The Greatest Showman : Un bon show n’est pas toujours visuel.

Après le fabuleux succès musical de 2017, La La Land, Hollywood tente de démarrer 2018 en grande pompe sur la piste de danse avec The Greatest Showman. Vous l’aurez compris, il s’agit encore une fois d’une comédie musicale avec dans les rôles titres Hugh Jackman, qui n’en est plus à son coup d’essai dans ce genre de films, et surtout Zac Efron, qui renoue avec son début de carrière au cinéma. The Greatest Showman est un film biographique sur la vie de Phineas Taylor Barnum, un entrepreneur de spectacle issu d’une famille modeste au sens des affaires aiguisé. Par son aspect cirque, voire cabaret haut en couleur et au spectacle aussi surprenant qu’incongru mais néanmoins fort impressionnant, le film de Michael Gracey renvoi fortement à des airs de Moulin Rouge. C’est d’ailleurs par ce biais qu’il a été souvent décrit pour sa promotion. Mais ce serait réducteur de réduire le film à une simple biographie de Barnum couplé à un essai inspiré du Moulin Rouge.

Non, sous ses faux airs de film pétillant et débordant de vie, à la fois simpliste mais percutant visuellement, se cachent de profondes thématiques et valeurs fortes. Difficile d’ailleurs de savoir si le film devrait se destiner à un public jeune par ce qu’il tente de nous faire comprendre ou plus adulte par le double jeu qu’il parvient à mener et la maturité dont il fait preuve malgré tout. Parmi les scènes chorégraphiées, certaines possèdent quelques propositions intéressantes ou un effet visuel qui se rapproche des univers de certains films d’animation Disney (Fantasia ou La Belle et la Bête lorsque les nappes étendues sur la corde à linge s’agitent). Une manière de développer un univers proche de l’imaginaire, du rêve, car tout le film est construit à partir du rêve du jeune Phineas de devenir quelqu’un qui fait vibrer les foules. Mais en dehors de ces petites esquisses et malgré un imposant sens de la mise en scène, les autres passages restent assez classiques, bien chorégraphiés, entraînants, mais assez formels. Il n’y a visuellement pas d’éclairs de génie, peu de moments virtuoses où le spectateur verrait ses propres yeux sortir de leurs orbites. Et c’est là que se situe le principal paradoxe de ce film.

The Greatest Showman ne veut pas simplement dire savoir animer un spectacle, et même si l’époque était aux superlatifs toujours plus exagérés pour se vendre mieux que son voisin ou rival, le film se doit de se surpasser sur tous les plans. Avec un tel titre il ne peut se permettre de faire de la publicité mensongère, et il en a les éléments pour. Une chanteuse d’Opéra à la barbe plus imposante que ne l’a jamais eu Lincoln, un nain, un homme si poilu qu’on le confondrait avec un loup-garou, un géant si grand qu’il en ferait pâlir Spielberg, un homme si gros qu’on lui rajoute du matelassage pour le faire encore plus gros. Le film possède tous ces artifices qu’il promet et ne lésine pas sur le côté spectaculaire ou grandiloquent pour impressionner. Seulement l’histoire met l’accent sur le fond et moins la forme, ce qui peut paraître étrange au vu des capacités visuelles du film. Bien qu’on pourrait reprocher au film de vouloir aborder les thématiques du racisme ou de l’homophobie avec plus ou moins de crédibilité et de finesse, mais la tentative reste louable.

En effet cet espèce de musée des curiosités que devient le cirque Barnum est une manière très évidente d’opposer le voyeurisme à l’acceptation de soi. Si l’on écoute les propos de James Gordon Bennett, le critique qui n’hésite pas à dénigrer le cirque dans la presse, il apparaît que Barnum est un homme malsain qui expose des créatures toutes plus extravagantes les unes que les autres pour pousser la populace à assouvir leur curiosité morbide et contempler ces êtres qui ne leur ressemble pas. Mais l’histoire se place avant tout du côté de ces êtres différents qui sont là pour s’ouvrir au monde et lui montrer que s’ils sont différents d’apparence, ils sont identiques au fond d’eux. Et c’est une manière très simpliste mais diablement efficace d’expliquer à tous qu’il ne faut pas avoir peur de l’image qu’on renvoi mais de l’accepter. Une morale plusieurs fois mise en avant dans le film, de manière assez grossière avec la sans-abri qui offre une pomme à notre jeune Phineas (rappelant sans équivoque le conte de Blanche-Neige), mais aussi de façon plus subtile avec Zac Efron qui feint d’être l’homme d’affaire populaire qu’il n’est pas au fond de lui ou de l’une des filles de Barnum prête à abandonner la danse car elle a rejoint la troupe trop tard. C’est en cela que le film semble enfantin, car il est clair sur ses intentions et ce qu’il montre, de manière à ce que tous puissent le comprendre parfaitement. Pour autant, il y a en parallèle un aspect, certes très flagrant, mais également plus subtil d’un avis assez tranché, celui des classes sociales. Si le film dit qu’il ne faut pas avoir peur de l’image que l’on renvoi, il explique également l’opposition très nette entre les classes populaire, moyenne, même modestes, contre les classes plus aisées. Ces dernières soignent leur apparence et fuient à tout prix ceux qui leur sont inférieur. Il y a cette démarcation nette de dire qu’on peut être beau ou attirant d’apparat mais que c’est le fond qui fait de nous ce que nous sommes.

Et c’est en ce point précis que le film atteint son paradoxe le plus criant, il exagère pour impressionner, essaie d’en mettre plein la vue pour délivrer un message si évident mais si important à la fois, que le côté show fonctionne bien. Détourner l’attention pour mieux percuter le spectateur de son intention première. C’est un peu une sorte de tour de magie mais légèrement moralisatrice. Sur ces propos par ailleurs, le film offre quelques divers écarts d’analyse. Le jugement d’apparat s’applique aussi bien sur les individus que sur les évènements, les œuvres, et la petite critique de la critique à travers le personnage de James Gordon est là pour nous le rappeler. The Greatest Showman ne sera pas le plus grand « cabaret » du monde, ni même la plus grande comédie musicale qu’Hollywood ait produit. Mais peut-être la plus simple et par expansion la plus compréhensible. Car de temps en temps, même si on ne ressort pas d’une séance de cinéma aussi comblé qu’on l’espérait ou aussi bouleversé qu’on l’attendait, cela fait du bien de voir une belle histoire, bien racontée avec un esprit simple et abordable.

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