Makala : Le dur labeur de la vie.

Étrange sensation de se fondre dans le nouveau long-métrage d’Emmanuel Gras. On cherche sa place, on essaie de comprendre où l’on met les pieds. On est en République Démocratique du Congo, en pleine brousse. On fait la connaissance d’un jeune villageois, Kabwita, qui va travailler un arbre pour le couper. À la force de ses mains et ses bras, il abat cet immense arbre biscornu. On suit cet homme avec curiosité. On n’a pas encore pris la mesure du film. Fiction ou documentaire ? Le film met un certain temps à nous révéler sa véritable nature. On est bien au cœur d’un documentaire. Un long-métrage fort, parfois pénible nous montrant la véritable face d’un monde lointain, inaccessible presque pour nous. Alors Makala joint les frontières, rapproche les mondes nous faisant pénétrer dans l’âge moyen d’un Congo arriéré et pauvre avec la figure de Kabwita, homme courageux et héros du film.

Makala signifie charbon en swahili. Le charbon, un or noir dont Kabwili va essayer d’exploiter pour offrir à sa famille une vie meilleure. Jeune homme en couple avec Lydie dont il a eu trois filles. Ils vivent dans une minuscule case au cœur d’un village de la brousse. L’image de cette vie nous semble surréelle, à nous bienheureux occidentaux. Mais la réalité est devant nos yeux. Lydie pour le repas prépare la chasse du jour : un rat. Le rat qu’elle désinfecte dans les braises avant de le dépecer et de le préparer. Les enfants s’en amusent, nous restons éberlués. Kabwili s’attaque lui à son arbre par la force de ses bras. De cet arbre, il va en tirer du charbon. Alors il construit un four éphémère pour en tirer son produit. Le père de famille a l’espoir d’en avoir le meilleur prix possible au gré des sacs empilés sur son vélo de fortune. Le frêle vélo dont les images tirent la fragilité au fur et à mesure du voyage que Kabwili va faire avec lui. Point de charrettes, ni de camions, mais un vélo pour transporter une dizaine de sacs remplis à ras bord. Le voyage s’annonce et il sera pénible. La caméra le suit, l’ausculte, mais ne vient jamais contraindre ce périple. Ce transport tel un chemin de croix pour cet homme nourri par le courage et l’obstination d’offrir une vie meilleure à sa famille.

Le voyage est harassant pour Kabwili. On sent l’homme flancher, prêt parfois à abandonner. Il n’en sera rien. L’homme se relève, reprend son vélo en mains et continue sa route. Arrivée au bout de ses chemins et routes sableuses croisant d’autres hommes à son image poussant des vélos identiques, Kabwili se confronte à la réalité du monde. Il doit payer un droit de passage à la frontière. Une fois à la ville le marchandage est roi. Pour survivre encore et toujours, l’homme se plie à une vérité. Le film se montre cruel, car ce que vit l’homme l’est tout autant. L’espoir s’évanouit pour Kabwili. Il retourne à son village. Le voyage fut long et éprouvant, mais lui aura appris une certaine réalité. Lui, Kabwili, jeune homme courageux et pieux qui exhorte sa colère et sa peine pour repartir et recommencer. Makala est un documentaire dur, de ceux qui savent nous remettre les pieds sur Terre. Un film humble filmant sans prétention. Le film s’efface laissant la vie à son cours. C’est beau dans la dureté que subit cet homme brave. Le charbon de la vie est devant nos yeux. La justesse d’une vie complexe n’offrant pas facilement de cadeaux. Offre-t-elle des cadeaux ? Il faut surtout se battre pour avoir ce que l’on souhaite. Makala en est une magnifique réponse.

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