Star Wars – Episode I : La Menace Fantôme : chronique d’une déception annoncée

En 1999, une bonne partie de la planète cinéma attendait avec impatience un événement. Non pas le passage en l’an 2000, tant craint mais la sortie d’un nouvel épisode de la saga Star Wars. Rendez-vous compte, en 1999, la sortie d’un nouveau film Star Wars était un événement, personne n’y croyait vraiment, tout le monde s’était contenté de la première trilogie qui à l’époque était d’ailleurs juste une trilogie. Désormais ça paraît banal comme ça de parler d’événement autour de Star Wars vu qu’on est partis pour s’en manger un par an sur grand écran (ce qui nous agace autant que ça nous fait plaisir parce que bon, on est quand même de sacrés fans de la saga) mais à l’époque, Star Wars avait quitté les écrans depuis 16 ans et George Lucas n’avait rien réalisé depuis 22 ans.

C’était donc un sacré événement que ce Star Wars – Episode I : La Menace Fantôme ! Un film d’autant plus attendu qu’il allait nous conter l’histoire d’Anakin Skywalker avant qu’il ne devienne Dark Vador. Avec La Menace Fantôme, George Lucas développe considérablement son univers. La dimension mythologique de la première trilogie laisse place à des ramifications plus complexes. Lucas concrétise son univers et nous donne un aperçu de sa vie politique. La galaxie qu’il nous dépeint a sa capitale, son Sénat, ses politiques corrompus, ses complots et l’ordre des Jedi tâche de maintenir dans tout ça un équilibre dans la paix alors que des forces du côté obscur menacent…

C’est dans un contexte tendu, proche de la guerre que nous rencontrons un jeune Obi-Wan Kenobi (Ewan McGregor), encore padawan auprès de son maître, le sage mais têtu Qui-Gon Jinn (Liam Neeson, impeccable). Les deux Jedi, chargés de mener des négociations pour stopper l’embrasement d’un conflit imminent, se retrouvent échoués sur Naboo et finissent par embarquer la reine Amidala et Jar-Jar Binks avec eux. En faisant route vers Coruscant, là où Amidala doit plaider la cause du chancelier Palpatine, nos héros sont contraints de faire halte sur Tatooine. Là-bas, ils y rencontrent le jeune Anakin Skywalker chez qui la Force est étonnamment puissante. Voyant en lui l’élu d’une vieille prophétie, Qui-Gon veut le prendre sous son aile mais le conflit qui éclate, révélant le terrifiant Dark Maul, force les deux Jedi à prendre les armes.

A sa sortie, on a reproché tout et n’importe quoi à cette Menace Fantôme. L’attente était de toute façon trop forte et si George Lucas avait livré un film complètement différent, nul doute qu’il se serait fait bombarder de critiques également. Lucas, maître de son univers (même si l’on peut aisément repérer les multiples références qui l’on aidé à le créer) n’aurait jamais pu échapper aux critiques. En 2005, il déclarait d’ailleurs dans un mélange de lucidité et d’arrogance : « J’ai gagné le droit de faire les choses que je trouve provocantes à ma manière. J’ai gagné le droit d’échouer, ce qui veut dire tourner ce que je crois être de grands films mais que personne ne voudrait voir. » Et oui, on a beau avoir une communauté de fans, la plupart des cinéastes font des films pour eux. Star Wars ne fait pas exception et confirme le talent de conteur de Lucas, parfois maladroit mais créateur d’images fortes.

Cette Menace Fantôme est d’ailleurs un vrai festival d’effets numériques. Lucas, disposant désormais des moyens qu’il n’avait pas eu en 1977 (soit 115 millions de dollars) et de la technologie nécessaire affirme sa passion du grand spectacle. Qu’on apprécie ou non le scénario un poil simpliste du film (cette partie n’a jamais été le fort de Lucas), personne ne restera insensible à cette impressionnante course de modules tout droit sortie de Ben-Hur ou encore à ce combat final opposant Obi-Wan et Qui-Gon au terrifiant Dark Maul, mené tambour battant sur le sublime morceau Duel of the Fates de John Williams ! On se souvient encore des frissons ressentis à la vue du double sabre-laser de Dark Maul et à l’excitation causée par le dénouement du film dont on attendait impatiemment l’épisode II, qu’on ait craché sur le film ou non d’ailleurs !

Véritable régal cinématographique, La Menace Fantôme n’est cependant pas exempt de défauts. Si l’on évacuera rapidement les dialogues peu subtils, impossible de ne pas s’attarder sur le cas Jar-Jar Binks qui a déclenché l’ire des fans. Sidekick comique maladroit et balourd, Jar-Jar est certainement le personnage qui a la plus mauvaise réputation dans la communauté des fans de Star Wars. On reproche à Lucas la création de ce personnage pour forcer le merchandising et ajouter de l’humour à un film qui n’en avait guère besoin. A l’époque, on avait d’ailleurs fait le même reproche aux Ewoks. Certes, Jar-Jar est agaçant et l’on aurait aisément pu se passer de lui. Le pire de cet opus vient cependant d’un détail : les midi-chloriens, micro-organismes présents dans tout être de la galaxie et qui, présents à fort taux, expliquent l’origine de la Force. Exit donc le côté mystique, la Force a une explication scientifique, rationnelle et complètement stupide qui vient en mettre un sacré coup au mystère que la Force entretenait. Cette volonté de rationaliser un concept qui ne l’était pas vraiment est certainement le plus grand faux pas de Lucas concernant la prélogie, ce détail tombant comme un cheveu sur la soupe. On préférera également ne pas s’attarder sur le côté immaculée conception d’Anakin, trop perturbant pour qu’on décide d’y accorder du crédit quand bien même il offre à la saga une vision intéressante.

Loin d’être le film voulu par les fans, La Menace Fantôme pose cependant les bases d’une trilogie décriée mais ambitieuse, venant donner une autre dimension à l’univers Star Wars pour le meilleur et pour le pire. En dépit de tout, le film reste un divertissement spectaculaire où Lucas se dévoue pour son univers et tisse la toile d’une intrigue qui révélera toute sa densité dans un épisode III absolument brillant. En attendant, laissons cet épisode I balbutier un peu et plongeons-nous dans le spectacle, il est total.