La Lune de Jupiter : Les pieds plantés dans le sol.

La Lune de Jupiter a été pensé comme un film d’anticipation. Le temps pour Kornél Mundruczo de trouver les financements pour le long-métrage, tout est devenu une réalité. La Lune de Jupiter devient alors un pamphlet fantastique sur la crise que vit actuellement l’Europe. Surtout que de façon involontaire, le cinéaste hongrois imagine l’Europe comme une nouvelle terre d’accueil. Ce qu’elle est aujourd’hui, enfin l’Europe de l’Ouest.

Jupiter a 67 lunes connues dont les quatre plus grosses ont été découvertes en 1610 par Galilée. L’une d’entre elles est présumée avoir un océan d’eau salée sous sa surface glacée. Cela pourrait être le berceau de nouvelles formes de vie. Cette Lune a été nommée Europe.

Kornél Mundruczo est un visionnaire. Il a vu la crise avant tout le monde, il l’a imaginée et concrétisée par une première partie oppressante. Nous faisons face à la fuite de migrants à la frontière hongroise. Un jeune migrant se fait tirer dessus lors de sa traversée. Sous le coup de sa blessure, Aryan découvre son don pour la lévitation. Il est alors jeté dans un camp de réfugiés. Kornél Mundruczo montre la foire de ce confinement extrême. C’est invivable et éprouvant. Le réalisateur tient son film avec ce brin de fantastique amenant une certaine curiosité. Mais nous faisons rapidement connaissance avec le Dr Stern, homme détruit par une opération s’étant mal déroulée. Il a tout perdu et doit faire face aux plaintes de la famille du patient mort. Il vit dans la culpabilité d’être un alcoolique ayant perdu sa vocation à sauver des vies. Il travaille alors dans ce camp et repère rapidement Aryan. Le film bascule sur une volonté de faire du migrant un freak capable de rapporter beaucoup d’argent au Dr Stern. Le professeur et son monstre, faiseur de miracles sur une clientèle choisie pour avoir beaucoup d’argent. Une cour des Miracles qui finalement ne sert que la cause du docteur. Il se rachète comme il peut pour rembourser une dette. Mais le film stagne sans aucune perspective palpable. Où va-t-on  ?

À première vue nulle part malheureusement. Après avoir exploité le thème du freak, Kornél Mundruczo transpose sa troisième partie dans une chasse au monstre façon Mary Shelley. Aryan est poursuivie par les autorités. Un réfugié libre dans le pays, cela fait désordre. Cette nouvelle direction amène un certain rythme, Stern et Aryan étant en permanence en fuite. Mais le film ne trouve toujours pas d’identité propre. On ne sait pas où on nous somme face à une œuvre nauséeuse se brouillant dans des lévitations jamais fantastiques. L’homme vole sans forme ni but. Il décolle quand le film reste ancré au sol ne permettant jamais une élévation d’âme. On est clairement perdu face à ce film tenant son sujet à bout de mains, mais se confondant dans l’élaboration de personnages jamais vraiment intéressants. Pire, ils sont en permanence déplaisants, notamment Stern, vil personnage opportuniste dont l’interaction avec le spectateur ne se déclenche jamais. Il est antipathique au plus haut point. Reste Aryan, personnage naïf cherchant désespérément son père. Après être le miracle d’une vie, il est le paria, ce terroriste bien malgré lui suite à un attentat dans le métro hongrois. Il est traqué tel le monstre humain qui s’élèvera en ange ne pouvant répandre la rédemption dans les cœurs.

Kornél Mundruczo avait tous les sujets possibles pour faire de La Lune de Jupiter un grand film. Nous doutons finalement que lui-même sache que faire de cette matière se perdant dans des courants avants-gardes. La crise migratoire + le terrorisme le tout saupoudré de fantastique, la formule était prometteuse. Il ne réussit qu’à orchestrer un film nauséeux en se perdant dans des eaux sableuses. Kornél Mundruczo ne décompresse jamais son sujet lui permettant de s’élever et prendre un second souffle, le recul nécessaire pour faire de son film une ode pamphlétaire poignante.

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