The Deuce – saison 1 : La série qui fait bander l’Amérique

New York, les années 70, la prostitution, l’émergence du porno devenu légal… Ajoutez à cela David Simon, vétéran de la télévision made in HBO, associé à son complice George Pelecanos et vous obtenez The Deuce. La série qu’il ne fallait pas manquer en septembre dernier et qui s’est rattrapée depuis avec une sortie vidéo. Disponible en Blu-ray et DVD depuis le 14 février dernier (une date ironique pour une série centré sur la prostitution et la pornographie) chez HBO et distribué par Warner chez nous, The Deuce se laisse donc découvrir avec un plaisir non dissimulé.

Comportant seulement huit épisodes, cette première saison pose rapidement les jalons de l’univers dans lequel on évoluera. Un univers s’inscrivant dans une veine réaliste et dans lequel on suivra différents personnages évoluant dans The Deuce (le surnom donné à la 42ème rue de Manhattan entre Broadway et la 8ème avenue à New York). On y croise des prostituées, des macs, des patrons de bar, des gangsters, des policiers, des journalistes… Autant de personnages qu’il le faut pour donner corps à la série, comme si l’on était vraiment dans les années 70. Ça va de Vincent, patron de bar à Candy, prostituée indépendante travaillant sans mac en passant par Chris Alston, flic désabusé ou encore Abby, étudiante découvrant la vie sur The Deuce.

Ancien journaliste, David Simon ne se lance jamais dans un sujet sans savoir de quoi il parle. De The Wire à Treme en passant par Show Me a Hero, l’homme n’a jamais rien fait au hasard. Ses séries sont toujours d’un réalisme saisissant. Il le dit lui-même à propos de The Deuce : ‘’Certains faits que l’on montre dans la série sont vraiment arrivés. Certains ne sont pas vraiment arrivés. Peut-être que certains d’entre eux ont eu lieu. Mais tout ce qu’il y a dans la série auraient pu arriver.’’ Une recherche de la véracité constante chez Simon et qui transpire par tous les pores de The Deuce. Impossible de regarder la série sans avoir l’impression d’être vraiment dans le New York de 1971, de sentir la fumée de clopes dans les bars, la laque dans les cheveux des macs et d’avoir l’impression de tout connaître de la vie à cette époque. On se croirait presque dans Taxi Driver avec ses motels miteux, ses peep-shows, ses rues bardées de violence, ses macs impitoyables et ses cinémas porno où l’on va pour prendre du bon temps. Sauf que la série a été tournée en 2016 et que la reconstitution est bluffante. Des décors aux vêtements en allant jusqu’à la représentation sans fard de la nudité par des acteurs éloignés des canons de beauté hollywoodiens photoshopés, tout est là pour être réaliste, dans une volonté moins tape à l’œil que la récente Vinyl qui se passait à la même époque mais dans le milieu de la musique.

Loin d’avoir une volonté d’écriture dramatique classique, David Simon et George Pelecanos préfèrent se tourner vers la chronique sociale. Plutôt que d’être centrée sur un seul personnage, The Deuce vivote autour d’une multitude de personnages pour mieux donner un aperçu de l’ambiance qui régnait à l’époque et nous faire comprendre comment le porno a connu un essor fabuleux. Le dernier épisode de la série nous montre d’ailleurs certains personnages de la série assister à la première de Gorge Profonde, laissant présager une saison 2 tournée vers l’implosion du porno dans les cinémas. Car The Deuce prend son temps et si elle nous amène vers le porno à travers le personnage de Candy, elle s’attarde longuement sur la prostitution et sur la rudesse de cette vie. Avec un œil acéré, capturant aussi bien le sordide de cette vie, de sa violence et de sa solitude, la série sait aussi apporter du cœur à l’ensemble, dévoilant les sentiments derrière tout ça, montrant des femmes qui ont du chien, qui se battent chaque jour de leur vie pour se sortir des griffes d’un mac trop violent ou pour fuir une vie trop étriquée.

Si les hommes ne sont pas en reste dans la série (notamment James Franco, dans un double rôle qu’il campe solidement mais à l’écriture un poil superficielle), ce sont surtout les femmes qui dominent et qui se réservent les plus belles scènes. Saluons en premier la prestation audacieuse de Maggie Gyllenhaal dans le rôle de Candy, la prostituée qui tient à son indépendance et qui montre une véritable ambition quand le porno (auparavant censuré) connaît une vive émergence. Un personnage maintes fois tombé à terre mais se relevant toujours. Se livrant complètement, ne rechignant devant aucune scène à tourner, Gyllenhaal semble n’avoir peur de rien et offre une prestation touchante à la hauteur de ses talents d’actrice ayant trop tendance à être sous-estimés. Il suffit pourtant de voir La Secrétaire pour savoir que Gyllenhaal a une vraie conscience professionnelle et n’a jamais eu peur des risques. Autour de Candy gravitent différentes femmes aux parcours parallèles mais tout aussi intéressants. Quand bien même certaines d’entre elles ont des rôles secondaires, impossible de ne pas être touchés par leurs trajectoires : Lori la nouvelle prostituée ambitieuse (Emily Meade), Darlene la tendre (Dominique Fishback), Ruby la gouailleuse (Pernell Walker), Ashley la rejetée (Jamie Neumann), Abby l’étudiante découvrant la vie en dehors des livres (Margarita Levieva). Des actrices prometteuses pour des personnages féminins forts, faisant le sel d’une série qui n’a pas froid aux yeux mais qui n’est jamais graveleuse.

Notons d’ailleurs que pour composer son casting hétéroclite, David Simon a pioché parmi ses collaborateurs habituels. Pas étonnant de voir que les deux tiers du casting sont soit sortis de The Wire (Gbenga Akinnagbe, Lawrence Gilliard Jr., Method Man, Chris Bauer, Anwan Glover, Michael Kostroff), soit de Treme (Chris Coy), soit de Show Me a Hero (Dominique Fishback, Daniel Sauli, Natalie Paul). Ajoutez à cela Ralph ‘’Karaté Kid’’ Macchio et David ‘’Numb3rs’’ Krumholtz pour compléter le tableau. Si l’on note en plus Richard Price et Megan Abbott au scénario puis Michelle MacLaren et James Franco (encore lui !) à la réalisation, vous aurez compris que The Deuce est un sacré vivier de talents où tout le monde met son ego de côté pour bosser au service d’une série ambitieuse entreprenant de sonder l’Amérique d’une certaine époque.

 

Véritable chronique foisonnante de vie, de détails et de parcours différents, The Deuce se vit et se regarde avec une facilité déconcertante. Une fois plongé dans le pilote, impossible d’en décrocher. Il faut dire que la volonté de réalisme et de contexte social très fort de David Simon et George Pelecanos, leur regard acéré sur les rouages d’un milieu que l’on découvre (ou pas, pour les plus fins connaisseurs d’entre nous) et leur volonté de ne (quasiment) jamais céder aux mirages d’une dramaturgie aux ficelles connues font de The Deuce un sacré mastodonte télévisuel. Dont on attend désormais férocement la saison 2 !

 

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