Gaspard va au mariage : Créatures (pas si) féroces.

Trop souvent coincée entre la beauferie veule et les règlements de compte entre bobos, la comédie française a parfois tendance à tirer la tronche. Ces dernières années cependant, on a vu émerger des cinéastes ayant l’envie de donner un coup de pied dans la butte, de donner un coup de fraîcheur à un genre qui en a encore sous le capots pour peu qu’on le sorte de ses clichés. Il y a eu en 2016 La Loi de la jungle d’Antonin Peretjatko et Victoria de Justine Triet et 2018 commence par Gaspard va au mariage, réalisé par Antony Cordier. Un cinéaste qui, il le dit lui-même, a eu envie de filmer une certaine tendresse, chose devenue trop rare dans la comédie.

C’est donc chose faite avec Gaspard va au mariage, un film lunaire et farfelu dont l’action se passe dans un zoo. Zoo dans lequel Gaspard a grandi et qu’il va retrouver avec appréhension pour le deuxième mariage de son père. Comme s’il n’avait pas envie d’y aller seul, il trouve sur son chemin Laura, une jeune femme un peu fantasque à qui il propose de jouer sa petite amie le temps de quelques jours. Une fois sur place, Laura découvre la famille de Gaspard : une mère morte des années plus tôt à cause d’un tigre, un père coureur de jupons, un frère décidé à vendre le zoo qui périclite et une sœur portant toujours une peau d’ours, à moitié persuadée qu’elle en est un. Dès la présentation des personnages, le ton est donné. Loufoque, drôle mais en même temps joliment lunaire et empli d’une certaine mélancolie (la faute à une superbe bande-originale composée par Thylacine), Gaspard va au mariage est un film comme on en voit trop peu, à la lisière du conte tant le décor du zoo laisse rêveur.

Pourtant dans le fond, Antony Cordier n’invente rien d’original. Les thématiques brassées dans le film, notamment celles autour de la confusion des désirs et du noyau familial essentiel (quand bien même il est bancal) nous sont familières. Mais l’audace d’Antony Cordier est de nous renvoyer certains de nos préjugés à la figure. Au centre du film, la relation quasi incestueuse liant Gaspard à sa sœur Coline n’est jamais traité de façon dramatique. Comme le dit le personnage de Marina Foïs : ‘’toutes les petites sœurs sont amoureuses de leur grand frère […] ça ne va pas menacer l’espèce’’. Ce jeu du désir, appuyé par un rapport au corps assez animal (Gaspard séduit Laura en la reniflant) et sans artifices (on voit quasiment tout les acteurs du film à poil) ne tarde pas à faire vibrer l’animal qui est en nous. Sans prendre de pincettes, Cordier nous balance au cœur de cette famille pour l’observer avec beaucoup de tendresse car, c’est Gaspard qui le dit lui-même, il est difficile dans cette vie de trouver quelqu’un qu’on aime plus que sa famille. Famille qui a une fâcheuse tendance à nous foutre en l’air pour la vie mais sur qui l’on pourra toujours compter.

Baigné dans une atmosphère quasi-féérique, porté par un casting à l’alchimie étonnante, pétri de sensualité et d’amour, Gaspard va au mariage réussit la tâche difficile de parler de tout un tas de choses avec une justesse rare et sans jamais se poser en donneur de leçons. Croquant une multitude de petites choses de la vie en 1h45 en se maintenant en équilibre entre l’humour (les dialogues sont souvent irrésistibles) et la tendresse, ce troisième film d’Antony Cordier saura nous tenir chaud au cœur de l’hiver.

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