Le Merdier : engagez-vous qu’ils disaient !

De tous les films réalisés sur la guerre du Vietnam, on retient souvent quatre titres : Voyage au bout de l’enfer, Apocalypse Now, Platoon et Full Metal Jacket. Grâce à Rimini Editions, nous avons désormais l’occasion de découvrir un autre titre avec un regard pertinent sur cette guerre : Le Merdier, réalisé par Ted Post et disponible en Blu-ray et DVD depuis le 24 octobre dernier.

Basé sur un roman de Daniel Ford, Le Merdier – au titre français assez minable comparé à celui anglais, Go Tell the Spartans (référence à la bataille des Thermopyles et à une citation du poète Simonide de Céos : ‘’Étranger, dites aux Spartiates que nous demeurons ici par obéissance à ses lois’’) – est une œuvre féroce et lucide, charge ouverte contre l’impérialisme américain et contre sa guerre absurde. Sorti en 1978, le film situe son action en 1964. A l’époque, les américains ne sont pas encore enlisés au Vietnam et sont sûrs de remporter une victoire là où les français ont échoué quelques années plus tôt. Vieillissant et désabusé, le major Barker pressent déjà les horreurs d’une guerre sans but et ménage ses hommes, leur confiant des missions improbables et sans danger comme établir un périmètre de sécurité pour restreindre l’arrivée de moustiques. Quand l’état-major lui donne l’ordre d’aller occuper un village abandonné, Barker n’a d’autre choix que de s’exécuter. Mais l’ennemi, tapi dans l’ombre et surveillant les moindres mouvements des américains, se prend soudain d’intérêt pour le village et attaque les hommes de Barker, en sous-effectif…

Réalisé avec une totale économie de moyens par Ted Post, réalisateur habile emballant ses réalisations avec efficacité et rapidité (Pendez-les haut et court, Le secret de la Planète des singes), Le Merdier doit sa réussite à son scénario terriblement lucide, offrant au public américain un regard particulièrement dur sur la politique américaine menée au Vietnam depuis des années (d’où son échec au box-office). Tourné en Californie avec les moyens du bord, interrompu pendant plusieurs jours faute d’argent, le film devra son salut à l’implication totale de Burt Lancaster qui mit 150 000 dollars de sa poche pour boucler le tournage. L’acteur, activiste réputé, s’est totalement retrouvé dans le projet et dans le rôle du major Barker (qui boite dans le film à cause du genou de Lancaster), acceptant de baisser son cachet pour l’occasion, refusant de jouer dans Les Oies sauvages pour prêter son charisme à ce vieux briscard de Barker, major bienveillant, lucide, un brin vulgaire et un brin porté sur la bouteille. Qu’importe si dans les faits, un type comme Barker n’aurait jamais été aussi vieux que Lancaster (âgé de 65 ans au moment du tournage), l’acteur est sans conteste le meilleur atout du film.

Aux côtés de Lancaster, Ted Post recrute des acteurs plus jeunes, certains débutant leur carrière avec ce film. On peut en effet voir Marc Singer (plus tard héros de la série V), Craig Wasson (rôle principal de Body Double) ou encore Joe Unger (aperçu dans Les griffes de la nuit) prêter leurs traits à une galerie de personnages hétéroclites, donnant un aperçu des différents points de vue de la troupe, allant du vétéran sachant bien qu’il est impossible de reconnaître un communiste d’un seul coup d’œil au jeune officier rempli de bonne volonté en passant par le soldat vietnamien brutal mais sachant jauger l’ennemi mieux que quiconque. S’il souffre justement de son budget peu élevé dans ses scènes d’action, Le Merdier vaut surtout pour la façon dont il regarde avec lucidité la stratégie totalement suicidaire de l’Amérique au Vietnam. Cruel dans son dénouement, dénué d’héroïsme et particulièrement virulent, Le Merdier n’a peut-être pas trouvé son public à sa sortie mais cette édition vidéo devrait réparer un grand tort et faire redécouvrir la puissance d’une œuvre qui doit beaucoup à la qualité de son scénario, écrit par le talentueux Wendell Mayes (Autopsie d’un meurtre, Un justicier dans la ville).

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