Mask : Sans fards ni paillettes.

Mask est le fruit de deux drames bien distincts qui se rejoignent au cœur de ce film bouleversant. En 1980, Dorothy Stratten est assassinée par son mari/manager soupçonnant une liaison entre sa femme et le metteur en scène, Peter Bogdanovich. Une liaison qui avait bien lieu depuis la participation en second rôle de l’actrice dans le film Et tout le monde riait sorti en 1981, réalisé par Bogdanovich. La relation était sérieuse entre les deux artistes. L’actrice était une insatiable boule de curiosité et Bogdanovich lui faisait découvrir l’art dans sa globalité. Un soir à Broadway, Dorothy découvre la pièce, Elephant Man, sans Peter travaillant sur le mixage de son dernier film. Elle est passionnée par le thème et la difformité du personnage principal. Elle se reconnaît en lui, partageant les mêmes problèmes, elle, sublime femme attirant l’œil tel un monstre de foire qu’est le personnage d’Elephant Man. Troublée et passionnée par le sujet, elle se documente et dévore tout sur le sujet des maladies et difformités sur l’homme jusqu’à sa disparition.

Le deuxième drame est celui qui inspire directement le film, Mask. Le destin de Rocky Dennis, né avec une maladie dégénérative incurable, entraînant une déformation du visage. Il est décédé à l’âge de 16 ans.

Les deux drames se regroupent quand, en 1984, Peter Bogdanovich se voit proposer le script de Mask tiré du livre sur Rocky Dennis. Le réalisateur de La Dernière Séance n’a plus tourné depuis le drame de sa vie et la disparition de Dorothy Stratten. Mask agit alors comme un déclic pour l’homme qui accepte la proposition, rendant hommage à l’actrice disparue.

Long-métrage bouleversant, Mask est ressorti en combo Blu-ray et DVD collector depuis le 19 janvier 2018 chez Elephant Film proposant la version originale du film, et le director’s cut de 2004 incluant deux séquences cruciales pour le réalisateur et la musique de Bruce Springsteen, Born to the USA. Une édition qui permet surtout la découverte d’un film autre. Drame comme seul Hollywood peut en produire, Peter Bogdanovich réussie la prouesse de proposer autre chose. Le metteur en scène ne s’appuie pas essentiellement sur Rocky Dennis, interprété par le stupéfiant Eric Stoltz. Certes, il est le personnage pivot du film, mais Bogdanovich braque son regard sur la mère interprétée par Cher. Le rôle lui a valu le prix d’interprétation féminine à Cannes, le rôle de sa carrière avec sa participation aux Sorcières d’Eastwick de George Miller.

Peter Bogdanovich, en dépit de Rocky, s’intéresse beaucoup au personnage de Rusty Dennis, la mère de Rocky. Il n’en fait pas une mère courage qui subit le handicap de son fils au quotidien. Bogdanovich fait de Rusty une femme émancipée, l’image même de la femme moderne qui vit avec le handicap de son fils sachant d’emblée l’issue. Rusty est une femme perdue depuis longtemps, ayant des problèmes avec son père, une femme rebelle appartenant à une bande de bikers devenue junkie pour surmonter le trop-plein. Une femme qui fait face à la vie, se montrant forte en dépit de toutes ses faiblesses intérieures. Peter Bogdanovich tire le meilleur du personnage et Cher l’interprète avec une profondeur incroyable. La chanteuse/actrice est si époustouflante que Bogdanovich abuse de gros plans sur son regard mélancolique. Un regard naturellement triste aperçu lors des essais exigés par la Universal pour tester l’actrice, loin d’être le premier choix de la production pour le rôle. Mask est un drame sur la maladie d’un enfant, mais il est surtout la tragédie d’une mère forte face aux épreuves douloureuses de la vie. Les séparations, la solitude et le soutien à un enfant différent.

Un enfant au visage difforme, mais incroyable. Un jeune garçon de 16 ans ahurissant de vie, lui à qui il en reste peu. Il subit les regards, les moqueries, mais les affronte et les combat pour mieux s’imposer dans le cœur des autres. On peut penser les choix de mises en scène comme de la niaiserie, mais le film se démontre être fort et intelligent, un conte moderne jamais larmoyant, bien au contraire. Mask est le criant portrait d’un enfant qui recherche en permanence l’amour de sa mère et la vie chez chacun. Entouré de sa famille chère de Bikers buveurs de bière envahissant en permanence sa maison, Rocky Dennis est dans un cocon lui faisant oublié son handicap. Sa difformité n’est plus un problème, car il est accepté comme tel. Les douleurs ne sont qu’un fardeau qui disparaisse sous les paroles rassurantes de sa mère, les moqueries s’envolent après le passage de son ange gardien le déposant chaque matin au collège en échange d’une tartine de pain.

Mask est un long-métrage bouleversant qui conjugue à merveille le sourire et les larmes. On ressort du film enveloppé d’une chaleur réconfortante permettant de sécher nos pleurs. Peter Bogdanovich signe un petit bijou du genre, de ces films qui font date, qui se transmettent au fil du temps pour des moments de cinéma inoubliables.

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*