Les aventures de Spirou et Fantasio : Massacre en règle de notre enfance

Vu la qualité assez affligeante des adaptations cinématographiques de bandes dessinées en France (citons en vrac Boule et Bill, Les Profs, L’élève Ducobu et craignons le Gaston Lagaffe à venir), on ne va pas se mentir. On ne s’attendait pas un grand film en allant voir Les aventures de Spirou et Fantasio. Mais de toutes les adaptations citées précédemment, il y a bien Spirou qui aurait pu relever le niveau. Car la BD est un terreau sacrément riche d’idées, d’histoires, de personnages hauts en couleur. Entre la fantaisie de Franquin et les récits plus sombres de Tome et Janry, l’univers de Spirou et Fantasio a largement de quoi alimenter un film. Il aurait suffi aux scénaristes et au réalisateur de prendre un parti pris solide pour construire le film, à l’instar de Nicolas Bary qui avait fait Le Petit Spirou en le transformant en un récit initiatique et rêveur plein de tendresse.

Malheureusement, Alexandre Coffre et ses scénaristes n’ont rien à offrir avec Les aventures de Spirou et Fantasio. On s’en rendra compte bien assez vite et le reste du film (pourtant court, 1h29) aura des allures de calvaire s’acharnant à souiller la BD originale et le spectateur avec. Si le récit tâche de nous montrer comment Spirou et Fantasio se sont rencontrés (expliquant au passage la tenue de groom de Spirou de façon totalement stupide, loin d’être en phase avec le personnage), il ne tarde pas à s’accélérer et à prendre des proportions aussi improbables qu’invraisemblables. Le plus drôle dans tout ça, c’est qu’Alexandre Coffre vend son film comme une comédie d’aventure alors qu’il n’est pas fichu d’y insuffler du rythme et une seule idée de cinéma. Si le film lorgne évidemment sur les James Bond des années 60 avec son méchant dans un volcan et ses gadgets, il ne suffit pas de filmer une course-poursuite en split-screen pour imposer son style et sa patte.

Et c’est bien de style qu’il s’agit, le film en manquant cruellement. C’est d’autant plus navrant que le matériau d’origine est foisonnant de tous les côtés. En faire un film aussi plat, c’est à la fois inquiétant pour le cinéma français (comment peut-on filer de l’argent à une telle production, c’est un mystère) et pour la carrière d’Alexandre Coffre qui affiche ici zéro inspiration au compteur. Aucun gag, aucune idée de mise en scène, aucun plan n’a de relief. Heureusement l’interprétation est beaucoup moins plate que le reste du film : elle est soit horripilante (Thomas Solivérès en Spirou, quelle idée horrible), soit totalement à côté de la plaque (Alex Lutz, vraiment pas mauvais en Fantasio égoïste et peureux mais pas dans le même ton que les autres), soit carrément plate (Géraldine Nakache), soit en pilotage automatique (Christian Clavier, fidèle à lui-même). Reste alors Ramzy Bedia, le seul à embrasser totalement son personnage de Zorglub avec l’esprit de la BD, à la fois ridicule et terrifiant. Mais disons-le tout de suite, c’est peu, trop peu pour permettre au spectateur de se relever d’une telle épreuve qui n’est ni drôle (et carrément poussive quand les gags virent au scatologique), ni trépidante, ni quoi que ce soit d’ailleurs. On en sort abasourdis, avec le sentiment horrible d’avoir assisté à un massacre en règle ayant piétiné notre enfance. Et on ne conseille l’expérience à personne.

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