièrement soignée, réussissant un numéro d’équilibriste, toujours sur la brèche entre le rire et l’émotion. Billy Wilder a toujours su maîtriser ce mélange si délicat et si représentatif de la vie, offrant au passage une réplique de fin presque aussi culte que celle de Certains l’aiment chaud, un ‘’shut up and deal’’ plein de promesse qui laisse rêveur.

 

3 Rétroliens / Pings

  1. Irma la douce : Quand Billy Wilder fantasme Paris -
  2. Irma la douce : Test Blu-ray -
  3. Témoin à charge : Wilder joue le jeu -

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*