Leatherface : Comment devient-on un cinglé ?

Tourné en 2015, ce prequel de la saga Massacre à la tronçonneuse  réalisé par le duo frenchy Alexandre Bustillo – Julien Maury (A l’intérieur, Livide, Aux yeux des vivants), consacré à la jeunesse agitée du futur tueur en série donnant son nom au film, aura connu un développement quelque peu compliqué. Doté d’un petit budget et tourné en Bulgarie, le film se tourne sans heurts et dans les temps, mais comme souvent dans des films de studios dont les metteurs en scène ne sont là qu’en tant qu’artisans mettant leur savoir faire au service d’un projet non personnel, ces derniers n’ont pas droit au fameux director’s cut si important pour les cinéastes un tant soi peu ambitieux. Comme nous l’ont expliqué les deux réalisateurs lors de l’unique projection parisienne du film sur grand écran à l’occasion de la 7ème édition du PIFFF (Paris International Fantastic Film Festival), 30 minutes du film ont été supprimées, la première version durant 2 heures, ramenées ici à 90 petites minutes, mais nous avons eu droit à la suite de la projection, aux scènes alternatives d’ouverture et de clôture, à l’état brut, c’est-à-dire non étalonnées ou post-synchronisées, mais qui nous montraient bien la vision des deux cinéastes, bien plus cohérente thématiquement que la version finale, débutant sur une scène très frontale typique des films de studios cherchant à en mettre plein la vue immédiatement, par peur de perdre le spectateur. Quant à la fin initiale, trop radicale pour les esprits sensibles des producteurs ricains, il ne faut pas chercher loin pour comprendre ce qui a pu poser problème. Ces considérations posées, que reste-t-il au final à se mettre sous la dent ? Contre toute attente, et malgré les retours catastrophiques concernant le film depuis quelques mois, osons dire que le résultat, si imparfait soit-il, contient encore de beaux restes à même de contenter l’amateur exigeant de péloches agressives et Mad.

La fameuse franchise avait déjà eu droit en 2006 à un pseudo prequel, censé éclairer sur toutes les questions que se posaient les fans, mais qui au final, malgré sa réussite en tant que pur film d’horreur cradingue et efficace, n’était rien d’autre qu’un produit opportuniste surfant sur le succès inattendu du remake de 2003. Le film présent avait quant à lui comme ambition de proposer quelque chose de très naturaliste et européen, un mélange entre Virgin Suicides et La balade sauvage de l’aveu même des réalisateurs. Si cette note d’intention peut paraître quelque peu prétentieuse et à côté de la plaque concernant une énième resucée de la saga initiée par feu Tobe Hooper, elle avait le mérite de l’ambition et démontrait une réelle envie d’apporter un petit plus qui éloignerait le film du simple remake déguisé. Si au final, il ne reste qu’une partie de cette vision, on ne peut nier que l’angle choisi par le duo reste concluant sur bien des aspects. S’attachant à un groupe de jeunes adultes perturbés s’échappant d’un hôpital psychiatrique parmi lesquels le futur Leatherface, en pleine virée meurtrière, le film étonne par sa brutalité. Non que cette violence graphique soit si surprenante que cela de la part des réalisateurs qui nous ont habitués dès leur premier long à ces excès frontaux, mais il est toujours difficile d’imposer pareille radicalité dans un film américain, donc il est agréable de se faire ainsi malmener. Les scènes de meurtres sont sans compromis, et sont toujours justifiées d’un point de vue dramaturgique. Comme dit plus haut, le futur personnage du titre fait partie des jeunes, mais on ne connaît pas son identité avant la fin du métrage, ce qui créé un petit mystère toujours bienvenu. A leurs trousses, un shérif agressif interprété par l’excellent Stephen Dorff, certes un peu caricatural dans son jeu, mais cet aspect est justifié par l’écriture elle-même pas forcément très finaude de son personnage. Il en est de même de la maitresse de famille jouée par Lili Taylor, mais cela ne gêne pas l’appréciation générale.

A vrai dire, le film, tel qu’il existe aujourd’hui, n’a absolument rien de honteux ou déshonorant. On sent certes une certaine précipitation, particulièrement dans sa première partie, et l’on devine dans les interstices de l’intrigue ce qui a pu motiver les cinéastes dans cette histoire, et qui manque aujourd’hui dans la version définitive. Mais néanmoins, l’efficacité narrative est présente, l’ennui ne pointe jamais le bout de son nez, et surtout, malgré les scènes manquantes, ce qui reste correspond bien à la vision des deux cinéastes. Le film est donc étonnamment soigné formellement, bien servi par une photographie très élégante à la hauteur des ambitions de base, et une mise en scène solide proposant suffisamment de moments forts en termes d’idées visuelles pour que le film s’avère très agréable à regarder sur un écran de cinéma.

Au final, le spectateur voulant voir du tronçonnage aura ce qu’il était venu chercher dans sa dernière ligne droite, et si l’on ne peut être que frustré que l’épilogue dans sa version souhaitée par les cinéastes n’ait pu être monté dans l’optique de la future parution vidéo, le résultat, encore une fois, n’a pas à rougir et s’avère tout à fait recommandable, pour peu que l’on ne cherche par une pure révolution et que l’on passe sur les concessions imposées par le studio. Même partiellement mutilé, le film est tout de même exécuté de façon fort professionnelle et constituait une parfaite séance de 22h dans le cadre d’un festival spécialisé.

 

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