Westworld – saison 1 : Aux frontières de la science et du divin

Qui n’a jamais rêvé d’un endroit où l’on était libre de faire ce que l’on veut sans conséquences ? Coucher avec des prostituées, partir à l’aventure et même tuer d’autres gens sans que cela ne vienne peser sur notre conscience ? Westworld est cet endroit, un parc à monde ouvert où les gens viennent soulager leurs pulsions, se chercher et se trouver au milieu du sexe, de la violence et de l’aventure. Dans un Far West reconstitué, les visiteurs du parc sont libres de faire ce qu’ils veulent à des androïdes plus vrais que nature, appelés ‘’hôtes’’. Des hôtes d’un réalisme saisissant pour renforcer l’expérience mais à un petit détail près : ceux-ci ne peuvent pas faire du mal aux visiteurs. Chaque nouvel arrivant du parc est donc assuré de vivre une expérience totale sans jamais s’inquiéter de ce qu’il pourrait leur arriver. Un hôte n’a jamais fait de mal à une mouche : ils ont beau être coincés dans des boucles narratives, se faire tuer, violer, torturer des milliers de fois, ils subissent les caprices des visiteurs sans jamais sourciller. Du moins, jusqu’à présent…

Librement inspiré du film Mondwest de Michael Crichton qui voyait un androïde campé par Yul Brynner faire des dégâts dans un parc similaire, Westworld reprend le concept du long-métrage pour le prolonger et explorer des thématiques plus profondes. Nouvelle série ambitieuse de HBO, Westworld, créée par Jonathan Nolan et Lisa Joy, a clairement l’ambition de se positionner comme la nouvelle Game of Thrones. En manque de succès après l’échec de Vinyl et la fin toute proche de Game of Thrones, HBO a donc misé sur Westworld pour représenter son avenir (un avenir qui pourrait s’étendre sur cinq saisons si tout se passe bien). Et la chaîne n’a pas fait les choses à moitié : dès son générique classe sur la musique de Ramin Djawadi, les intentions sont claires et la série s’emploie à nous en mettre plein les mirettes. Avec un budget d’environ 100 millions de dollars pour la saison, Westworld a mis le paquet : réalisation classe, magnifiant aussi bien les décors naturels du Far West que les intérieurs froids du complexe du centre du parc, écriture intelligente et contenue et surtout casting de rêve au milieu duquel évoluent les deux monstres sacrés que sont Anthony Hopkins et Ed Harris.

Sur le papier, Westworld a donc tout pour plaire et affirme une fois de plus le pouvoir d’attraction des séries télévisées, engouffrant autant de stars et d’argent que le cinéma. Le pilote de la série, superbe, donne les bases de la saison. On y découvre le parc, son fonctionnement, ses visiteurs, ses administrateurs, ses hôtes. Mais quelque chose ne tourne pas rond dans ce coin de paradis. Après une mise à jour, les hôtes développent des rêveries : des souvenirs implantés qui viennent hanter leur nuit et leur donnent conscience d’eux-mêmes et de leur nature. Alors que plusieurs employés voient cela d’un mauvais œil, le docteur Ford (Anthony Hopkins), fondateur et grand manitou du parc, semble ne pas vraiment en tenir rigueur. Son comportement troublant pousse le conseil d’administration à vouloir le remplacer. Pendant ce temps, dans le parc, quelques hôtes sont de plus en plus troublés et un mystérieux homme en noir (Ed Harris), visiteur sadique et habitué des lieux, se lance en quête d’un mystérieux labyrinthe…

Impossible de parler de toutes les ramifications de Westworld sans déflorer la série. Celle-ci, sorte de croisement entre Jurassic Park (pour son parc qui dysfonctionne et son directeur qui se prend pour Dieu) et Blade Runner (pour le questionnement qui taraude les androïdes) est un véritable labyrinthe. D’où le rythme assez lent de la saison, basé sur la répétition (le nombre de fois où les hôtes se font tuer puis se réveillent dans le parc pour reproduire les mêmes gestes ne se compte même plus) et beaucoup plus sur les échanges de dialogues que sur l’action, pourtant présente et joliment exécutée mais loin d’être ce qui fait avancer le récit.

