Call me by your name : Armie Hammer, ce bel objet du désir

Plébiscité par la critique depuis des mois, attendu en salles le 28 février prochain, Call me by your name est une petite pépite inattendue venant souffler un vent d’été sur nos jours d’hiver. Écrit avec délicatesse et subtilité par James Ivory d’après un roman d’André Anciman, le film se déroule au Nord de l’Italie durant l’été 1983. Elio, jeune homme de 17 ans, fils d’un éminent professeur spécialiste de la culture gréco-romaine, n’a pas grand-chose à faire de son été à part lire, se baigner et tenter des manœuvres de séduction auprès de son amie Marzia. L’arrivée d’Oliver, la trentaine, venant passer l’été auprès du père d’Elio afin de préparer son doctorat ne va pas tarder à semer chez Elio un certain trouble…

Récit d’éveil au désir, Call me by your name commence par distribuer des cartes connues au spectateur qui s’attend dès lors à un enchaînement de scènes prévisibles, de l’émoi d’Elio à son rapprochement avec Oliver. Mais Luca Guadagnino, cinéaste très doué pour retranscrire à l’écran la torpeur de l’été avec des couleurs chaudes (A Bigger Splash lorgnait déjà de ce côté), aidé par le script écrit par Ivory vient surprendre avec un récit qui met du temps à se construire. Déjà parce que les émotions ressenties aussi bien du côté d’Elio que d’Oliver sont complexes. Les deux hommes se découvrent, se séduisent et se rapprochent pour connaître une histoire brève et fusionnelle mais leurs sentiments et leur sexualité ne sont pas gravés dans le marbre. Elio nous est d’ailleurs longuement présenté comme un jeune homme hétérosexuel, attiré par la belle Marzia et tout à fait capable de coucher avec elle. Mais voilà, Olivier éveille en lui quelque chose de particulier, quelque chose de rare, quelque chose de précieux. Le temps que les deux hommes consomment leur amour et le film aura déjà déroulé les deux tiers de son récit.

Sa durée de 2h11, à priori un peu longue, est sans cesse justifiée par le savoir-faire de Guadagnino. Peu de cinéastes ont si bien porté à l’écran cette atmosphère si particulière de l’été d’un adolescent, de ses premiers émois sexuels, de ses longs moments à flâner, de ses dîners qui s’éternisent en terrasse. Le scénario a beau prendre son temps, il s’en dégage une telle impression de vérité que l’on regarde chaque scène avec un œil attentif, guettant le regard ou le dialogue qui fera enfin basculer la relation entre Elio et Oliver. Et quand l’été touche à sa fin, que l’on commence à se demander pourquoi il aura fallu à ces deux-là (et au film) autant de temps pour se rapprocher, le père d’Elio (impérial Michael Stuhlbarg), homme à la lucidité transperçante, nous assène un long dialogue particulièrement émouvant sur le rare bonheur d’avoir une relation où l’on donne tout à l’autre sans peur et sans apriori, venant donner au film une approche beaucoup plus profonde qu’on ne le pensait.

Filmé avec talent, bercé par une bande-originale résolument mélancolique (qui va du Love my way de The Psychedelic Furs à quelques chansons originales composées pour le film par Sufjan Stevens dont la superbe Visions of Gideon venant clore le film avec émotion), Call me by your name doit beaucoup au talent de ses deux acteurs principaux, venant donner corps à une relation à la beauté et à la délicatesse rarement vue dans le cinéma de ces dernières années. Tandis que Guadagnino sublime Armie Hammer en faisant de lui un objet du désir beau comme un dieu grec (impossible de se rappeler d’un plan où l’on ne voit pas le torse d’Hammer), il offre à Timothée Chalamet, auparavant aperçu dans Homeland et Interstellar, un rôle particulièrement périlleux. Oscillant entre l’insolence, la nonchalance, le désir, la timidité, l’assurance, le désarroi et la tristesse, Chalamet compose un personnage particulièrement touchant dont on partage les doutes et les envies. Sa prestation est tellement juste et tellement bouleversante (et ce jusqu’au long plan final) qu’on ressent longtemps après la projection du film la douce mélancolie transmise par le film dont on est assurés de ne pas ressortir indemnes.