A Ghost Story : La vie ne tient que sur un fil.

L’amour, la vie, la mort, l’histoire, la vie, l’amour… A Ghost Story est une grande interrogation. Une appréhension à fixer ses cadres magnifiques et savoir ce que le film essaie de nous faire parvenir. Un couple dans une maison, un amour qui s’évanouit, ils essaient tout de même de se battre, la jeune femme souhaitant déménager, lui hésitant. La mort en décidera autrement, devant cette maison que nous fixons inlassablement surtout quand le personnage féminin sort une malle de livres pour la benne. On pense à Christopher Nolan pour l’ambiance proche de son Interstellar, boucle vitale un brin folle qui s’envolait dans l’espace pour mieux comprendre la vie sur Terre. David Lowery pour sa part reste bien campé au sol, sa caméra aussi. Il filme cette maison, son intérieur, sa mort, la mort de ce couple puis la mort du compagnon.

Un fantôme apparaît après la visite du corps du défunt à la morgue par M, incarnée avec beauté et charisme par Rooney Mara. Il peut paraître ridicule sous le premier coup, mais David Lowery travaille si finement ses cadres que le moindre sourire ou rire est impossible. Avec ce drap simple tel un dessin d’enfant, le fantôme n’est jamais grotesque. À la morgue, du recueillement de M ou à l’apparition du fantôme, A Ghost Story est fascinant par ce fantastique simple. Le drap devient vite effrayant, cette même sensation procurée par le déguisement de Michael Myers dans Halloween de John Carpenter. La référence est évidente de la part de David Lowery et ce ne sera pas la dernière. Depuis le (trop) Malickien Les Amants du Texas, David Lowery démontre encore et toujours une envie de se référencer dans son cinéma manquant de maturité. Un cinéma marqué par une cinéphilie cochant Terrence Malick, Christopher Nolan, John Carpenter, mais aussi Stanley Kubrick. Le jeune cinéaste se fourvoie dans un cinéma complexe relevant le pari des comparaisons avec brio. Le film, tout comme Les Amants du Texas, manque d’une certaine personnalité, mais le film marque les esprits par un parti pris assumé conjuguant la forme et le fond telle une photo, non instagramée, mais d’un cinéma idéalisé des années 70/80. D’où le rapprochement évident avec les metteurs en scène cités plus haut.

A Ghost Story, l’histoire d’un couple, du fantôme de ce couple et du fantôme tout simplement essayant de comprendre la nature même de son existence. Il erre dans cette maison, l’histoire même de cette maison pour comprendre sa réalité. Il vit les étapes de ce lieu, le perturbe tout en essayant de ne pas perdre pied. De cette incroyable interprétation d’un drap fantomatique, Lowery, avec l’aide de Casey Affleck, arrive à donner une existence à ce personnage devenant décors et héros d’une mise en scène contemplative. Le spectateur se retrouve comme absorbé dans cette orchestration du plan, hypnotisé par le rien qui se joue devant. On pense à du rien sur le coup, mais ce rien devient rapidement la vie. Comme quoi la vie n’est rien, elle passe comme un chapitre sur Terre. À l’image de ce couple, de cette femme avec ses deux enfants ou de ses colons souhaitant s’installer sur une parcelle de terre. Cette histoire de Fantôme est finalement l’histoire du rien de notre vie comme le souligne si bien le monologue de l’homme dans la cuisine. Un rien qui semble être beaucoup, se transmet tel un héritage pour finalement subir le sort de la vie, des vies de chacun. M quittant la maison, les vies ensuite de cette maison avec différentes familles en présence permanente du fantôme. Une existence éphémère détruit en un rien de temps. Le temps du rien, telle une boucle vitale, le recommencement d’un tout le temps d’une réponse. A Ghost Story est l’un des plus beaux films sur la vie, une leçon de cinéma, une leçon de vie simple, belle, amoureuse, bouleversante. Cette histoire de fantôme est surtout ce que le cinéma a produit de plus beau en cette année 2017, l’une de ses plus belles esquisses, du cinéma à l’épreuve, celui dont il faut surmonter nos aprioris pour se laisser voyager. Un voyage dans le rien, un voyage dans le temps, un voyage dans la solitude de la mort.