Fonctionnant par couches, Westworld met du temps avant de se livrer. En dehors du pilote, la première partie de la saison est un peu lente, ne parvenant pas toujours à maintenir l’intérêt, multipliant les personnages quitte à ce que certains nous ennuient. Charisme oblige, les personnages incarnés par Anthony Hopkins, Ed Harris et Jeffrey Wright maintiennent l’intérêt de bout en bout là où Thandie Newton, Evan Rachel Wood et Jimmi Simpson mettent plus de temps à passionner. Si l’on regrettera quelques acteurs sous-exploités (Sidse Babett Knudsen, Luke Hemsworth, Tessa Thompson et James Marsden, condamné à se faire bouffer par d’autres acteurs dès qu’il joue dans quelque chose), la série a suffisamment de personnages pour passionner. Le parc, en premier lieu, fait office de personnage principal, chacun y cherchant quelque chose de différent. Certains veulent en sortir, d’autres veulent le comprendre. Personnage intriguant dont le look est inspiré par Yul Brynner dans le film original, l’Homme en noir est de ceux qui cherchent un sens à la vie au sein même du parc, regrettant même que les hôtes ne puissent pas faire de mal aux invités. Ford, quant à lui, sorte de John Hammond lucide, démiurge conscient du manque – ou du trop-plein – d’âme de ses créations, fascine par ses discours terribles et par sa façon qu’il a de jouer à Dieu.

En deuxième partie de saison, Westworld finit cependant par sortir ses griffes et nous accroche. Grâce à quelques jolis rebondissements chers à Jonathan Nolan, la série s’offre une véritable profondeur. Notamment un twist dans le septième épisode venant remettre en question plusieurs éléments qui nous étaient donnés. L’épisode final, d’une durée généreuse d’une heure et demie, vient également nous balancer quelques gifles dans la tronche pour nous faire reconsidérer le visionnage intégral de cette première saison tout en laissant de nombreuses portes ouvertes pour la suite.

Certes, la série est imparfaite. Avec sa débauche de moyens, elle donne souvent l’impression d’en faire un peu trop. A l’image de Boardwalk Empire, la série a un côté trop impeccable, trop m’as-tu-vu. Elle est aussi un peu pompeuse, parfois trop consciente de sa propre intelligence, se languissant sur certains éléments narratifs.

Reste cependant sa profondeur étonnante, réflexion passionnante et complexe sur la place de l’être humain dans le monde, de ses limites et de sa capacité à créer quitte à être l’inventeur de sa propre perte. Comme Blade Runner, la série se questionne sur ce qui définit un être humain. Est-ce le rêve ? La souffrance ? Qu’est-ce qui donne un sens à la vie ? Quel effet cela fait-il de découvrir sa vie programmée d’avance ? La série offre plusieurs points de vue, apporte des éléments de réponse et ne pointe jamais la bonne – si tant est qu’il y en ait une. Chaque personnage a des raisons valables d’agir, de croire en ce qu’il croit. Perdus dans Westworld, les humains comme les hôtes ont quelque chose à découvrir.

Écrite avec intelligence, bénéficiant d’impeccables dialogues et d’un casting à tomber par terre, Westworld dévoile une ampleur folle qui ne demande qu’à s’étendre. Pas sûr cependant qu’HBO ait trouvé son nouveau Game of Thrones au passage, la série demandant une attention toute particulière, reposant sur un rythme lent et sur des mystères se dévoilant peu à peu, venant nous confronter à notre propre humanité. Reste tout de même la sensation d’un réel foisonnement devant Westworld, un foisonnement complexe et passionnant dont toutes les clés demandent encore à être livrées, notamment lors de la saison 2 diffusée en 2018 !

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