Trahisons : La bonne, la brute et le croulant

Sorti en France sur la plate-forme e-cinema le 29 Novembre 2017, Trahisons est disponible depuis peu en DVD/Blu-ray. Et pour son premier film, David Leveaux, fort de son expérience de metteur en scène pour le théâtre, n’a pas lambiné : arriver à ce niveau au premier essai n’est pas donné à tout le monde.

1940, alors que la Seconde Guerre Mondiale est bien entamée, le Kaiser Guillaume II (Christopher Plummer, exemplaire) mène sa vie d’exilé en Hollande. Le capitaine Stefan Brandt (Jai Courtney) de l’armée allemande est envoyé pour assurer sa protection, mais aussi pour l’espionner, lui et son entourage, afin de débusquer un éventuel réseau d’espionnage. Une relation se tissera entre lui et Mieke (Lily James, lumineuse), l’une des domestiques du Kaiser qui s’avèrera être, sans surprise, l’espionne recherchée.

Si on peut d’emblée penser au Alliés de Robert Zemeckis, cela reste lointain. On ne passe pas par quatre chemins et le doute n’est pas une composante à prendre en compte, ici. On sait qui va avoir quel rôle à jouer et on pressent une partie des situations à venir avec facilité. Mais loin d’être un défaut, le caractère prévisible des événements nous porte vers le cœur du film : l’importance des relations entre les personnages. Le contexte, s’il revient régulièrement à la charge (plus de détails sur la vie de Mieke, ou la venue d’un personnage célèbre de l’Histoire), le fait avant tout pour approfondir les conflits intérieurs des personnages. Depuis un aperçu de la grande scène de l’Histoire, on réduit le champ au maximum pour mieux suivre des tensions à échelle humaine. Ce qui accompagne habilement un thème qui aurait pu être éculé : les hommes et leurs motivations personnelles face à leurs principes, leurs protocoles, leurs devoirs… La mise en scène, bien que convenue, brille tout de même par quelques fulgurances. Au milieu de cette lumière froide, de cette musique classique mais suffisamment efficace pour se faire oublier au bon moment, et cette importance toute particulière accordée aux costumes des personnages et plus précisément à leur uniforme.

Renvoi direct à leur fonction, ceux-ci soulignent le dédoublement qui s’opère dans le film entre la fonction du personnage et son caractère profond. Brandt, bien que soldat, reste le moins touché par ce contraste, tentant le plus possible de rester avant tout fidèle à lui-même. Pivot de ce trio de tête en sa qualité d’élément perturbateur, il va, malgré son double jeu, conserver son unicité. C’est sur l’alchimie entre Brandt, Mieke et Guillaume II, que le film se repose. Portés par des interprétations de haute volée et une écriture vraisemblable, en cela que les personnages sont profondément humains, nos trois personnages principaux sont véritablement le noyaux dur de Trahisons. Brandt, n’en fait qu’à sa tête et correspond peu à l’image que l’on se fait de l’armée allemande malgré une apparence stricte (d’où le titre original du film : The Exception), Guillaume II se rapproche plus du retraité avec ses lubies que le symbole royal qu’on lui prête, enfin Mieke si elle apparaît comme une frêle demoiselle en détresse, décèle plus de profondeur qu’on lui prêterait au premier coup d’oeil. Les personnages secondaires ne sont pas en reste, la femme du Kaiser (Janet McTeer) ou son aide de camp (Ben Daniels) sont des ajouts bienvenus, qui enrichissent les tensions déjà présentes.

Si David Leveaux maîtrise sa narration, c’est notamment grâce à son rythme : l’accélération se fait tout en douceur, tout au long du film, sans à-coups brusques. Il ira même jusqu’à superposer les enjeux dans une scène de dîner bouillonnante, qui menace à tout moment de faire crever l’abcès qui ne cesse de grossir. Seul bémol, les scènes qui suivent ce dîner où tout s’emballe, qui, si elles ne sont pas navrantes, restent tout de même en deçà du reste du film. La résolution tente d’être sobre mais tend par instant vers le tire-larme facile. Une ombre au tableau qui ne nous empêche pas d’apprécier l’œuvre dans sa globalité, mais qu’on ne peut s’empêcher de déplorer. Avant d’être un film historique, Trahisons est avant tout une romance qui s’attarde sur les différentes facettes de l’amour et l’humanité de ses personnages. Une œuvre forte de sa simplicité.

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