Annihilation : La Zone du dehors

Étrange destin que celui rencontré par certains films. Appelé à sortir au cinéma, Annihilation, second film d’Alex Garland (enfin, troisième si l’on en croit les récentes déclarations de Karl Urban qui affirme que c’est bien Garland et non Pete Travis qui a réalisé Dredd en 2012), s’est retrouvé sur Netflix le 12 mars. Mal reçu aux projections tests, jugé trop difficile à comprendre, Annihilation a failli subir des modifications conséquentes. Alex Garland, épaulé par Scott Rudin, a tenu bon et a pu garder son director’s cut à une condition : outre des sorties salles aux États-Unis, au Canada et en Chine, le film finirait sur Netflix. Une décision qui nuit autant au film qu’elle lui profite. Car si Annihilation a clairement été pensé pour le grand écran, il sera néanmoins largement plus vu distribué via Netflix. Passé cet imbroglio de distribution, que vaut donc ce nouveau film d’Alex Garland après la réussite d’Ex Machina ?

Le film se concentre sur Lena, scientifique qui fut également militaire. Son mari, Kane, soldat lui aussi, est porté disparu depuis un an après être parti pour une mystérieuse mission. Quand il refait soudain surface, visiblement gravement malade, Lena cherche des réponses. Elle n’en a malheureusement que très peu. Elle sait juste que Kane est le seul homme à être revenu d’une mystérieuse zone semblant sous une grosse bulle et s’étendant dangereusement sur le territoire américain. Afin de savoir quelle est l’origine de cette étrange propagation, de nombreuses expéditions ont été montées mais n’ont jamais réapparues. Décidée à trouver ce qui pourrait soigner son mari, Lena s’aventure dans la zone en compagnie de quatre autres femmes. C’est dans cette zone étrange où le temps semble s’écouler différemment et où des mutations génétiques font des siennes qu’elle va aller au bout d’une aventure troublante…

Très librement adapté d’un roman de Jeff VanderMeer, Annihilation vient affirmer sans conteste l’amour qu’Alex Garland porte au genre de la science-fiction. Une science-fiction qu’il approche avec une certaine singularité, s’emparant de certains de ses clichés pour mieux les tordre et les noircir. A l’instar d’Ex Machina (qui était au demeurant un poil mieux maîtrisé), Annihilation se repose sur un rythme particulier et déploie des thématiques passionnantes sans jamais verser dans l’explication balourde. Au contraire, le cinéaste et scénariste préfère faire réfléchir le spectateur en lui renvoyant l’image et la faiblesse de sa propre humanité (une humanité qui ne sait ici pas grand-chose, ‘’I don’t know’’ étant prononcé assez souvent dans le film) sans jamais lui faire de concessions. D’où une multitude de questions venant nous assaillir à la fin du film et une multitude de réflexions venant titiller notre imaginaire.

C’est la force du cinéma d’Alex Garland, celle de ne jamais nous livrer toutes les clés de son récit pour mieux nous impliquer dedans. Le réalisateur n’est d’ailleurs pas avare en idées de mise en scène, livrant dans la zone quelques plans magnifiques lorgnant parfois du côté du Stalker de Tarkovski. Végétation luxuriante et inquiétante, mutations génétiques troublantes, Garland met en place son univers avec une générosité palpable à chaque instant, ne manquant pas d’idées, n’hésitant pas à faire parfois usage du gore, nous faisant également frissonner lors d’une rencontre nocturne angoissante avec une créature terrifiante.

Reconnaissons tout de même un petit excès d’ambition chez Garland. A trop vouloir caser de nombreuses thématiques, le cinéaste s’y perd un peu, se reposant parfois sur quelques poncifs qui ne lui vont pas du tout là où le récit aurait mérité d’être plus recentré. Et si la zone est superbe, l’écriture des personnages est assez maladroite. Si Lena est la seule à vraiment avoir une psychologie bien définie, il faut bien avouer que Natalie Portman peine à être vraiment crédible en ancienne militaire. L’actrice se traîne un peu dans le film, semblant être à la ramasse. C’est d’autant plus dommage que Annihilation ne manque pas de piquant, réservant des moments sublimes et des réflexions passionnantes. Imparfait mais singulier dans le paysage cinématographique américain, le film, à l’image d’Alex Garland, mérite qu’on s’y attarde. Et on attend le prochain projet du réalisateur avec impatience, en espérant qu’il arrive à gommer au passage les quelques défauts qui lui font tort.

3 Rétroliens / Pings

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