Love Hunters : Faiblesse d’amour.

Ben Young est un jeune metteur en scène australien dont Love Hunters est le premier film. Enfant/acteur en Australie puis réalisateur de publicités et de clips vidéos (How You Sleep at Night de John Butler), il enchaîne naturellement vers la série TV. Quelques épisodes pour les séries Trapped, Castaway ou Prank Patrol, il dirige aussi quelques courts-métrages pour se faire la main avant le choc Love Hunters.

Love Hunters est une proposition inattendue de thriller « psycho-killer » dans le fin fond de l’Australie à la fin des années 80. Le film se déroule dans la banlieue de Perth, ville du sud-ouest de l’Australie. Le réalisateur Ben Young y a passé son enfance à lire les recherches pointues et les livres de sa mère, romancière de polars. Il a accès aux profils des serial-killeurs, hommes et femmes, empruntés pour l’imaginaire de sa maternelle. Ce qui va forger le sien, mais surtout acérer l’écriture de ses personnages notamment pour Love Hunters.

Le film se déroule à l’été 1987.  Un soir, alors que la jeune Vicki Maloney se rend à une soirée, elle est abordée dans la rue par Evelyn et John White, deux trentenaires qui l’invitent chez eux.  Sur place, elle comprend qu’elle est tombée dans un piège. Séquestrée, sa seule chance de survie sera d’exploiter les failles du couple…

Pour un premier essai, Ben Young réussit à ne jamais tomber dans la facilité de l’horreur graphique. À la manière d’un grand, il se focalise sur ses personnages, leurs psychologies, leur créant un passif, une profondeur qui ne justifiera jamais leurs actes, mais permettra une certaine empathie ou révulsion à leur encontre. La jeune Vicky par exemple qui s’échappe de chez sa mère avec qui elle est en opposition depuis son départ du domicile familial. Cette mère qui se souhaite indépendante, reflet de ses femmes brisant les convenances passées d’un pays, mais surtout d’un monde. Alors elle se met à dos sa famille, notamment sa fille qui ne comprend pas. Cette même mère qui va hurler son amour pendant les recherches, à côté d’un mari passif représentation d’une Australie candide.

Mais c’est Evelyn et John, le couple tueur qui va donner toute la mesure à Love Hunters. Si la star australienne, Stephen Curry, casse son image en tueur pervers et diabolique qui écharpe des jeunes filles pour cacher sa faiblesse naturelle, le long-métrage se focalise sur Evelyn. Interprétée sans fard par la mannequin australienne, Emma Booth, aperçue dans Gods of Egypt d’Alex Proyas ou Tracks de John Curran, est une mère blessée, meurtrie dans sa chair et psychologiquement instable. John (Stephen Curry) se sert de cette faiblesse pour la manipuler, tout comme Vicky ensuite. Son monde est confus, cet amour pour John la raccrochant quelque peu dans une réalité morbide.

Cette réalité que Ben Young nous projette par des slow motions intuitifs, vision du tueur sur des détails que seul ce type de personnages peut percevoir. L’introduction du film en est l’exemple parfait. Le regard porté sur ses jeunes écolières jouant au basket. Le point est fait sur les détails des jupes s’envolant par les mouvements amples des jambes. Le rebondi du ballon, les cheveux s’échappant au vent. Le regard du prédateur au cœur d’une jungle calme et naïve. Dans les feuillages, calme et patient, il guette sa proie qui s’écarte seule du chemin se pensant en sécurité. Ben Young nous évitera les détails de l’acharnement pervers du tueur, les quelques indices en notre possession nous permettront de savoir toute l’obscénité et la violence des actes.

Ben Young s’attache à la description d’un autre point tout aussi froid d’une Australie des années 80 d’une candeur monstre. Dans l’immensité désertique, John agit à sa guise. L’homme se joue de la bienveillance d’une région, reflet d’un pays innocent. Bien aidé par Evelyn, il se sert de l’image du couple pour attirer sa proie dans ses filets. Il a surtout la chance d’agir dans un pays simple et naïf, faisant confiance à tout un chacun. Les gens faisaient à l’époque de l’auto-stop du jour comme la nuit, la criminalité n’étant pas une réalité, avant la parution des affaires sordides des multiples serial-killers ayant sévi dans le pays. Ben Young s’inspire des profils de certains, notamment des femmes pour Evelyn nourrissant sa caractérisation. Mais la vision de l’auteur se porte surtout sur la police, particulièrement quand les parents d’Evelyn signalent sa disparition inquiétante et la réception de la lettre. Le mur du poste est jonché d’avis de Recherche, mais l’officier reste impassible. La séquence fait froid dans le dos et agit comme un cri de colère de la part du réalisateur en parallèle des actes du couple.

Love Hunters est un thriller étouffant par ce soleil australien tapant comme une chape de plomb. Promesse du cinéma australien, Ben Young démontre une intelligence et une ambition peu commune dans l’écriture maîtrisée et ciselée de personnages inspirés et profonds. Ne se fourvoyant à aucun moment dans la facilité, il crée la surprise avec un thriller tendu et désespéré, psychologiquement fouillé quant aux rapports de force se nouant entre le couple et leur victime.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*