Ready Player One : Ébouriffant mais un peu creux

Roi du divertissement hollywoodien, Steven Spielberg a eu une carrière plus discrète ces dernières années dont le dernier sursaut de pur spectacle était Les aventures de Tintin. Entre temps, l’homme s’est frotté à l’Histoire (Lincoln, Le Pont des espions, Pentagon Papers) et s’est relativement planté sur son adaptation du Bon Gros Géant. Avec Ready Player One, le cinéaste semble afficher sa volonté de renouer avec le succès public et de prouver qu’il reste un des maîtres du divertissement populaire. La preuve puisqu’il s’attelle ici à l’adaptation d’un roman bourré de références à la pop-culture qu’il a largement contribué à façonner au fil de sa carrière.

Ready Player One nous plonge dans un futur peu enthousiasmant. Les gens les plus pauvres vivent entassés les uns sur les autres, quelques catastrophes ont eu lieu et les gens ont arrêté d’essayer de changer les choses. Désormais, le seul endroit où il fait bon de se réfugier est l’OASIS, un monde virtuel conçu par James Halliday où l’on peut être n’importe qui, cumuler les artefacts et se lier d’amitié avec des gens à l’autre bout du monde. Grand rêveur, Halliday a fait en sorte que l’OASIS soit accessible et que ses possibilités soient infinies. A sa mort, Halliday, sans héritiers, a décidé de laisser derrière lui trois clés, trois Easter Eggs cachés dans le jeu. Le premier à les trouver deviendrait le propriétaire de l’OASIS. Depuis, la plupart des joueurs se sont lancés dans une course à l’easter egg notamment Wade Watts qui sillonne l’OASIS sous le nom de Parzival. Quand il trouve la première clé, toute l’attention se porte sur lui. Nolan Sorrento, dirigeant d’une corporation souhaitant mettre la main sur l’OASIS pour avilir le monde, est décidé à tout faire pour empêcher Wade de gagner…

Steven Spielberg est donc sur son terrain avec ce film, renouant avec ses ambitions de technicien visionnaire pour créer le monde de l’OASIS. Un monde impressionnant regorgeant de références diverses et variées à la pop-culture : Retour vers le futur, King Kong, Akira, Le géant de fer, Overwatch, Gundam, Chucky… Autant dire que les références foisonnent et qu’elles viendront régaler le public geek auquel le film s’adresse allégrement. Si l’on craignait que le trop-plein de références à d’autres œuvres ne crée une sorte de gloubi-boulga indigeste, force est de constater que le film les manie habilement en évitant de (trop) tomber dans le fan-service qui parcourait le roman d’Ernest Cline. On ne se sent pas vraiment débordé par les références (c’est pourtant l’un des films les plus métas de l’histoire du cinéma) même si l’on en vient à regretter qu’elles soient parfois fortement soulignées comme pour bien brosser son public dans le sens du poil.

Visuellement, Ready Player One est un régal et Spielberg donne vie à l’OASIS avec une vraie gourmandise de cinéma, rare pour un cinéaste de 71 ans. Difficile de ne pas avoir envie de se plonger dans l’univers du jeu une fois que l’on en a découvert les principes. Pur fantasme de cinéphile geek, l’OASIS est un monde qu’il est sacrément réjouissant de découvrir notamment lorsque le film y orchestre une course-poursuite effrénée pour éviter un T-Rex et King Kong ou encore un combat final assez dantesque. Mais l’OASIS en tant que terrain cinématographique a ses limites. Si l’on excepte une scène mémorable et sacrément réussie livrant un très bel hommage à un film de Stanley Kubrick (dont on taira le titre ici) tout en dévoilant le potentiel de l’OASIS, on regrettera que le film, amplement présenté comme révolutionnaire, se contente d’effleurer la surface des choses. Non seulement il ne crée rien d’original mais en plus il dilue ses enjeux au fil du récit en se concentrant beaucoup trop sur l’OASIS, sacrifiant alors notre intérêt pour ce qu’il se passe dans le monde réel.

Certes, le film pose en soi une réflexion intéressante sur l’appropriation de la pop-culture en montrant une méchante corporation prête à tout pour mettre la main sur l’OASIS et l’utiliser à des fins malveillantes. Difficile également de ne pas voir en Halliday le démiurge (incarné par Mark Rylance, devenu l’un des symboles du type bienveillant chez Spielberg) un portrait en filigrane de Steven Spielberg puisqu’il est un créateur de génie resté un grand enfant ayant contribué à l’entertainment mondial sans pour autant en maîtriser les conséquences. Cela dit, la réflexion proposée ici est assez légère et si elle permet quelques pistes de lecture sympathiques, il faut bien avouer que c’est peu pour sauver un scénario assez mince pour lequel on peine à se passionner.

Pourtant censés être ancrés dans le monde réel, les enjeux ne sont guère passionnants et il faut bien blâmer Tye Sheridan pour ça. Acteur prometteur chez Terrence Malick ou Jeff Nichols, Sheridan a du mal à passer le cap des débuts de l’âge adulte. Ici, il n’exprime aucune émotion et se contente d’ouvrir la bouche en permanence pour exprimer un quelconque désarroi. Il faudra bien la présence d’Olivia Cooke (remarquée dans Golem, le tueur de Londres) et celle de Ben Mendelsohn toujours irrésistible en méchant pour pimenter un film sacrément spectaculaire mais manquant paradoxalement d’audace.

Sans cesse rivé sur la culture pop et sur la nostalgie des années 80, Ready Player One est un divertissement totalement maîtrisé qui est cependant loin de renouer avec l’émerveillement des précédents films de Spielberg. Un peu désincarné, le film se contente d’aligner les morceaux de bravoure sans pour autant chercher à apporter quelque chose de vraiment innovant au cinéma et à la culture pop, se contentant souvent de brosser le public dans le sens du poil. Alors oui c’est réjouissant et c’est sacrément bien filmé mais cela montre aussi les limites d’un film loin d’être aussi innovant qu’on veut bien le dire.