Les Heures Sombres : Le courage selon Winston

‘’Le succès n’est pas final, l’échec n’est pas fatal, c’est le courage de continuer qui compte.’’

Il est toujours étonnant de constater au cinéma l’émergence parfois soudaine de deux projets similaires en même temps. Alors qu’en mai dernier sortait un film sobrement intitulé Churchill où le Premier Ministre britannique (incarné par Brian Cox) se découvrait sous un nouveau jour alors qu’en 1944, il refusait l’idée du Débarquement en Normandie. L’idée d’un autre projet n’était cependant pas stupide puisque la carrière du bonhomme (qui fut également écrivain et peintre) a tellement été riche qu’on pourrait aisément lui consacrer une série télé ou plusieurs films.

Les Heures Sombres, réalisé par Joe Wright et écrit par Anthony McCarten se concentre sur un tournant décisif dans la carrière de Churchill et dans le destin de l’Angleterre durant la seconde guerre mondiale. Nous sommes en 1940. Les troupes nazies s’avancent de plus en plus en Europe, la Belgique est franchie, la France ne va pas tarder à tomber. C’est dans ce tumulte que le Premier Ministre Neville Chamberlain est contraint de démissionner. A 65 ans, Winston Churchill se voit donc confier le poste de Premier Ministre un peu malgré lui, sa nomination tenant plus d’un compromis politique que d’un réel engouement. L’homme n’a jamais eu la langue dans sa poche et son mode de vie à grand renfort de verres d’alcool, de cigares et de coups de gueule ne convient pas à tout le monde, y compris au roi George VI. Pourtant, Churchill va devoir s’imposer et surtout affirmer sa volonté de ne pas céder à la terreur qu’inspire Hitler à l’Europe. Alors que l’opération Dynamo (au cœur du Dunkerque de Nolan) se met sur pied et que nombre de troupes anglaises risquent d’être piégées et massacrées en France, certains membres du Parlement (dont Chamberlain et le vicomte d’Halifax) envisagent de négocier un accord de paix avec Hitler. Churchill lui, refuse tout compromis. Il sait que des heures sombres attendent l’Angleterre mais il sait aussi qu’un pays qui s’est soumis une fois aura du mal à se relever. Il se bat donc coûte que coûte pour ne pas céder…

Le sujet et le contexte sont passionnants, mettant en place des enjeux que l’on suit avec un intérêt manifeste quand bien même on connaît la suite de l’Histoire. Avant, on connaissait surtout Churchill comme un homme aux discours à punchlines que l’on voyait toujours fort en fumant le cigare. Ici, le film entend nous montrer l’humain qui se cachait derrière cette figure politique imposante. Le scénario, habilement écrit et peu avare en savoureux dialogues (‘’Mon père était comme Dieu… Occupé ailleurs’’) nous montre donc un Churchill comme tout le monde : en proie au doute, au rire, au stress et à la colère. C’est un homme complexe sur qui repose une immense responsabilité dont il a une conscience terrible, gérant ainsi la situation comme il l’entend, peu enclin à se faire dicter ce qu’il doit faire.

Certes, derrière ce récit dense et passionnant se cache un film qui, on ne va pas se le cacher, semble taillé pour la course aux récompenses (et ça tombe bien, il sort pour la saison des Oscars). Il a les envolées émotionnelles et les ficelles du film à Oscars, faisant penser à Imitation Game ou Une merveilleuse histoire du temps (avec qui il partage son scénariste). Ce qui ne l’empêche pas pour autant d’avoir une âme, parfois un peu coincée dans un récit un brin longuet.

Heureusement Joe Wright, qui n’est pas un manche quand il a un bon scénario en main, impose au film une mise en scène soignée, classe et dynamique venant donner du corps aux nombreux dialogues parsemant le film. Le clou du spectacle se trouve cependant, on l’aura deviné, dans la performance de Gary Oldman dans le rôle principal. Disparaissant sous un maquillage impressionnant (qui demandait 3h30 de préparation chaque matin) pour devenir Churchill, l’acteur trouve là un rôle à la mesure de son talent, sous-exploité depuis quelques années dans des films sans grande envergure. Ici, dans ce qu’il a déclaré être le rôle le plus difficile de sa carrière, Oldman est tout simplement magistral. Tout chez lui donne à penser que nous avons devant nous Winston Churchill et non pas Gary Oldman. L’acteur donne tout, livre tout : son attitude, sa démarche, son regard, sa voix… Une prestation qui pourrait bien le mener aux Oscars, lui qui, jusque-là, a été ignoré par l’Académie. Mais Oldman ne fait pas ça pour ça, contrairement au DiCaprio de The Revenant qui clamait haut et fort qu’il voulait son Oscar. Oldman livre ici une prestation incroyable mais toujours humblement, par amour du jeu. Certes, il est la vedette du film mais ne devrait pas éclipser pour autant les solides seconds rôles (Lily James, Stephen Dillane, Kristin Scott Thomas) en particulier Ben Mendelsohn. L’acteur, abonné aux rôles de méchants et de types louches ces dernières années (Rogue One – A Star Wars Story, Bloodline) impressionne dans le rôle de George VI, lui donnant une stature royale calme et imposante.

C’est donc un casting de luxe et un scénario habile que s’offre Les Heures Sombres, parvenant intelligemment à dépasser ses ficelles classiques pour se transformer en un passionnant récit où la puissance des mots compte autant que les prises de décision, réaffirmant ce vieil adage qu’il ne faut jamais céder devant l’ennemi.

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