Kedi – Des chats et des hommes : Cat Waltz

Lil Bub, Grumpy Cat, Maru… autant de noms devenus incontournables pour nombre d’ailurophiles de la toile. La domination des chats sur internet n’est plus à prouver et qui ne serait pas tenté de surfer sur cette vague de popularité ? C’est ce qu’on serait tenté de penser de prime abord, alors qu’on découvre Kedi – des chats et des hommes. Mais le documentaire de Ceyda Torun, ne se contente pas du facteur mignon, bien au contraire. Celui-ci est présent, mais à des fins plus nobles qu’un bête clip démonstratif.

Ici, le film nous présente avant tout Istanbul via le prisme de ses habitants félins dont les rues regorgent en nombre. Vues aériennes, à hauteur d’homme ou à ras du sol pour suivre les matous, la caméra nous invite à découvrir la ville sous toutes ses coutures. Ceux qui nous présentent ces différents points de vue, mais aussi ces différents quartiers, ce sont les chats. « La ville est un personnage » pourrait-on dire avec facilité, mais si elle vit ici c’est avant tout en tant que fil rouge qui lie la choralité de personnages que nous allons suivre. Se faufilant partout, nos petits héros nous font découvrir des décors, des ruelles, mais aussi leurs histoires. Lorsque le film s’ouvre sur Sari (alias « l’arnaqueuse ») pas besoin de mots pour comprendre que cette mère cherche à nourrir ses petits coûte que coûte. L’image parle d’elle-même avant que les témoignages des Stambouliotes y ajoutent des précisions. On laisse au spectateur le temps d’atterrir dans la situation, de contempler ces plans choisis avec soin avant que les voix se fassent entendre. La cohabitation des deux langages, loin d’être redondante, permet d’en apprendre plus sur les habitants, mais surtout d’enrichir la vision que l’on nous offre.

Chaque chat est aussi un point d’entrée dans un nouveau quartier. Deniz, dit « le mondain » de par son caractère social, a élu domicile près du marché, qui est bien entendu très peuplé. D’autres, au contraire, vont attendrir les plus solitaires près des ports. Cette variété ne manquera pas de plaire à tous les publics, les plus jeunes trouveront vite leur chouchou parmi les sept protagonistes. Femmes fortes, gardiens, chasseurs, minets foutraques ou maniérés, il y en a pour tous les goûts et on a vite fait de reconnaître et de s’amuser des attitudes communes à bon nombre de chats.

Son aspect feel good et bienveillant ne sombre jamais dans la mièvrerie et il ne manque pas de nous sensibiliser aux problèmes que subit la ville, comme son urbanisation à outrance. Ces interventions touchent par leur universalité, ne sombrent jamais dans la lourdeur et résistent à la tentation d’être maladroitement surlignées. Pas de larmoyant facile, elles sont suffisamment succinctes pour laisser au spectateur le choix de s’y attarder ou non.

C’est aussi le cas de la facette spirituelle du film, la religion est très présente dans la culture turque et le respect qu’accordent les citadins aux chats prend aussi sa source là. L’islam est présenté sous un regard positif, mais on ne s’arrête pas à la religion. C’est avant tout un regard spirituel plus universel que pose le film sur les chats et la vie en général. Les chats deviennent des vecteurs de morceaux de sagesse ordinaire, empreints du mysticisme que chacun voudra bien leur accorder. Le montage fait d’enchaînements de plans de la ville sans raccords distincts ou la musique éthérée de Kira Fontana affluent vers des tonalités oniriques.

Léger dans son approche, Kedi – des chats et des hommes s’avère plus qu’une banale exposition de petits chatons mignons façon Instagram. Il en profite pour nous interpeller et nous faire voyager. Le chat est ici considéré comme l’égal de l’homme, partie intégrante et indispensable à la vie de certains (« on a des comptes chez tous les vétérinaires » déclare l’un des témoins du documentaire). Au-delà de ce qu’il présente, le film aspire avant tout à nous présenter une vision du bonheur simple et sage sans jamais flancher vers le niais.

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