Suicide Squad : Pour une poignée de salopards

Grosse attente de l’année 2016 censée pallier le succès en demi-teinte de Batman V Superman, Suicide Squad avait en effet de quoi nous faire saliver, avec son pitch se la jouant Les douze salopards version DC Comics. David Ayer, à qui l’on doit notamment l’excellent Fury, s’est donc chargé de la lourde tâche de donner vie à cette bande de dingues/tueurs/badass formée par l’implacable Amanda Waller en vue de les envoyer à la casse si des ennemis de la trempe de Superman venaient à attaquer le monde. Qui, en effet, pourrait déplorer la perte de ces psychopathes aux talents forts utiles ?

Troisième film de l’univers DC Comics lancé par une Warner bien décidée à concurrencer Marvel, Suicide Squad prend en compte les événements passés de Batman V Superman et met en place toute une flopée de nouveaux personnages, certains encore jamais vus à l’écran en version live. Si découvrir Captain Boomerang (Jai Courtney, enfin charismatique), Killer Croc (Adewale Akinnuoye-Agbaje, méconnaissable) ou encore Enchantress (Cara Delevingne, sous-exploitée et ridicule) avait de quoi donner un peu envie, les attentes se situent bien évidemment au-delà de trois personnages. D’abord celui de Harley Quinn, la bien-aimée du Joker au moins aussi folle que lui. Ensuite Deadshot, tueur implacable dont la seule faiblesse est sa fille. Et puis le Joker, trouvant une nouvelle incarnation en la personne de Jared Leto dans un look hautement improbable. Celui-ci, bien qu’ayant un rôle secondaire dans l’intrigue, impose un style et une interprétation très personnelle (voire déroutante), se faisant véritablement un grand plaisir d’incarner le célèbre clown psychopathe imprévisible en n’ayant pas peur d’en faire des caisses. S’il apparaît moins glaçant que l’interprétation qu’en a fait Heath Ledger, on sent dans son travail qu’il pourrait être poussé plus loin pour le rendre beaucoup plus intéressant même si sa relation avec Harley Quinn est une belle originalité du film.

Harley Quinn est d’ailleurs la grande vedette du film. Certes, on adore toujours autant Will Smith quand il joue les gros durs avec un peu d’humour (en cela, le rôle de Deadshot lui va comme un gant même si l’acteur a insisté pour rendre son personnage plus sympathique) mais Harley Quinn vole toutes les scènes du film. Margot Robbie, à la fois mutine, fragile et complètement barge, livre une interprétation haute en couleur, se plongeant totalement dans le personnage avec une jubilation évidente, bénéficiant de réparties parfaitement hilarantes. Franchement irrésistible, elle est clairement la grande force de ce film inégal, mutilé par le studio qui a empêché David Ayer de livrer sa version.

D’abord son introduction un peu laborieuse faisant un effort pour bien présenter tous les personnages avant de franchement démarrer. Ensuite son scénario au schéma un peu classique, sacrifiant parfois la méchanceté de ses anti-héros au profit d’un peu d’humanisme et d’humour. Mais aussi un gros manque de lisibilité dans les scènes d’action alors que l’on sait tous de quoi David Ayer est capable quand il est dans ses bons jours (il suffit de revoir Fury pour s’en convaincre). S’il n’est certainement pas un grand film, souffrant d’un amoncellement d’idioties scénaristiques (sa méchante en premier lieu et ses sbires en CGI totalement laids), Suicide Squad reste le film pop, fun et coloré qu’on attendait même si on l’aurait voulu un peu moins décérébré (en cela, le film d’animation Assaut sur Arkham reste un modèle). Dopé par une bande-originale survitaminée et par des acteurs qui s’éclatent, le film affiche la volonté de flirter avec du cinéma badass à l’ancienne comme on pouvait en voir chez Walter Hill sans pour autant en retrouver la saveur. L’intention est noble mais on aurait souhaité que Warner bride moins l’ensemble pour un résultat qui aurait eu plus d’âme.